Christian
Lorsque je quitte SIP, ma rage a atteint un nouveau degré. Il me faut un coupable, il me faut un exutoire. Ceux qui ont cherché à nuire à Ana le regretteront. Amèrement.
Je me tourne vers Taylor... Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche que mon BlackBerry sonne. C'est Welch.
- Grey.
- Monsieur, c'est confirmé. Quelqu'un répand délibérément des rumeurs dans les journaux. C'est une attaque ciblée.
- Contre ma femme ? - Oui, monsieur.
Je mets mon téléphone en haut-parleur pour que Taylor puisse suivre notre conversation. - Avez-vous des noms ?
- Pas encore, mais plusieurs de mes hommes suivent Dick Lincoln qui me paraît être le coupable le plus approprié. Le timing est un peu trop parfait.
- Très bien. Prenez aussi contact avec mes avocats. La presse veut la guerre ? Elle l'aura. Cherchez comment la nouvelle a filtré dans les journaux. Je veux que vous me retrouviez la source. Je veux des réponses.
- Mes hommes enquêtent déjà, Mr Grey.
- Qu'ils enquêtent plus vite ! (Grey, arrête de jouer au con.) Que font-ils au juste ?
- Il y a deux options, acheter des infos aux journaux ou échanger des tuyaux avec eux. Ce n'est pas recommandé avec un tabloïd, mieux vaut ouvrir une trappe discrète.
Je suis sous le choc.
- Échanger des informations avec ces ordures ? Vous êtes fou ou quoi ? Pas question ! D'ailleurs, j'en ai déjà discuté avec mon service de Relations Publiques, ils vont organiser... une conférence de presse avec les principaux journaux.
- Excellente idée, Mr Grey, mais les paparazzis continueront à traquer Mrs Grey pour un scoop même si vous leur fournissez une interview et des photos. Ils savent bien que ça se vendra. Surtout avec votre nom.
- Quoi, mon nom ? Il n'y a pas plus discret que moi, j'ai toujours mis un verrou sur ma vie privée.
- Justement. Durant des années, vous êtes resté une énigme, un milliardaire enfermé dans sa tour d'ivoire, intouchable, inatteignable. Mrs Grey étant la seule à avoir réussi à attirer votre attention, les gens s'intéressent d'autant plus à elle et à votre relation. Ils veulent tout connaître d'elle et surtout savoir ce qui la rend spéciale. Je sais que des paparazzis ont traîné à l'université, cherchant à déterrer son passé, à traquer d'anciens amoureux. Vous savez, la plupart des journaux évoquent Cendrillon, mais beaucoup posent aussi des questions concernant Hyde. Ce mec n'est pas qu'un kidnappeur, c'est un détraqué.
J'ai les dents crispées de rage.
- Ne baissez pas les bras, Welch. C'est probablement Linc. Ça lui correspond bien. Il est tordu. Lui et Hyde étaient faits pour s'entendre.
Lorsque je raccroche, je me passe les deux mains dans les cheveux. Mentalement, je fais défiler la liste de mes ennemis. Ils sont nombreux, d'accord, mais ce putain de Linc est tout en haut. Par contre, il n'avait aucun moyen de connaître la grossesse Ana...
À moins que...
D'anciens amoureux. Les mots de Welch me reviennent à l'esprit. José Rodriguez. Le petit salopard a pété un câble en apprenant la nouvelle, conscient d'avoir définitivement perdu Ana.
C'était déjà le cas avant, connard, même si tu refusais de l'admettre. Maintenant, quel lien peut-il y avoir entre Rodriguez et Linc ? Aucun...
Alors, Elena ? Elle m'a envoyé ce foutu SMS le soir de notre dernière rencontre : tu seras un père merveilleux. Mais je ne lui avais pas parlé de la grossesse d'Ana, merde ! Elle savait juste que ma femme et moi envisagions de créer une famille. Un jour... Et puis, Elena déteste son ex-mari. Elle n'avait aucune raison de se précipiter pour lui transmettre une information aussi vague.
