Problème Hormonal

4.1K 43 0
                                    


Avril 2012


À Broadview


Ana


Si on m'avait prévenue de ce que signifiait une grossesse pour une femme, j'aurais fait plus attention


à mon rendez-vous avec le Dr Greene et à mes piqûres contraceptives, malgré la pression que Jack Hyde


faisait peser sur nous.


Je supporte les nausées du matin, les crampes, les courbatures, le mal au dos. Non, ce qui me tue,


c'est d'avoir sans arrêt envie de faire pipi. Sans compter que j'ai la sensation de perdre la tête !


- Gail !


J'avance pesamment jusqu'à la cuisine, les pieds nus. Je porte une chemise de Christian, décemment


boutonnée, et un pantalon de survêtement que j'ai retrouvé dans d'anciennes affaires de l'université. Il


appartenait à Kate, je crois, je ne sais pas du tout comment il s'est retrouvé dans mon sac.


Je me sens misérable. Même à ses fourneaux, Mrs Taylor est impeccable dans sa jupe noire et son


chemisier immaculé. Elle prépare quelque chose qui sent délicieusement bon. De la sauce tomate ? Sans


doute fait-elle des lasagnes.


- Ana ?


Elle paraît surprise, elle cligne un peu les yeux et se tourne vers moi.


- Sauriez-vous par hasard où se trouve mon téléphone ?


Je n'ai jamais été très ordonnée. Autrefois, Ray s'arrachait les cheveux et me traitait de « tête en


l'air ». La grossesse n'arrange rien. Plus Petit Pois grossit, plus j'ai l'impression de tout oublier. L'autre


jour, à SIP, j'ai oublié où était mon bureau. Je suis retournée à mon ancien poste, lorsque j'étais


assistante de Jack. C'est très inquiétant. Je n'ai pas osé en parler à Christian, surtout pas après avoir


passé des jours à lui affirmer que j'étais parfaitement capable de travailler ou de conduire. Sur ce dernier


point, il a refusé de céder. Il insiste pour que ce soit Sawyer qui m'emmène. À mon avis, Christian a


donné à mon agent des instructions très strictes concernant ce que je suis autorisée ou non à faire. Au


début, j'ai protesté. Plus maintenant. J'ai toujours sommeil... je suis fatiguée. Et ces précautions


exagérées me paraissent sensées. C'est dire !


- Ne l'auriez-vous pas mis à charger ? dit gentiment Gail.


Ah oui, bien sûr ! Il doit être sur la cheminée. Plutôt que d'aller le chercher, je me laisse tomber sur


une chaise, le visage dans les mains. Je me sens horrible, lourde, inutile...


Loin de compatir, Gail à un petit rire.


- Ce n'est pas drôle, dis-je en lui jetant un coup d'œil sévère.


- Oui, je m'en doute


Elle place devant moi une assiette bien garnie. Miam ! Je suis affamée.


Sans me laisser le temps de la remercier, elle reprend :
- D'après ce que m'en a dit ma sœur, Allison, qui en a eu plusieurs, il est très difficile de porter


un enfant, Ana, et surtout de le fabriquer. Ce n'est pas grave si vous oubliez votre téléphone...


Elle marque un petit temps de pause :


- ... mais je suis chargée de veiller à ce que vous n'oubliez pas de manger.


Je fronce les sourcils : cette remarque me paraît une réprimande déguisée. Gail doit savoir que j'ai


sauté le dîner la nuit dernière, Christian était à New York pour une réunion d'affaires- il est revenu dans


la nuit -, aussi j'ai pensé que personne ne remarquerait cette petite entorse au règlement.


Je n'avais pas faim, je me suis contentée de manger des biscuits apéritifs et de la glace à la vanille.


Tout le reste me paraissait écœurant.

Livre 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant