Andrea
1er novembre
Une de mes joies le matin, c'est d'entendre le bruit de mon percolateur. Tout mon appartement sent le café fraîchement moulu, on se croirait chez Starbucks.
Dès que j'arrive dans mon bureau, au vingtième étage de la tour Grey House, je me précipite vers la cafetière - un engin étonnant, le meilleur modèle que l'argent puisse acheter - où je continue à satisfaire mon addiction. Mr Grey a toujours ce qu'il y a de mieux et il sait combien le café m'est important. Parfois, je me demande comment il connaît la moindre de mes faiblesses. Lui aussi apprécie son café, peut-être est-ce pour lui qu'il a fait cet achat. Non. J'ai un doute. Cette cafetière expresso est arrivée peu après que je travaille pour lui. Je peux compter sur les doigts de la main - ou disons, des deux mains -, les personnes qui y ont accès : Mr Grey et ses agents de sécurité, Taylor et Sawyer, Ms Bailey, Barney Sullivan... et moi.
Et encore Sawyer, c'est depuis peu... Je n'avais jamais fait trop attention à lui avant l'enlèvement de Mrs Grey. Mais durant quelques jours difficiles, Taylor est resté à l'hôpital auprès de Mr Grey, et Sawyer faisait la liaison avec Grey House. C'est bien la première fois que Mr Grey s'absentait ainsi ! Je travaille pour lui depuis quatre ans, huit mois et onze jours... et il n'a jamais pris un jour de vacances. Récemment, il est parti en voyage de noces, il a aussi accompagné sa femme à Portland ; il lui arrive d'annuler des rendez-vous. Il organise autour d'elle tout son emploi du temps. Il n'a pas menti en me disant un jour que Miss Anastasia Steele était sa priorité numéro un.
Le 9 mai dernier, une étudiante mal fagotée s'est présentée à l'accueil... elle n'était même pas attendue ! Je n'arrive pas à comprendre comment elle a eu accès à Mr Grey. En général, Taylor intervient pour qu'il ne soit pas importuné par des inconnus. Je revois Miss Steele dans ses vêtements Wal-Mart, trébucher en sortant de l'ascenseur, si timide et maladroite. Samedi, elle est apparue au bras de Mr Grey comme si elle émergeait d'un magazine de mode. Sa robe était parfaite, mais j'ai noté qu'elle ne la moulait pas, surtout au niveau de la taille. Et puis, il y avait autour de Mrs Grey une sorte d'aura... que j'ai déjà aperçue chez des amies à moi, lorsqu'elles étaient enceintes. Les journaux disent vrai. Elle porte l'héritier de la dynastie. Quelle responsabilité incroyable ! La presse ne cesse de la poursuivre depuis des jours. Les journalistes ne sont pas toujours gentils envers elle dans leurs articles. Dans le meilleur des cas, ils parlent de Cendrillon, dans le pire, ils sous-entendent qu'une aventurière a pris au piège « le célibataire le plus riche de Seattle. »
Sont-ils aveugles ?
Mr Grey, lui, ne l'est pas. Malgré les vêtements informes qu'elle portait lors de leur première rencontre, il a remarqué la beauté de Miss Steele : une peau lumineuse qu'aucun traitement esthétique ne peut égaler, des cheveux sains, les yeux purs, une âme jeune et enthousiaste.
Je baisse les yeux sur la tasse de café que je tiens à la main. Je la soulève jusqu'à mes narines pour inhaler profondément cette odeur divine. Je frissonne de tout mon corps, il y a des petits plaisirs dont je ne me lasserai jamais.
Je regarde autour de moi, je suis la première arrivée ce matin. Autrefois, Mr Grey était toujours là à l'aube.
Mr Grey... je me souviens avoir cherché des informations le concernant sur Google avant de venir à mon entretien d'embauche. Mon précédent employeur était un homme odieux. Il me harcelait. J'ai dû démissionner. Dès que j'ai vu Mr Grey, son visage ciselé, sa haute taille, ses yeux gris, je me suis dit que lui céder ne serait pas une corvée. Très vite, j'ai réalisé qu'il n'attendait de moi que du travail, de la ponctualité, de l'efficacité. Il n'a jamais remarqué autre chose chez moi que mon cerveau.
Est-ce que je suis jalouse d'Anastasia ? Non, je ne crois pas. Ou du moins, la seule chose que je lui envie chez est d'avoir trouvé chaussure à son pied. Elle paraît si heureuse...
Mr Grey n'a jamais été gay, j'en suis bien certaine. Au cours des années, je lui ai envoyé je ne sais combien de NDA - des contrats de confidentialité - pour de futurs employés de Grey House ou pour Taylor, Sawyer, Mrs Jones... Parfois aussi pour d'autres personnes que je n'ai jamais rencontrées. Selon moi, il s'agissait de femmes... ses maîtresses. Il devait les payer pour rester discrètes. Aucune d'elles n'est jamais apparue à son bras ni dans les journaux ni en public. D'après un proverbe, il n'y a pas de héros pour son valet de chambre. Je dirais aussi qu' « il n'y a pas de secret pour une assistante. » Il me faut souvent deviner les besoins de Mr Grey avant même qu'il les exprime. Je suis payée pour ça, très bien même. Je possède un appartement, de jolis meubles, de beaux vêtements. Ce qui me manque, c'est du temps libre.
Et aussi un compagnon. Sauf que je n'ai pas un comportement qui encourage approches ou familiarités. Je ne suis naturelle qu'envers les hommes que je peux considérer comme... des eunuques.
Barney Sullivan par exemple.
L'image de Sawyer apparaît dans mon esprit. Je la repousse résolument. - Bonjour, Iceberg, clame une voix dans mon dos. Je me retiens de justesse de pousser un hurlement.
- Je n'aurai jamais cru qu'un geek puisse agir comme un agent secret en se faufilant dans le dos des gens, Barney.
Je l'examine d'un œil hautain et ajoute :
- Votre chemise est bien froissée, auriez-vous dormi dans votre bureau ?
- Je ne me suis pas faufilé. J'ai dit bonjour, mais vous ne m'avez pas répondu. Vous paraissiez perdue dans vos pensées, Andrea.
- C'est parce que je manquais de caféine. Vous voulez un café ?
Mais qu'est-ce qui me prend ? Pourquoi ne pas lui proposer aussi de le prendre ensemble ?
- Je pensais que votre fatigue provenait d'une nuit agitée. Ce n'est pas le cas. Manifestement, votre mec n'est pas à la hauteur.
- Mon... mon quoi ? Mais qu'est-ce que vous racontez ?
- Andrea, vous travaillez trop et vous ne vous amusez pas assez. Ce n'est pas bon pour la santé. Bien malgré moi, j'éclate d'un rire nerveux quasiment hystérique.
- C'est l'Hôpital qui se moque de la Charité ! Votre vie sociale n'a rien d'un exemple, Barney.
Il lève un sourcil et sirote son café sans rien dire, en m'examinant. Très vite, je ne supporte plus cette extrême attention.
- Contrairement à vous, dis-je, la voix un peu trop aiguë, je reçois beaucoup d'invitations à sortir. Des hommes charmants qui...
Andrea, arrête, tu en fais trop. - Où est la nouvelle ?
- Qui... Oh, excusez-moi. Janelyn ? Elle n'est pas encore arrivée.
- S'attend-elle comme Olivia à ce que le grand patron lui propose un CDI ?
Il plaisante ou quoi ? Non, Barney n'est pas renommé pour son sens de l'humour. - Je l'ignore, dis-je, sèchement. - C'est peut-être à cause de vous. - À cause de moi ? Que voulez-vous dire ?
- C'est le rôle d'un mentor de former une stagiaire, Andrea. L'avez-vous fait ? Avez-vous bien formé Olivia ?
- Je ne vous permets pas de douter de...
- Du calme, Iceberg. C'était une simple remarque. Je suis certain que vous avez accompli votre travail à la perfection. Comme toujours. (Il sourit.) Il est très rare que les internes aient un contrat.
- Ça a été votre cas.
- Oui, mais moi, je suis unique.
Il ne se vante même pas. Il est unique. Il le sait. Point final.
- Mr Grey doit être heureux que sa femme soit enceinte, reprend Barney. Je jette un coup d'œil anxieux alentour. - Chut ! Il ne faut pas en parler !
- Pourquoi pas ? Depuis que les journaux l'ont annoncé, tout le monde en parle. Même ici, à GEH. Et je sais lire, Andrea. De plus, il suffisait de les voir l'autre jour, tous les deux, pour être certain que c'est la vérité.
- Seigneur ! Il faut que je voie ça avec relations publiques. Il faut que je prévienne Taylor et Sawyer. Il faut...
J'ai parlé à voix haute ? Sans doute parce que ce Geek du diable éclate de rire avant de retourner dans son antre.
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Livre 4
RandomQui domine les autres est fort. Qui se domine est puissant. * Être aimé donne de la force Aimer donne du courage Lao Tzeu FAMILLE Par FIFTY SHADES de GREY **** LIVRE IV