Week-end suite 8

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Giverny, rue Claude Monet, 21h05.

Ils traversèrent le village lentement. Les étoiles scintillaient comme des têtes  d'épingles et un pâle croissant de lune semblait flotter au-dessus des toits. En arrivant à proximité de l'église, perchée sur son tertre, Nicolas ralentit encore. La pointe cruciforme du bâtiment religieux, qui venait de subir une rénovation complète, rutilait sous la lumière jaunâtre des réverbères. Un peu plus haut et invisible depuis la rue principale, les Derruau devinaient la présence du cimetière, que bordait une prairie. Marie eut une pensée attendrie pour son père dont la tombe faisait face aux champs et elle se dit qu'elle trouverait un moment, avant la fin du week-end, pour aller se recueillir...

Nicolas actionna l'ouverture de la vitre, inspira goulûment un grand bol d'air glacé mais Sébastien commençant à râler, il referma rapidement la vitre.

- Tu te souviens ?

- De quoi ?

- De l'église, toute flamboyante sous le soleil, le jour de notre mariage. Il y avait tellement de monde...murmura Nicolas dissimulant mal son émotion.

- Oh, mon dieu, qu'est ce qui t'arrive ? Te voilà bien nostalgique, tout à coup ! commenta Marie froidement. Evidemment que je m'en souviens... Nous avions eu beaucoup de chance d'ailleurs car le temps avait été exceptionnellement clément ce samedi de juillet. Les jours qui suivirent furent gris et pluvieux jusqu'en septembre ...

Nicolas avait gardé de la journée le souvenir magnifique d'un déjeuner champêtre, à l'ombre du cerisier qui trônait dans le jardin de ses beaux-parents. Les abeilles bourdonnaient frénétiquement autour des convives. Quant à Marie... Elle resplendissait dans sa robe d'organdi, couronnée de fleurs. Souriante et heureuse. Plus qu'elle devait l'être à cet instant précis...

- Tiens, Bérengère n'est pas chez elle, remarqua Marie quand l'automobile passa devant une petite maison, dissimulée au fond d'une cour. Aucune lampe ne brille dans l'habitation. Elle n'a pas encore fermé ses volets ce qui n'est pas conforme à ses habitudes... Elle me dit toujours qu'elle s'enferme très tôt dans sa maison, surtout à cette époque de l'année avec les jours qui sont courts... 

- Elle a peut-être été invitée à dîner par des amis, tu sais...

- Oui, c'est possible... C'est certainement le cas. Elle a besoin de se changer les idées en ce moment, c'est une évidence...

Un peu plus loin, aux abords de la mairie, la demeure des Noël se détachait sur la masse sombre de la forêt qui annonçait la sortie du village, en direction de Bois-Jérôme-Saint Ouen. Marion Noël avait été la plus proche amie d'enfance de Marie du temps où elle vivait à Giverny. La jeune femme n'avait pas eu de chance dans sa vie personnelle puisqu'elle avait perdu son fiancé, le fils Borel, dans un accident de voiture au début des années quatre-vingt-dix et - depuis - était retournée vivre chez ses vieux parents. Marie lui téléphonait de temps en temps...

L'automobile quitta le hameau et disparut derrière les arbres dont les ramures, en se rejoignant au-dessus de la route de campagne, ressemblaient à de longs bras décharnés. Nicolas frissonna malgré lui. Il avait l'impression de pénétrer dans un tunnel sombre, menaçant, que divulguaient à peine les deux phares blanchâtres de sa vieille 206...


Une tache écarlate surgit soudain dans le faisceau lumineux. Ils reconnurent la boîte aux lettres rouillée que Nicolas avait dénichée, il y avait plus d'une dizaine d'année, à l'occasion de la grande foire à tout annuelle qui se tenait aux Andelys. Bien que le facteur ne montât jamais jusqu'ici, le jeune homme avait quand même installé la boite à l'extrémité du sentier ; un peu comme on place une cerise confite sur un gâteau pour le décorer de sa touche finale. La boîte aux lettres recélait la même fonction purement décorative puisqu'elle n'était plantée là que pour annoncer la proximité immédiate de La Forestière. Visiblement, un coup de vent brutal avait vaincu la rigueur rectiligne du poteau que coiffait la boîte aux lettres car celui-ci penchait dangereusement vers le sol.

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