Il hésita quelques secondes puis se rappela la blessure que le taureau avait infligée à Marie. Il ne voulait pas être responsable de la mort de ces garçons même s'il n'éprouvait que du dégoût pour ce qu'ils représentaient. S'il les laissait dans le jardin, ils n'avaient aucune chance de s'en sortir. Kévin était presque inconscient. Quant à Johann, il avait perdu de son arrogance et suppliait derrière la vitre avec une voix de petit garçon. Non, malgré tout ce que leurs agresseurs leur avaient fait subir, Nicolas ne pouvait se résigner à les regarder mourir, piétinés par le taureau, sans rien faire...
- Va me chercher un couteau... murmura Nicolas en faisant signe à Sébastien de se diriger vers la cuisine.
- Hein ? Tu déconnes, papa... Tu vas pas laisser entrer ces tarés.
Nicolas se retourna, furieux à la fois contre lui-même - car il s'apprêtait à prendre une décision qui pouvait être lourde de conséquences - mais aussi contre la réaction de son fils qui renforçait ses propres doutes. Or, en cet instant crucial, il avait besoin d'entendre des mots de soutien et non pas des critiques, toutes légitimes qu'elles fussent.
- Obéis, nom d'une pipe et rapporte-moi un couteau avec la plus grande lame que tu puisses trouver, ok ?
L'adolescent partit en tempêtant contre le mauvais sort qui s'acharnait contre eux.
- Merde, laissez-nous entrer, quoi ! On veut pas crever comme ça ! répéta Johann ,à plusieurs reprises, heurtant à nouveau la vitre de son front. Kévin va pas tenir bien longtemps, m'sieur...
- Tais-toi donc, enfin ! grogna l'enseignant tandis que Sébastien revenait avec l'ustensile demandé. Le fusil, qu'en avez-vous fait ?
- J' sais pas, m'sieur... perdu dans l'accident, sûrement... Laissez-nous vous rejoindre, par pitié !
- Ecoute-bien ce que je vais te dire, à présent, petit con... Tu vois cette lame aiguisée ? Je n'hésiterai pas une seule minute à te la planter dans le cœur si tu menaces à nouveau l'un d'entre nous, tu entends bien ? Et s'il le faut aussi, je n'hésiterai pas à vous refoutre dehors avec le taureau et vous vous débrouillerez avec lui, c'est compris ?
Johann acquiesça d'un hochement discret de la tête.
- Dis-le ! ordonna Nicolas, les mâchoires serrées. Dis-le où je te promets que tu vas rester dehors avec ton petit copain !
- J'ai compris... Je... on fera plus rien contre vous, oui, c'est promis !
« La promesse du Diable ! » se dit Nicolas en se jurant de rester sur ses gardes pour protéger ses proches contre les monstres qu'il allait faire entrer dans la maison. En passant près de Kate, il lui demanda à voix basse de rassembler tous les couteaux de la cuisine, de les envelopper dans un torchon puis de les lui apporter.
- Vous allez passer par la fenêtre, annonça-t-il ensuite aux deux garçons. La porte d'entrée est inaccessible car nous l'avons calfeutrée, pour prévenir les attaques éventuelles du taureau. Johann, il faudra que tu aides Kévin à enjamber le rebord, s'il le faut...
Johann se précipita sur le blessé qui venait de s'agenouiller dans l'herbe pour le convaincre de se relever. Nicolas tourna l'espagnolette, la main moite et le cœur serré, en souhaitant ardemment qu'il n'aurait pas à regretter son geste...
Marie crut un instant qu'elle cauchemardait. Elle avait dû s'assoupir, épuisée par la souffrance lancinante qui torturait sa jambe . La scène à laquelle elle assistait semblait tellement irréelle : la porte de la chambre venait de s'ouvrir pour laisser pénétrer Nicolas et... Johann ; LE Johann qui les avait terrorisés des heures durant !

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WEEK-END
Mystery / ThrillerA l'occasion d'un week-end dans leur maison secondaire de Giverny, Nicolas Derruau, son épouse Marie et leurs deux enfants sont victimes d'une agression menée par trois jeunes délinquants, fraîchement échappés d'un centre du nord de la France. Un vé...