Christian
Il ne faudrait pas que ça devienne une habitude. Ça me terrorise, mais j'ai envie de parler à mon frère. Et comme je suis du genre à agir sous l'impulsion du moment, je me suis mis en route sans même le prévenir.
Je lui envoie juste un SMS.
Veux te voir. Serai là dans cinq minutes.
C.
Elliot est censé travailler la grande maison, je pourrai donc lui parler en tête-à-tête. Cette séance avec Flynn m'a plus énervé que calmé. Je ne veux pas demander à Elliot de me retrouver plus tard, dans un bar, en ville, sinon je sens que je vais m'enivrer. Je préfère la pleine nature. J'ai toujours adoré la vue sur le Puget - et peut-être que le vent du large m'éclaircira les idées. De plus, si je rencontrais Elliot en dehors de ses heures de travail, il me faudrait donner des explications à Ana, et lui risquerait d'en parler à Kate.
Rien qu'à cette idée, je frissonne
Mon téléphone émet un « bip ». C'est la réponse d'Elliot
Pourquoi, bordel ?
Je ne réponds pas. Deux minutes plus tard, mon téléphone re-sonne. Encore Elliot. Je ne réponds pas. Il est con ou quoi ? Il ne comprend pas que, si je demande à le rencontrer, ce n'est pas pour lui raconter ma vie au téléphone ? Une chance que je ne conduise pas : je n'ai pas la tête à faire deux choses à la fois. Il ne manquerait plus que je me plante !
Ce serait le pompon, Grey.
Taylor s'est à peine garé devant le perron que la porte d'entrée s'ouvre avec fracas. Mon frère en jaillit, il paraît très agité. Il porte un casque de chantier bien que les gros travaux soient terminés. J'imagine que c'est pour lui une habitude.
- Tu m'as foutu la trouille avec ce texto à la con ! hurle-t-il. Qu'est-ce qui se passe ?
Plusieurs de ses hommes se retournent et nous regardent. Génial. Moi qui avais besoin de discrétion. J'empoigne Elliot par le bras en grinçant des dents :
- J'ai un problème. J'ai envie de te parler. Tu m'as toujours dit que le rôle d'un grand frère, c'était d'écouter et de conseiller, pas vrai ?
J'ai presque envie de rire, malgré mes soucis. Franchement, La tête qu'il tire ! Il est sidéré, la bouche ouverte, les yeux exorbités, sans plus savoir quoi dire. Il finit par hausser les épaules.
- D'accord.
- Viens jusqu'à la pairie, dis-je en désignant l'endroit du menton. Nous y serons tranquilles.À dire vrai, je regrette déjà mon idée grotesque d'être venu jusqu'ici. Ana risque de s'inquiéter si je suis en retard. Je préfèrerais aussi être dans un bar, parce qu'un verre de bourbon me ferait le plus grand bien.
- Christian, qu'est-ce qu'il y a ?
Elliot n'a pas tenu dix minutes. Il n'a aucune patience. Il ne ferait pas un bon soumis. Ni un bon dominant. Il n'a pas assez de maîtrise. Oh merde... Mais pourquoi je pense à ça ? Qu'est-ce que ça peut foutre ?
Je m'assois dans l'herbe, les coudes sur les genoux, la tête dans les mains. Je ne réponds pas. Elliot s'énerve très vite.
- Arrête ce cinéma, il y a des années que je te demande de te confier. Pour une fois, tu parais prêt et tu recommences à la boucler ? J'en ai marre. Parle.
- J'ai déconné, Elliot. Maintenant, je ne sais plus quoi faire. - Si tu as trompé ta femme, je t'assure, je te tue !
Je n'ai jamais vu mon frère si enragé. Le visage empourpré, les yeux furibonds, il me menace d'un doigt. Son autre main forme un poing. Il est vraiment prêt à se battre avec moi pour défendre Ana ?
Je trouve ça... attendrissant. - Dégage.
