Chez le Dr Flynn

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Christian
Je me demande bien pourquoi j'ai parlé à John de cette histoire Rodriguez. En fait, je n'ai rien à cacher à mon psy - qui en a entendu d'autres. Simplement, je ne veux pas que ce photographe continue à m'emmerder. Mais John voulait des nouvelles de ma femme, je lui ai exprimé mes inquiétudes et, d'une chose à l'autre, nous sommes arrivés à cette visite à l'hôpital. Du coup, le nom de Rodriguez est tombé dans la conversation comme un crachat dans la soupe.
Grey, tu as des comparaisons d'un distingué !
- Christian, je suis désolé qu'Anastasia ait ce genre de malaise. Vous savez, Rhianne a eu notre premier fils très facilement, mais pour le second, les choses n'ont pas été aussi simples. L'obstétrique n'est pas mon domaine, le Dr Greene a une excellente réputation et...
- Dans le cas contraire, je ne lui aurais jamais confié Ana.
John esquisse un sourire. Il me connaît, il sait que je cherche l'excellence, même si c'est une notion quelque peu illusoire.
- Bien sûr. Donc, le Dr Greene suit Anastasia de près. Si elle ne s'inquiète pas, vous ne devriez pas le faire non plus.
- Ana était furieuse contre Rodriguez. Pour une fois, elle n'a pas cherché à le défendre. Elle a enfin vu pour ce qu'il est : un raté aigri et envieux.
- Vous exagérez. J'ai rencontré ce jeune homme le jour de votre mariage, il est évident qu'il éprouve envers Anastasia une forte attirance. Vous devriez ressentir vis-à-vis de lui une certaine empathie. Imaginez ce que vous ressentirez si l'objet de votre flamme n'avait pas répondu à vos sentiments.
Peuh ! Je l'aurais convaincue de changer d'avis...
- Je n'arrive pas à admettre qu'un prétendu amour soit aussi égoïste, dis-je, furieux. José a attaqué Ana et l'enfant qu'elle porte !
- Christian, vous avez beaucoup changé au cours des derniers mois. Il y a un an à peine, vous pensiez que l'amour n'était pas dans vos aptitudes. Et même lorsqu'Anastasia vous a déclaré qu'elle vous aimait, vous avez d'abord refusé d'y croire.
Tu étais vraiment con, Grey !
- Et alors ? J'ai appris de mes erreurs. J'ai progressé. Aujourd'hui, ce qui compte pour moi, c'est le bonheur de ma femme. Plus encore que le mien.
- Et c'est tout à votre honneur. Anastasia avait de l'amitié pour ce jeune homme. Elle est en colère, ce que je comprends, elle se sent trahie. Et vous, que ressentez-vous ?
- Du soulagement. J'espère qu'on entendra plus parler de lui. Je sais que c'est improbable.
Pour une raison que j'ignore, John se croit obligé de noter plusieurs lignes sur le bloc qu'il tient toujours à sa disposition durant nos séances.

Il relève ensuite la tête.
- Christian, l'amour implique des sacrifices. J'ai plusieurs fois tenté de vous le faire comprendre. Il arrive que l'on fasse de la peine à ceux à qui l'on tient le plus.
- Ma mère m'a dit quelque chose de ce genre, à l'hôpital, lorsqu'Ana... (Ma voix devient plus rauque.) Ça me rendait dingue qu'elle ne se réveille pas. Ma mère est venue... Nous avons parlé... Je me rappelle ses paroles : On souffre toujours par ceux qu'on aime. Sur le coup, je n'étais pas certain d'avoir compris ce qu'elle voulait dire... j'avais du mal à réfléchir. Elle avait raison. En tenant à quelqu'un, on lui donne le pouvoir de vous décevoir et de vous blesser. Ma mère a aussi prétendu qu'il fallait aimer très fort quelqu'un pour prendre la peine d'être en colère contre lui.
Je fronce les sourcils. Merde. Ana tenait à Rodriguez - elle y tient toujours, probablement. Quand je l'ai connue, elle n'avait pas beaucoup d'amis. Juste lui et Kate Kavanagh. Maintenant, il y a aussi Elliot et Mia, mais ils sont de la famille. Ce n'est pas pareil.
- Christian ?
Le ton interrogateur de John m'indique qu'il aimerait savoir où m'ont emmené mes réflexions. - Je me fous de ce que deviendra Rodriguez, John, mais Ana y tient beaucoup. C'est son ami. - Voilà une concession importante de votre part. - Pourquoi ?
- Parce que vous aimeriez garder Anastasia pour vous, mais par amour, vous êtes prêt à la partager. L'amour implique des sacrifices. Voyez, par exemple, votre mère...
- Grace ?
- Non, votre mère biologique.
- Je n'arrive pas à avoir un lien entre José Rodriguez et la p...
Je m'interromps. Ana n'aime pas m'entendre dire « la pute à crack », mais je ne veux pas appeler Ella Watson « ma mère ». Ma seule mère, c'est Grace. Ella n'en a jamais mérité ce titre.
- Christian, rappelez-vous votre ressenti en apprenant la grossesse d'Anastasia. Quel adjectif utiliseriez-vous pour évoquer votre état d'esprit ?
- Terrorisé, furieux, perdu, inquiet... incompétent, floué... - Et aujourd'hui ?
- Je suis inquiet. J'ai peur pour Ana. J'ai failli la perdre une fois, ce qui m'a tout remis en perspective...
Après un bref moment de réflexion, un aveu m'échappe :
- J'ai toujours peur mais d'autre chose. Peut-être d'être nul dans le rôle de père. Anastasia affirme qu'elle m'aidera. Avec elle à mes côtés, je pense être assez solide pour tout affronter.
Avec elle à mes côtés... Oui, c'est là mon problème. Une fois, elle m'a quitté. Pour de bon. Une autre fois, elle a simplement prétendu le faire - et durant quelques secondes, je l'ai crue. Et ensuite, Hyde l'a agressée et elle s'est retrouvée dans le coma... Que me réserve le futur ? Et si Ana a un accident ? Et si elle tombe malade ? Comment pourrais-je oublier l'image de ma femme inconsciente étalée sur le béton d'un parking sordide... ?
Il me faut une bonne minute pour réussir à parler.

