Week-end suite 26

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Le second choc ébranla la portière, côté passager. Kate se mordit les lèvres pour ne pas hurler. Le taureau la cherchait ! Cela semblait invraisemblable mais la jeune fille avait la conviction qu'il la cherchait dans le but de la tuer, avec une détermination identique à celle d'un criminel vis-à-vis de sa victime. Comment le cerveau de cet animal était-il capable d'une telle préméditation ? Etait-ce possible ? Elle releva la tête et observa la portière tordue. Elle avait eu du mal à la fermer mais, sous la panique, ses forces s'étaient décuplées et elle était parvenue à la tirer vers elle puis à enclencher la fermeture. La portière résisterait-elle à un nouvel assaut ? L'étudiante ne comprenait même pas comment les vitres et le pare-brise étaient encore intacts. Cela tenait du miracle ! Si le taureau les brisait, elle était perdue...

Un bruit sourd, lointain... comme le grondement annonciateur d'un orage imminent. Un bruit qui se rapproche, enfle, ressemble de plus en plus à celui d'un martèlement effréné ; le martèlement assourdi d'une course sur la terre... Kate se redressa, folle d'angoisse. Elle eut à peine le temps d'entrevoir la silhouette impressionnante du taureau qui se profilait à l'avant de la camionnette. D'une main, elle agrippa le siège ; de l'autre, le volant. Le taureau se jeta sur la camionnette à une vitesse prodigieuse qui fit exploser le pare-brise et chavirer le véhicule sur le flanc gauche. Des morceaux de verre volèrent à travers l'habitacle, tailladèrent le visage de la jeune fille. Celle-ci s'accrochait toujours au siège et au volant comme s'il s'agissait de bouées de sauvetage. Elle savait que si elle lâchait prise, elle risquait d'être éjectée du véhicule. Elle écouta le silence autour d'elle, essaya d'anticiper sur la suite des évènements. Ses jambes étaient coincées sous le tableau de bord. Son corps gisait dans une posture grotesque, inconfortable. Elle prit appui sur le volant, chercha le Klaxon à tâtons et l'actionna frénétiquement. Quelqu'un allait bien l'entendre ! Des promeneurs... le chasseur qui avait tiré tout à l'heure ou bien Nicolas et les membres de sa famille ! Il ne lui restait que cet espoir ; que cette petite manette grise qui appelait au secours à sa place.


Les occupants de La Forestière se figèrent sur place. Un long grincement aigu venait de retentir quelque part, tout près de la maison. Kévin courut jusqu'à une fenêtre pour l'ouvrir. Le grincement cessa un court instant avant de reprendre avec la même intensité, pendant plusieurs secondes.

- Merde, ils arrivent...

- Qui ça ?

- Leurs amis, pardi ! répondit Kévin en prenant Sébastien à témoin. On dirait un bruit de sirène ou de Klaxon... En tout cas, il y a une bagnole qui n'est pas loin d'ici. On se tire...

Le Klaxon poussa un nouveau cri au-dessus de la forêt puis se tut définitivement.

- Il est fou, ce type ! commenta Christophe. Pourquoi faire tout ce boucan ?

Ses deux acolytes haussèrent les épaules puis rassemblèrent les sacs en plastique.

- J'peux conduire, Kévin, dis ? demanda Christophe en passant un bras chaleureux autour des épaules du garçon athlétique.

Celui-ci eut un mouvement de recul, à peine perceptible.

- Oui, mais plus tard... quand nous serons loin d'ici... Tu conduiras plus tard.

Christophe retira immédiatement son bras, acceptant de se soumettre une nouvelle fois à l'autorité de son camarade. Ses lèvres crispées, la raideur de ses gestes ; tout cela témoignait de la frustration immense qui s'accumulait au fond de lui, strates après strates. Kévin percevait tout cela. Il se demandait simplement à quel moment Christophe exploserait et s'il aurait le temps de réagir quand la haine de l'adolescent déferlerait sur lui.

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