Bis Repetita Placenta

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Ana
Quoi ?
Non ! Ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible. Elle a dû se tromper – ou bien j’ai mal entendu…
— Mrs Grey ? Vous allez bien ?
— Vous êtes sûre de ce que vous dites ?
Ma voix n’est qu’un murmure à peine audible.
— Oui, certaine à 100 %. Vous êtes enceinte.
Je suis enceinte, c’est ce que je voulais. Que va dire Christian ? Va-t-il se mettre en colère ? Non,
non, non, non, ça ne va pas recommencer. Il a changé, je le sais. Cet autre bébé, nous avons parlé et
reparlé… mais il y a toujours un gouffre entre la réalité et le virtuel, souffle ma conscience inquiète. Il
ne s’agit PAS d’une grossesse inattendue cette fois.
— De quand date la conception ?
— Mrs Grey, pourquoi cet air affolé ? Vous vouliez cet enfant depuis cet… incident à l’automne.
Vous n’avez pas repris de traitement de contraception depuis lors. D’ailleurs, quel que soit le traitement
utilisé, pilule, ovules ou injections, aucun n’est garanti à 100 %. (Elle rit.) Sauf l’abstinence, bien
entendu.
Je regarde le Dr Greene avec des yeux ronds. Je ne suis pas habituée à la voir faire de l’humour – et
je ne trouve pas drôle sa remarque e ne réponds pas. Elle se lève et agite la main.
— Bien, dit-elle, pour répondre à votre question concernant la date de conception je vais maintenant
vous examiner afin de la déterminer.
Comme un automate, je hoche la tête et la suis jusqu’à la table d’examen sur laquelle je me couche.
Elle m’adresse un sourire aimable, mais professionnel :
— Installez-vous. Vous connaissez le processus.
Elle enfile des gants en latex et allume son scialytique125. J’ai les mains tellement glacées que je ne
les sens plus. Je place les pieds dans les étriers et je cherche à penser à autre chose tandis que le Dr
Greene manipule son speculum.
— Respirez ! Ordonne-t-elle.
J’essaie, mais je ne fais que haleter. Aucun oxygène ne pénètre dans mes poumons, j’ai des taches
noires devant les yeux. Je me concentre sur le visage du médecin entre mes jambes. Oh lala… Elle a
une expression bizarre, le front plissé. Aussitôt, je m’inquiète.

— Est-ce que tout est normal ? Est-ce que le bébé va bien ?
— Oui, Anastasia, le bébé va très bien. Le problème… Eh bien, vous êtes enceinte de trois mois.
— Quoi ? Mais j’ai continué à avoir mes règles.
— Ah, je vois. Cela arrive, même si c’est inhabituel.
Peu après, elle dépose sur mon ventre un gel transparent, froid et épais, puis installe son appareil
d’échographie. Quand la sonde fait contact, je vois apparaître Petit Pois Bis sur l’écran, en noir et blanc.
Ma fille. Bien sûr, on ne voit rien encore, mais je suis certaine que c’est une fille. Tout comme j’étais
certaine que Teddy serait un garçon. Peut-être est-ce l’intuition féminine ou l’instinct maternel, je
l’ignore et je m’en fiche. J’ai des larmes plein les yeux en regardant cette première photo de mon enfant,
notre enfant. Christian et moi allons avoir un autre bébé – que j’aime déjà de tout mon cœur. J’oublie
tous mes soucis pour ne plus ressentir que cette joie qui m’inonde, complètement.
— Je vous tire un cliché ? propose le médecin.
— Oui, volontiers.
***
Je suis assise à l’arrière de la voiture, Sawyer est au volant et nous retournons à la maison. Je suis
heureuse, détendue, avec les deux mains plaquées sur le ventre, comme pour protéger ce bébé qui dort
là, en moi. Je comprends mieux pourquoi j’ai été aussi émotive ces derniers mois ! Je rougis. Et aussi
pourquoi ma libido a été si… hum, déchaînée, surtout au cours des dernières semaines.
Sawyer remonte l’allée jusque devant la maison. Oh ? Nous sommes déjà arrivés ? Je n’ai pas vu le
temps passer. Et tout à coup, la réalité me retombe dessus comme un mur de briques. Je vais devoir
annoncer ma grossesse à Christian. Cette perspective me donne la nausée.