- J'ai failli tuer Hyde en découvrant ce qu'il avait fait à Ana. Cet enfoiré a aussi fait courir un risque à mon enfant à naître.
John a cessé d'écrire, il me regarde avec attention.
- Vous avez songé à l'enfant ? Même à ce moment-là ?
- Bien entendu. Ce bébé est à moi. Il est innocent, incapable de se défendre, c'est à moi de le protéger. C'est la moindre des choses, vous ne croyez pas ?
- Et vous réalisez ce que ça veut dire ? Étrange, mais je suis furieux. - Non. Quoi ?
- Vous avez eu, d'instinct, la réaction d'un véritable père. Je n'arrive pas à comprendre que vous vous inquiétiez sur votre capacité à aimer cet enfant après sa naissance, vous y tenez déjà alors qu'il existe à peine.
- Ana y tient beaucoup... - Et vous aussi.
Je ne réponds pas. John a raison, je tiens à cet enfant. Il sera un lien de plus entre Ana et moi. À nous trois, nous formerons une famille. Plus seulement un couple, mais une cellule, soudée et forte. Quelle drôle d'idée... ! En quittant Harvard, à vingt-et-un ans, pour me lancer dans la vie active, j'ai fait de mon mieux pour me séparer de ma famille adoptive, mes parents, mon frère et ma sœur. Je voulais les protéger de moi et de mes cinquante nuances de folie. Et aujourd'hui, grâce à Ana, ma famille est devenue plus solide que jamais. Mieux encore, elle s'agrandit.
- Vous ne regrettez pas votre ancienne vie ? demande John comme s'il savait que je pense à mon passé.
- Non ! Absolument pas. Ana me donne tout ce dont j'ai besoin, le sexe mais aussi la passion, l'appartenance, l'acceptation. Elle connaît tout de moi et elle est toujours là. Bien sûr, je l'aime, mais cette expression est bien trop galvaudée. Ce que je ressens pour elle est si fort, si intense, si fondamental. Ana est toute ma vie, mon objectif, mon début et ma fin. J'ai l'intention de m'occuper d'elle et de la rendre heureuse aussi longtemps que j'existerais. Cet enfant matérialise le lien qui nous unit. Maintenant que je l'ai compris, j'ai accepté qu'il intervienne en tiers entre nous.
- José l'a comprit aussi. C'est bien pour ça que la jalousie l'a rendu fou.
- Ce n'est pas une raison pour insulter cet innocent ! C'est d'ailleurs ce qui a fait réagir Ana si violemment.
- Elle a vraiment giflé ?
- Absolument. Bien sûr, j'avais aussi envie de lui balancer mon poing dans la gueule, mais je vous assure que l'effet aurait été bien moindre. Et puis, Ana voulait annoncer la nouvelle à son père en douceur. À cause de Rodriguez, Ray a appris cette naissance de la pire des manières.
- Il était en colère ?
- Pas du tout. Au contraire, il a paru ravi. Je pense qu'au début de ma relation avec Ana, son père se méfiait un peu de moi. Depuis son accident, nous nous sommes rapprochés. Comme je vous l'ai expliqué une fois, Ray a été très protecteur envers Carla, la mère d'Ana. Trop sans doute... il n'a pas

réussi à la garder. Ana m'a expliqué qu'en grandissant, son père était très strict envers elle. Mais elle savait qu'il agissait ainsi par amour, pour son bien, elle ne lui en a pas voulu.
- Qu'il s'agisse d'amour ou d'amitié, le pardon est parfois nécessaire. Ne l'oubliez pas si Anastasia revoit un jour José Rodriguez.
- Oh, elle va lui pardonner, j'en suis certain. J'en ai même déjà pris mon parti. Je pense avoir quelques semaines de tranquillité, sinon quelques mois ... C'est toujours bon à prendre.
En quittant le cabinet, quelques minutes plus tard, je trouve Taylor dans la salle d'attente. Je salue la réceptionniste, Edna avant de redescendre dans la rue où est garée l'Audi Quattro.
- Taylor, je veux passez voir mon frère. - Où est-il, monsieur ?
- Sur le chantier de notre nouvelle maison, à Broadview.

Livre 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant