Livre 4

Les clochettes

Ana
Un délicieux arôme de chocolat à la menthe émane de la vapeur brûlante des tasses alignées sur le
plateau, j'en ai les narines qui palpitent. La maison est bien remplie, ce soir : toute la famille Grey est
là. J'entends leurs conversations animées depuis la cuisine où je saupoudre de paillettes les chocolats
chauds que Gail nous a préparés. Elliot chante Jingle Bells pour Teddy dans le salon, le rire joyeux de
mon petit bébé flotte jusqu'à mes oreilles, musique céleste qui me fait palpiter de bonheur.
À toute allure, notre traîneau
Glisse sur la neige
Droit vers les grands espaces
Ses clochettes carillonnent
Et rythment notre chemin
*
Oh, les clochettes, les clochettes
Carillonnent tout le long du chemin
Oh, quel plaisir de glisser
Sur notre beau traîneau... !
- Ana ? Qu'est-ce que tu fais ? Tout le monde t'attend.
Christian vint de pénétrer dans la cuisine, il s'approche de moi et pose la tête sur mon épaule.
- Je voulais juste leur apporter des chocolats chauds.
Dès que je fais mine de soulever le plateau, mon mari me le prend des mains.
- Hey, je m'en occupe. C'est lourd. Tu aurais dû m'appeler pour t'aider.
- Je ne voulais pas te déranger, tu parlais avec ton père.
- J'ai eu du mal ! On ne s'entend plus entre les bramements d'Elliot et les fous rires de Mia.
- Oh, comment peux-tu dire ça ! Elliot chante remarquablement bien, il a une voix très juste.
Christian éclate de rire. Je réalise alors qu'il se moquait de moi. Parfois, je ne devrais pas prendre au
pied de la lettre toutes les critiques qu'il jette à son frère, c'est apparemment une tradition qui existe
depuis leur enfance. Mais comment le saurais-je ? Moi, j'ai été élevée enfant unique.
- Tu n'aimes pas Jingle Bells ? Dis-je en riant.
- Disons qu'en ce moment, je fais une overdose.
Effectivement, Grace nous a apporté un CD de chants de Noël qui tourne en boucle depuis son
arrivée. Quand nous pénétrons au salon, une autre chanson commence - The Magic Of Christmas Day
de Celine Dion - Elliot arrête de chanter. Je vois Kate articuler en silence dans ma direction. Il me faut
un moment pour déchiffrer ses mimiques : « pas trop tôt ! » Je retiens un rire nerveux. Je ne crois pas
qu'elle se plaigne d'entendre chanter Elliot, non elle est comme Christian, elle ne supporte plus la
mièvrerie de cette musique. Grace embrasse Elliot avec effusion en le félicitant. Teddy bat des mains,
la mine ravie ; lui non plus ne paraît pas se plaindre de son DJ. Mais il n'a que six mois.

Pendant que Christian dépose le plateau sur la table basse, je vais jusqu'au transat où mon bébé est

assis, près du sapin. Je le prends dans mes bras. J'ai envie de le serrer très fort, je ne me lasse pas de sa

délicieuse odeur. J'évoque notre Noël de l'an passé... Je m'étais dit : « l'année prochaine, Teddy sera

là. » Et c'est le cas. Que c'est étrange ! Il s'est passé tant de choses, et pourtant, en regardant l'année

écoulée, j'ai l'impression qu'elle a filé comme l'éclair.

- Ce chocolat est absolument excellent, Ana ! crie Mia.

Elle repose sa tasse vide. Je me demande comment elle a pu boire si vite un liquide aussi brûlant.

Mais c'est Mia : elle vit toujours à 100 à l'heure.

- Merci, mais je ne mérite pas tes compliments. C'est la recette de Gail.

- J'aimerais l'avoir.

- Aucun problème. Je la lui demanderai pour toi.

Je souris à ma belle-sœur ; elle est adorable ce soir dans un bustier noir vintage à grosses pastilles de

couleurs - qui évoquent des boules de Noël. Mia pourrait descendre le tapis rouge le soir d'une remise

d'Oscars à Hollywood dans une robe aussi éblouissante, je suis flattée qu'elle la porte pour un simple