Je l'écarte d'un geste brusque, dans un élan de colère. Comment ose-t-il penser ça de moi ? C'est lui qui a baisé tout Seattle, pas moi. C'est lui qui changeait de femme comme de sous-vêtements. Pas moi.
Moi, je suis resté monogame. À ma façon...
- Je n'ai jamais trompé Ana. Je l'adore. Mais ces derniers temps... Je m'habituais à peine à la vie mariée. Et maintenant... tout est foutu.
- Tout est foutu ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? Christian, je me suis levé à 4 h 30 ce matin pour être à six sur ce putain de chantier. Je te signale que si tu veux que tout soit fini à Noël, il faut que je mette les bouchées doubles. Alors, ne me fais pas perdre mon temps. Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Je ne veux pas que tu en parles, ni à ta fiancée, ni aux parents. - Je ne le ferai pas.
- Et surtout pas à Mia, dis-je pour couvrir toutes les bases.
- Mais bon sang, qu'est-ce que tu as fait ? Tu commences à m'inquiéter. - Enfin, tu as entendu la nouvelle l'autre soir : Ana est enceinte. - Et alors ?
- Elliot, j'ai la trouille d'avoir un enfant. Et s'il était comme moi, hein ? Tu te rappelles à quel point j'étais tordu quand les parents m'ont adopté. Tu étais là ! (Je ricane.) Et puis, un enfant, ça fout en l'air un couple. Plus de sexe, plus de temps libre... juste des couches et des biberons.
- Tu n'es qu'un sale égoïste, répond Elliot d'une voix très calme, presque atone. Tu n'avais qu'à y penser avant de grimper ta femme vingt fois par jour.
Il soupire et enchaîne :
- Tu as l'argent nécessaire, j'imagine, pour engager les meilleures nurses. D'ailleurs, maman se proposera sûrement pour garder le petit aussi souvent que tu voudras. Christian, je ne sais pas quel père tu seras, mais je ne vois pas pourquoi il faudrait que tu le décides aujourd'hui.
« Qu'est-ce que tu t'imagines ? Que certains hommes sont destinés à être pères ? Pas du tout, mon vieux, on apprend sur le tas. J'ai été abandonné, tout comme toi, dans des circonstances différentes, je ne crois pas à la génétique. Du moins, ça te donne juste ta couleur de peau, tes cheveux et tes yeux. Le reste, tu l'apprends au jour le jour, en fonction de la façon dont tu vis.
- Je n'arrive pas à comprendre qu'Ana reste si calme !
- C'est parce qu'elle est forte. Sa mère s'est souvent remariée. Kate m'en a parlé. Ça n'a pas été facile, Ana a appris à vivre au jour le jour, avec ses projets, ses rêves. Et depuis qu'elle t'a rencontré, Ana ne voit le futur qu'à travers toi.
- Je l'aime. Je la voudrais tout à moi.
- Je vais t'annoncer un truc, frangin : l'amour, ça ne se partage pas. Ce n'est pas un gâteau dont chacun prend une part. L'amour, ça se donne tout entier, à chaque fois. Ta femme ne te prendra rien en aimant ton enfant, au contraire. Vous formerez une famille. Une vraie. Alors, arrête tes conneries, arrête tes caprices d'enfant gâté, d'adolescent boudeur, de solitaire neurasthénique, de grand patron mégalo. Grandis et assume. Et si ce n'est pas le cas, je te massacre.
- C'est la deuxième fois que tu me menaces en moins d'un quart d'heure.
- On ne frappe que ceux qu'on aime, Christian. Pour leur faire rentrer une leçon dans leur crâne de pioche.
Je regarde l'heure, il est déjà tard. Ana doit être rentrée à la maison. J'ai désespérément envie de la serrer dans mes bras.
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Livre 4
RandomQui domine les autres est fort. Qui se domine est puissant. * Être aimé donne de la force Aimer donne du courage Lao Tzeu FAMILLE Par FIFTY SHADES de GREY **** LIVRE IV