Les seuls à être courant sont les membres de nos deux familles. Aucun ne parlerait délibérément, mais il peut s'agir d'un lapsus tombé dans une oreille malintentionnée...
Ce qui ne m'avance à rien.
***
Je suis dans mon bureau. Je l'arpente de long en large durant quelques minutes avant de prendre une décision. Je sors mon BlackBerry, cherche dans mes contacts - ceux que j'utilise rarement - puis je clique d'un doigt ferme sur le numéro affiché.
Une sonnerie. Deux, trois, quatre... Qu'est-ce qu'il fout, ce con ? Je n'aime pas attendre. J'ai rarement à rester planté sans qu'on me réponde.
- Oui ?
Pas trop tôt. Il a une voix essoufflée comme s'il revenait d'un marathon - ou que je l'avais interrompu durant une session torride.
- José, c'est Christian Grey.
Manifestement sidéré, il reste silencieux quelques secondes. Et sa voix s'est nettement rafraîchie lorsqu'il reprend :
- Et alors ? Qu'est-ce que tu veux ?
- Aurais-tu parlé à la presse de la grossesse d'Anastasia ? - À... qui ? Aux journalistes ? Non...
Sa surprise semble authentique. Il continue sans cacher son amertume :
- Après cette scène à l'hôpital, je me suis fait incendier aussi bien par mon père que par Ray Steele. Je n'en ai parlé à personne.
- Tu en es certain ? Très peu de gens sont au courant et la nouvelle s'est pourtant répandue.
- Écoute, mec, je suis désolé... Je ne sais pas ce qui m'a pris de parler à Ana comme ça. Depuis, j'ai téléphoné plusieurs fois, elle ne m'a pas répondu.
J'en suis enchanté ! Je n'ai pas le temps de le faire savoir, José continue son plaidoyer :
- Tu penses vraiment que je lui aurais sciemment porté un coup pareil ? Non, merde ! J'ai déjà flingué notre amitié, je ne tiens pas à en rajouter. J'aimerais qu'elle me pardonne... Je... j'ai déconné. C'était parce que je... Je...
Parce que tu l'aimes, enfoiré.
Cette idée me donne des envies de meurtre. Et pourtant, je comprends ce que José ressent. Je m'imagine à sa place : voir la femme que j'aime partir au bras d'un autre... C'était le pire de mes cauchemars au moment où Ana et moi avions rompu. J'en presque ressens de l'empathie... Non !
Je m'efforce d'étouffer ce sentiment : une faiblesse dont je n'ai pas besoin. Surtout aujourd'hui.
- D'accord, José, je te crois. Le problème, c'est qu'Ana est poursuivie par des paparazzis. Ils l'accusent de s'être fait engrosser pour me piéger. Ils prétendent aussi que seul mon argent intéresse ma femme.
Mon aigreur s'entend dans ma voix. Et puisque José a plus ou moins énoncé les mêmes accusations, il les prend très à cœur.
- Quoi ! hurle-t-il.
J'entends un bruit violent suivi de :
- Ouille ! Merde, non, mais quel con !
Il grogne, il paraît souffrir. Il a dû balancer son poing contre le mur le plus proche et se bousiller les jointures. Je n'arrive pas vraiment à le plaindre - bien fait pour lui ! -, mais je n'ai pas de temps à perdre avec ces enfantillages.
- José ?
- Oui, merde, désolé. Je suis désolé... Tu crois que quelqu'un m'a entendu à l'hôpital ? Tu crois que tout est de ma faute ? Oh non...
J'envisage cette hypothèse, mais non. Et même si Rodriguez n'a pas trahi notre secret, ce n'est pas pour autant que je compte le réconforter.