Quand je pénètre dans la maison, j’entends des bruits, des rires. Christian joue avec Teddy dans le
salon. Ils paraissent bien s’amuser tous les deux, ce qui me fait sourire jusqu’aux oreilles.
Christian m’aperçoit dès que je pénètre dans la pièce. Il pointe son doigt vers moi et dit à notre fils :
— Regarde, Ted, maman est revenue.
Teddy poussa un hurlement perçant et manque échapper aux bras de son père.
Christian le dépose sur ses pieds, notre petit garçon court vers moi. Je m’accroupis juste à temps pour
le rattraper et le serrer très fort ; il noue ses petits bras autour de mon cou.
— Hey, mon bébé chéri. Tu m’as manqué. Tu t’es bien amusé avec papa ?
— Vi, piaille-t-il.
Il m’embrasse sur la joue. Très fort. En clair, moi aussi je lui ai manqué. J’ai les yeux pleins de
larmes, je ne peux m’en empêcher. J’étreins mon petit garçon pour cacher mon émotion. Je n’arrive pas
à croire qu’il va bientôt deux ans. Le temps passe vite, trop vite.
Christian nous rejoint, il me prend sous les aisselles et m’aide à me relever. Puis il m’embrasse, un
bras passé autour de ma taille.
— Hey, Mrs Grey.
— Hey, mon chéri, dis-je avec un sourire.
— Est-ce que ça va ? s’inquiète-t-il en me dévisageant. Pourquoi ces larmes ?
— Ça va très bien, la journée a été longue. J’ai bien besoin d’un câlin.
Peu après, nous sommes tous réunis dans la cuisine, c’est déjà l’heure du dîner. Poulet rôti et gratin
de macaronis. Un repas simple et roboratif, que Gail nous prépare de temps à autre, parce que ce sont
les plats préférés de Christian. Pas le foie gras, pas le caviar, pas le magret, non, juste ce qu’on sert aux
enfants. Et comme Teddy mange avec nous ce soir, c’est d’autant mieux.
Christian me parle de sa journée, je lui raconte quelques anecdotes de la mienne. La routine.
— Et comment s’est passé ton rendez-vous avec le Dr Greene ?
Je m’agite sur ma chaise, en essayant de prétendre que sa question ne me perturbe pas.
— Euh… bien, très bien. Elle a dit que j’allais… très bien.
Christian me surveille d’un œil étréci. Zut, il ne me croit pas. Pourtant, il n’insiste pas. Ce n’est qu’un
délai, je le sais bien, mais dans mon état actuel de nervosité, je lui en suis reconnaissante.
Après le dîner, Christian joue un moment avec son fils à faire rouler des petites voitures sur le tapis
du salon. Fifty adore les voitures – petites et grandes. Ça tombe bien, Ted aussi. Je présume que c’est
valable pour tous les hommes.
— Tu vois, Ted, Car est le chef de la meute, suggère-t-il.
Car est une grosse voiture rouge en peluche, un des jouets préférés de notre fils. C’est aussi un des
personnages du dessin animé Cars – un Walt Disney, je crois –, qui date de quelques années. Teddy
adore cette série de films qui se déroulent dans un monde peuplé de voitures anthropomorphes. Et
Christian les a tous regardés avec lui. Quand il parle de Car, je crois presque revoir le petit garçon qu’il
était autrefois, avec de grands yeux gris et des cheveux ébouriffés aux reflets cuivrés. Son fils lui
ressemble comme deux gouttes d’eau, sauf la couleur des yeux. Ted a hérité de la mienne, bleu ciel.
Dommage !
En les regardant jouer, j’ai du mal à me souvenir des doutes qu’il avait concernant son aptitude à
devenir père, et surtout d’être un bon père. Il a beaucoup parlé avec son psy, le bon Dr Flynn, avant la
naissance. Et même après, malheureusement.
Bien sûr, Fifty a adoré Teddy dès le premier regard, mais l’accouchement a été difficile pour moi.
Christian s’en voulait terriblement de mes souffrances dont il se sentait responsable. Mon pauvre mari !
Il a vraiment un don pour endosser tous les aléas et difficultés que je rencontre. J’ai beau lui dire et lui
redire qu’une vie normale comporte des épreuves, Christian refuse de l’accepter. Il voudrait m’offrir un
monde parfait, rempli de plaisir et de cadeaux. C’est une intention louable, mais irréalisable.
Christian adore son fils. J’espère qu’il aimera aussi notre nouveau bébé. Je lui ai souvent expliqué
ma position : je refuse que Teddy soit enfant unique. Ça a été mon cas et je l’ai toujours regretté. J’aurais
adoré avoir un grand frère ou une petite sœur, quelqu’un à qui parler, un compagnon de jeu. Plus tard, à
l’université, quand j’ai rencontré Kate, je l’ai considérée comme la sœur que je n’avais jamais eue. Elle
paraissait tellement plus expérimentée que moi sur les choses de la vie ! Et puis, il y a eu José Rodriguez.
Nos pères, tous deux anciens militaires, se connaissaient et s’entendaient bien ; José a été pour moi
comme un frère. Dommage qu’il soit tombé amoureux de moi… Depuis mon mariage, nous sommes
peu à peu séparés. J’ai mis longtemps à lui pardonner son éclat avant la naissance de Teddy. Entre nous,
ce n’est plus pareil. C’est surtout par Ray que j’ai de ses nouvelles : José réussit bien en tant que
photographe, il parcourt le monde. Il n’est toujours pas marié, mais j’espère qu’il m’a oubliée.
Bref, Teddy aura des frères et des sœurs. Si ça ne tenait qu’à moi, je remplirais notre immense maison
de rires et de cris d’enfants. Je ne suis pas certaine que Christian l’accepterait. Bon, alors, prenons un compromis : au moins un deuxième – qui est déjà en route –, et peut-être un troisième… Teddy et sa
sœur auront un peu plus de deux ans d’écart, c’est parfait. Ils pourront jouer ensemble, Teddy sera le
grand frère responsable, un rôle qu’il tiendra à ravir j’en suis certaine : il a le même sens des
responsabilités que son père.
Je suis heureuse. Si heureuse. Mais comment va réagir Christian ? Pour Teddy, il en a fait un tel
drame… Sera-t-il plus raisonnable cette fois-ci ?
Chaque fois que j’ai évoqué l’éventualité d’une nouvelle grossesse depuis ma récente hémorragie, il
m’a répondu que nous avions bien le temps. Maintenant, ce n’est plus le cas. Petit Pois Bis est là.
Et si Fifty s’en va comme la première fois ?
Non, Ana, grogne ma conscience, mécontente, en me fusillant d’un regard dur par-dessus ses lunettes
à monture d’écaille. Ça suffit. Cet homme t’adore. Et même s’il recommence à faire un gros caprice,
même s’il hurle, s’il se met en colère, il finira par s’y faire. Et il aimera cet enfant comme il a aimé le
premier. Inconditionnellement. Il lui faut toujours du temps pour accepter, un changement, c’est dans
sa nature. Ne t’inquiète pas, ça ira.
***
Il est tard, Teddy après son bain, il est couché. Je l’embrasse, puis je laisse Christian lui dire une
histoire, un rituel entre père et fils, depuis le jour de sa naissance, avant même que le bébé ne puisse
comprendre les paroles. Même quand Christian est en voyage d’affaires, il trouve toujours le moyen de
communiquer avec son fils, sur Skype, pour lui lire un ou deux chapitres. Ce soir, je ne m’attarde pas
dans la nurserie, je retourne dans notre chambre, je me déshabille, songeuse, et je passe dans la salle de
bain me démaquiller et me laver les dents. En guise de pyjama, j’ai enfilé un tee-shirt de Christian.
Je fais un bond en le voyant surgir derrière moi. Il passe les bras autour de moi.
— Désolé, baby, je ne voulais pas te faire peur. Tu étais si belle, devant ton miroir, j’ai eu envie de
te toucher.
Il m’embrasse dans le cou, je me détends contre lui. Il ne porte qu’un pantalon de pyjama, rien
d’autre. Pas étonnant que je sois encore enceinte quand mon mari, beau comme un Dieu grec, est un
sexpert au lit ! Le plus étonnant, c’est que cette grossesse n’ait pas eu lieu bien plus tôt. Quelle femme
refuserait une proposition sexuelle de Christian Grey ? En y réfléchissant, je ne vois que Kate et Ros
Bailey, ce qui me fait sourire.
Je croise ses yeux gris dans le miroir.
— Ana, qu’est-ce que tu as ?
Je me raidis, sans rien dire. Mais la lutte est vaine. Christian sait toujours quand je lui cache quelque
chose. Je ne comprends pas comment il déchiffre si bien mon expression, mais c’est le cas. Par contre,
quand il veut rester impénétrable, je ne lis rien en lui. C’est énervant.
Christian a de nombreuses qualités, mais la patience n’est pas son fort. Il m’arrache à mes pensées
en me secouant par les épaules.
— Merde ! Anastasia ! Réponds-moi ! Que s’est-il passé aujourd’hui ? Un problème au boulot ?
Quelque chose que t’a dit le toubib ?
— Non, il n’y a aucun problème à SIP, Christian, tout va bien.
Me tenant toujours aux épaules, il me fait pivoter. Il place son bras gauche autour de ma taille pour
me maintenir en place et de la main droite, il me renverse la tête pour mieux scruter mon visage. Nos
yeux se rencontrent, cette fois sans l’intermédiaire du miroir.
— Dans ce cas, c’est le Dr Greene, grommèle-t-il. Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu es malade ?
Déjà, la peur lui crispe les traits, ses pupilles sont dilatées, il a les mâchoires serrées. Oh lala ! Je
fonds en larmes.
— S’il te plaît, ne sois pas fâché… dis-je dans un souffle.
— Bordel de bordel, qu’est-ce que tu as encore inventé ?
Mes yeux tombent sur ma main, plaquée sur son torse nu, au niveau du cœur.
— Je suis enceinte.
C’est à peine un murmure. Christian le perçoit. Il a un halètement qui résonne très fort dans le silence
pesant qui vient de tomber dans la salle de bain. Très lentement, je lève les yeux. Il s’est figé, le visage
dur, le regard vide. Du coup, je panique. J’éclate en sanglots. Je tremble de tout mon corps et les mots
m’échappent en une logorrhée verbale pantelante. Un long monologue affolé…
— Je suis désolée… Je n’ai pas fait exprès, je t’assure… Nous en avions parlé non ? Euh… c’est
quand même une bonne nouvelle, tu ne crois pas ? Nous allons nous en sortir. Teddy sera content.
Écoute, ce n’était pas prévu, mais… Ne sois pas fâché, s’il te plaît… Je t’aime, tu m’aimes, tu adores
Teddy… Tu es un père merveilleux. Je le savais. S’il te plaît, Christian, ne recommence pas comme la
dernière fois, s’il te plaît, ne t’en va pas… Ne me laisse pas… Ne nous laisse pas, Petit Pois Bis et…
Il me coupe la parole lorsqu’il prend ma tête entre ses deux paumes et très doucement, pose ses lèvres
sur les miennes. Son baiser est si tendre et si aimant que mon pouls s’apaise aussitôt. Je commence à me
détendre.
Christian relève la tête, une fois encore, nos regards se croisent. C’est alors que je remarque qu’il a
les larmes aux yeux.
— Tu es enceinte ? chuchote-t-il, comme s’il n’osait y croire.
— Oui.
Un lent sourire, comme un rayon de soleil perçant la couche de nuages après un orage, nait sur le
beau visage penché sur le mien. Une larme, une seule, s’échappe et roule sur sa joue. Christian
m’embrasse encore. Je n’ose y croire. Il faut que je sache.
Vas-y ! Ordonne ma conscience, impérieuse.
— Tu es content ?
— Baby, « content » n’est pas le qualificatif qui décrit mon état d’esprit. Je suis heureux, béat,
comblé, enchanté, radieux, ravi, satisfait, extatique…
— Oh ?
— Nous allons avoir un autre enfant. C’est merveilleux. Je m’en doutais depuis Aspen. Je ne
comprends pas pourquoi tu pensais que je serais en colère ou que j’allais te quitter.
Il paraît si sincère, si étonné. A-t-il oublié sa réaction lorsque je lui ai annoncé l’arrivée de Teddy ?
Je ne sais pas si je dois plomber l’ambiance en évoquant ces jours lointains, si difficiles.
— Eh bien, la première fois… euh, tu n’étais pas très content, alors… je craignais que… Tu sais,
ce n’était pas prévu. Mais depuis septembre, je n’ai plus aucune contraception.
— Ana, tu voulais un autre enfant. Nous avons attendu quelques semaines parce que le Dr Greene
l’avait recommandé, c’est tout
— C’est vrai. Mais…
J’ai un petit sourire tremblant, les larmes recommencent à couler sur mes joues. De soulagement, de
joie, d’énervement, je ne sais plus.