- Je ne pense pas que ta déplorable scène à l'hôpital a été surprise, dis-je, plutôt fraîchement. Et je ne pense pas non plus que tu aies cherché à nuire à Ana. Et c'est une chance pour toi. Parce que quand j'aurai trouvé le coupable, je lui ferai payer très cher ses accusations.
- Je comprends... balbutie José. Je ferai la même chose pour protéger Ana. Pour rien au monde je ne voudrais lui faire du mal.
Là, j'éclate d'un rire mauvais.
- Tu déconnes ou quoi ? Tu lui as déjà fait mal. Tu l'as accusée, humiliée devant son mari, son médecin, ses agents de sécurité, son père et le tien. Tu lui as parlé comme si elle était une gamine. Ana est une adulte. Elle est mariée. Elle est ma femme. Si j'ai envie de lui faire des enfants, ça ne te regarde pas !
- Je voulais juste...
- Je sais ce que tu voulais. Depuis le jour où je t'ai rencontré, je sais ce que tu attends d'Ana. D'ailleurs, il suffit de voir les photos que tu as prises d'elle ! Et je te rappelle que tu as osé les exhiber sans même demander son avis à Ana !
- Les exhiber ? proteste-t-il, offusqué. Ces portraits sont magnifiques. Tu les as tous achetés parce qu'ils te plaisaient.
- C'est sans importance. Même s'ils m'avaient déplu, je les aurais achetés quand même - pour les brûler. Ana déteste être exposée. Tu le sais, mais pour te faire valoir, tu n'en a pas tenu compte. Jamais elle n'aurait accepté que tu prennes ces photos d'elle si tu lui avais indiqué leur véritable destination.
- Je... je croyais...
- Et devant ce bar, la nuit où je vous ai retrouvés ? Elle était malade et toi, tu cherchais à l'embrasser contre son gré. Penses-tu vraiment que ton désir justifiait ton comportement ? Tu veux savoir ce que je pense d'un homme qui abuse de sa force vis-à-vis d'une femme ? Ana ne l'a jamais oublié.
- Moi non plus, gémit José. Moi non plus... Une fois encore, je sais qu'il dit la vérité.
Ana le considérait comme son ami, mais ce jour-là, elle a perdu l'admiration qu'elle ressentait pour lui. Parce qu'après avoir tenté d'abuser d'elle, José l'a abandonnée ivre-morte à un parfait inconnu. Quel genre d'ami agit ainsi ?
José Rodriguez n'est pas le salopard dont tu l'as souvent traité, Grey, ce n'est qu'un gamin irresponsable.
Il a mal agi parce qu'il était malheureux. Comment peux-tu lui jeter la pierre ? José brise le silence qui s'est établi entre nous : - Comment Ana le prend-elle ?
- Mal. Elle n'arrive pas à comprendre une telle vindicte à son sujet. - Elle est chez toi ?
- Non, elle a tenu à travailler. Elle est à son bureau. - Tu ne crois pas qu'elle devrait...
- Je n'ai pas besoin de ton avis pour savoir comment traiter ma femme. Merde ! Ana ne tient pas à se reposer, elle préfère mener une vie aussi normale que possible. Fiche-lui la paix !
Je raccroche, furieux. Ce mec me sort par les yeux. J'aurais aimé le juger coupable d'avoir trop parlé pour pouvoir lui casser la gueule, mais ce n'est pas lui. Merde, j'ai vraiment besoin de faire baisser ma pression. Il faudra que je demande à Claude Bastille de passer dans l'après-midi...
- Andrea !
Quelques secondes plus tard, elle pénètre dans mon bureau et me présente l'emploi du temps de ma matinée. Elle me surveille du coin de l'œil, mon beuglement l'ayant prévenue de mon humeur.
- Où est...
Merde, comment s'appelle déjà cette foutue stagiaire ?
- Janelyn installe les documents nécessaires dans la salle de réunion, Mr Grey. Elle prépare aussi le café.
Oui, je dois rencontrer des acheteurs européens... Unlimited Luxury - Luxe illimité, tout un programme. Ros doit déjà se trouver avec eux. Entre autres, ces gens-là customisent en Europe les jets et yachts les plus célèbres. Ils veulent s'étendre en Asie et savent que j'ai déjà des contacts sur place. Ce serait une nouvelle branche pour GEH, mais j'ai toujours aimé me diversifier.
Et puis c'est leur clientèle qui m'intéresse : les hommes les plus riches du monde.
Je renvoie Andrea d'un geste de la main, puis je consulte ma montre. J'ai quelques minutes avant de rejoindre la réunion. J'en profite pour envoyer un mail à Ana.
***
De : Christian Grey Sujet : Pense à toi Date : 1er novembre 2011, 09:25 À : Anastasia Grey Ma très chère épouse. Comment vas-tu ? Tu me manques déjà... J'aimerais pouvoir te consoler de ce qui s'est passé ce matin...
***
Merde ! Ça ne va pas du tout. Ça ne ferait que lui rappeler son humiliation. J'efface tout et je recommence.
Baby,
Je t'aime. Je t'aime infiniment.
***
Je t'aime si désespérément que j'en suis à tes pieds. À jamais.
Tout ce qui t'atteint me bouleverse - et me met en colère. Comme un ange vengeur, je voudrais pourfendre tes ennemis. Je donnerai n'importe quoi pour te voir sourire, pour te voir heureuse.
Ana, tu es belle, courageuse, authentique. Tu es encore plus merveilleuse intérieurement qu'extérieurement. Tu es toute ma vie. J'ai dû accomplir une bonne action, quelque part, pour avoir eu la grâce de te trouver sur mon chemin.
Aussi, quelles que soient les épreuves que nous rencontrerons, c'est sans importance. Nous les affronterons ensemble, main dans la main.
Je te promets de te protéger, ainsi que notre enfant, et de vous aimer de mon mieux.
Je pense avoir fait des progrès en perdant quelques-unes de mes cinquante nuances de folie. Grâce à toi, je suis devenu un homme meilleur. Grâce à toi, je vois l'avenir avec espoir. J'ai enfin compris qu'un amour pouvait être inconditionnel et dépasser les restrictions de la condition humaine. À ce soir, Christian Grey PDG éperdument amoureux de sa femme - Grey Entreprises Holdings
***
Au moment où je quitte mon bureau, mon putain de BlackBerry est déchargé. Encore ! J'en ai vraiment ras le bol de cet appareil à la con !
Je le jette en passant sur le bureau d'Andrea :
- Andrea, rechargez-le durant la réunion. Si ma femme téléphone, à n'importe quel moment, passez-la-moi.
- Bien entendu, Mr Grey.
Elle me jette un regard un peu froid, elle n'aime pas que je lui rappelle des ordres déjà donnés. Je m'en fous. Je voulais surtout que la nouvelle
- j'ai encore oublié son foutu nom ! Janemachin ? - soit au courant.
- Andrea, j'ai laissé mon portable dans mon bureau. Apportez-le-moi en salle de conférence.
N'ayant pas mon BlackBerry, je veux recevoir instantanément la réponse d'Ana à mon mail. Son visage désespéré après les accusations de ce matin m'est resté gravé dans le cerveau. Ça me tue d'avoir dû la laisser alors qu'elle avait (peut-être) besoin d'être réconfortée.
Mais pas question qu'Ana se laisse aller ainsi : elle doit réagir quand on l'attaque. Il faudra que je lui apprenne à être plus agressive. Cette idée me réconforte. J'aime être son mentor - dans tous les domaines.
VOUS LISEZ
Livre 4
RandomQui domine les autres est fort. Qui se domine est puissant. * Être aimé donne de la force Aimer donne du courage Lao Tzeu FAMILLE Par FIFTY SHADES de GREY **** LIVRE IV