Christian a l’air bouleversé.
— Baby, ça me crève le cœur que tu aies peur de me parler. Tu es toute ma vie, je veux que tu
puisses tout me dire. Je veux tout partager avec toi. Je ne me pardonnerai jamais ma réaction la première
fois. C’était une période difficile pour moi, je n’avais pas encore complètement accepté les changements
qui venaient de bouleverser ma vie. Aujourd’hui, grâce à toi, grâce à John Flynn, grâce à Ted, je sais
que je peux être père. Je n’ai plus peur. Enfin si… un peu, mais c’est normal. Je pense que tous les
parents ressentent la même chose. Je t’aime, j’aime mon fils, et j’aime déjà ce nouveau bébé. En fait,
cet amour qui se multiplie, c’est… intense. (Il a un sourire adorable.) Et tu me connais, Anastasia, j’aime
l’intensité. J’aime tout ce qui est extrême. Je ne pourrais être plus heureux qu’à cet instant précis.
Comment ai-je osé douter de lui ? Jamais je ne me le pardonnerai, moi non plus. C’est certainement
dû à mes hormones. Je resserre les bras autour mon mari adoré ; mon corps se détend, je fonds contre
lui. Les lèvres posées sur sa poitrine, je chuchote :
— Je t’aime, Christian. Je t’aime tellement.
— Moi aussi. Ne l’oublie pas. Même quand mes réactions sont aberrantes, grotesques, violentes,
elles proviennent toujours de mon amour pour toi.
Puis il fronce les sourcils, comme si une nouvelle inquiétude lui venait.
— Est-ce que tu vas bien ? Pas de nausées, pas de fatigue ?
— Non, je n’avais même pas réalisé que j’étais enceinte. Tu imagines, la naissance de Petit Pois
Bis est pour dans six mois. J’ai vu sa photo, tu sais. Elle est dans mon sac. Viens, je vais te la montrer.
Il réagit à ma proposition avec enthousiasme, me prend par la main et m’attire jusque dans la
chambre. Il me fait asseoir sur le lit et va chercher mon sac. Je fouille à l’intérieur, Christian et moi
penchons nos têtes sur l’échographie en noir et blanc.
Un bébé. Déjà formé. Notre bébé.
— Waouh ! souffle Christian avec émotion.
— D’après le Dr Greene, la naissance est pour cet été.
— Tant mieux ! Je n’aime pas attendre.
Il me regarde avec un sourire entendu.
— Ainsi, Mrs Grey, voilà pourquoi tu as été si exigeante au lit, récemment ! D’ailleurs, j’aurais dû
m’en douter : j’ai bien remarqué que tes seins avaient pris du volume.
Il pose l’échographie sur la table de chevet et me soulève, pour m’installer sur ses genoux. Il me
débarrasse de mon tee-shirt puis le monde semble tourbillonner autour de moi. Je me retrouve étendue
sur le dos, Christian à mes côtés. Il m’embrasse sur les lèvres, sa main effleure mon ventre, de douces
caresses pleines de promesses. Puis il glisse le long de mon corps et pose la tête sur mon estomac.
— Coucou, bébé, dit-il à mi-voix.
Il se met à alterner baisers et déclarations d’amour :
— Tu n’es pas trop serré là-dedans ? … Pour le moment, c’est maman qui va s’occuper de toi…
Moi, je veillerai à ce qu’elle ne se fatigue pas… à ce qu’elle mange régulièrement… à ce qu’elle soit
aimée, détendue, heureuse… Quand tu seras né, tu feras la connaissance de Ted… C’est ton grand frère,
bébé, il est absolument génial… Il te prêtera ses voitures… Nous y jouerons ensemble, tous les trois …
Je te lirai une histoire le soir… Tu seras toujours protégé et bien nourri, je te le promets… Je veillerai
sur toi… J’ai tellement envie de te connaître… Je t’aime… Je suis ton papa…
Les larmes de bonheur me roulent sur les tempes et trempent mon oreiller. Je n’ai jamais rien vu
d’aussi émouvant que Fifty parlant à notre bébé à naître. Quand il a terminé, il dépose un chemin de
baiser qui remonte le long de mon ventre, ma poitrine, mon cou, mes lèvres. Il m’exprime sans mot dire
son amour, sa passion, sa vénération. Mon émotion change de nature et devient plus brûlante, plus
sensuelle. Je dévore sa bouche avec une frénésie que je ne cherche pas à dissimuler.
Il rit doucement contre mes lèvres. Ses mains savantes prennent mes seins en coupe, les caressent,
les malaxent, en étirent les pointes érigées. Je geins en me cambrant dans le lit lorsque Christian se met
à les embrasser, les mordre, les sucer. Un côté après l’autre. J’ai la poitrine si sensible que je pense un
moment trouver l’orgasme juste comme ça. Je sens un pouls frénétique battre entre mes jambes, mon
sexe est trempé. Quand Christian me pénètre de ses doigts, il émet un feulement rauque et satisfait. Il
me caresse, fébrilement, et provoque rapidement le déferlement d’une vague de plaisir qui me transporte
hors de moi-même. Les yeux fermés, je ne suis plus que sensations et cris. C’est trop, c’est trop…
— Christian, s’il te plaît… (C’est toi qui supplies comme ça, Ana ? Un peu de retenue.) Prends-
moi, prends-moi !
J’ai besoin de lui, de son poids, de sa présence en moi. Il me fait attendre encore quelques secondes,
jouant avec mon clitoris, mes seins, mes lèvres. Mes doigts lâchent le drap du lit sur lequel ils s’étaient
crispés pour empoigner Christian aux cheveux. Je l’embrasse, je le mords.
— Prends-moi !
— D’accord, Mrs Grey, grogne-t-il, les dents serrées de tension. Mon but dans la vie est de te
satisfaire.
Il m’écarte les cuisses, se positionne et me pénètre. Aaah, que c’est bon ! Je tente de me cambrer,
pour le prendre plus profond, mais il est trop lourd, trop fort. Il me maintient en place, les mains sur mes
hanches, et se met à me marteler. Ô mon Fifty, toujours si dominant ! Mais je m’en fiche. Au lit, je veux
bien lui laisser tout contrôler, j’en tire un plaisir inouï qui me récompense bien de ce simulacre de
soumission.
— Encore… Encore…
— Bordel, Ana, tu me tues ! Allez, viens, jouis ! Crie mon nom ! exige-t-il.
— Christian !
Un hurlement, un autre orgasme. Si vite ? Ou bien est-ce le premier qui n’a jamais cessé d’exploser
en moi ? Je ne sais pas. Peu importe. Mon corps tremble sous la force des spasmes qui le secouent.
Christian jouit aussi. J’entends son râle… Juste avant de s’écrouler sur moi, il roule sur le dos, me
gardant imbriquée contre lui. Lessivée, je m’écroule sur sa poitrine. Il resserre ses deux bras sur mes
épaules.
— Pfutt ! Siffle-t-il. C’était jouissif ! Épuisant, mais jouissif !
— Mmm.
Je me mets à glousser, si heureuse que j’ai l’impression d’être une coupe de champagne, remplie de
bulles qui montent en pétillant vers la surface.
— J’aime t’entendre rire, baby. C’est le plus beau son du monde.
Je suis trempée de sueur. La chambre est plutôt fraîche. J’ai un frisson lorsqu’un courant d’air effleure
ma peau humide. Christian réagit instantanément : il récupère la couette et nous en recouvre tous les
deux. Puis il tend le bras et éteint la lumière. Je suis bien, blottie contre lui, sur les muscles durs de sa
poitrine.
— Merci, Anastasia, chuchote-t-il dans le noir.
— Merci de quoi ?
— De m’offrir un autre bébé pour compléter notre famille. De me donner chaque jour de nouvelles
raisons de t’aimer.
À nouveau, j’ai les larmes aux yeux. Il dit les choses les plus romantiques aux moments les plus
inattendus.
— Je pourrais te renvoyer ces paroles, Christian. Merci aussi de m’avoir donné ce nouveau bébé ;
merci aussi de m’aimer ; merci aussi de me donner chaque jour une nouvelle raison de t’aimer.
Il me caresse le dos, de haut en bas. Puis il m’embrasse les cheveux. J’entends battre son cœur, calme,
régulier. C’est un son réconfortant qui m’endort peu à peu ; mon corps devient plus lourd, mes membres
se détendent.
Juste avant de sombrer dans l’inconscience, j’entends un chuchotement :
— Dors, amour. Dors. Je suis là. Je veille sur toi, je veille sur vous deux.

Livre 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant