Week-end suite 15

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En traversant le salon, elle découvrit les sacs de voyage ouverts et leurs effets éparpillés à travers la pièce. La vision de ses sous-vêtements, abandonnés pêle-mêle sur le sol, la choqua. La jeune femme se sentit gênée, presque honteuse, comme souillée, car ces vêtements jetés en vrac ; c'était une partie de leur intimité que l'on violait. La sacoche contenant les ustensiles de toilette avait également été fouillée. Christophe s'immobilisa à l'entrée du salon et la regarda pénétrer dans la salle de bains. Marie verrouilla la porte. Elle fut prise de tremblements, recula vers la cuvette des WC, les yeux rivés sur la porte fermée, s'attendant à tout moment à entendre Christophe lui donner l'ordre d'ouvrir. Mais rien ne se produisit et la jeune femme se calma, peu à peu... Après avoir actionné la chasse d'eau, la jeune femme profita du déferlement de l'eau dans la cuvette pour ouvrir silencieusement les deux tiroirs du placard mural, dans laquelle elle avait entreposée la pharmacie familiale. Elle récupéra une lime à ongle métallique en imaginant que celle-ci pourrait peut-être se transformer en objet défensif. Avec précaution, elle déplaça les boîtes de médicaments, les crèmes et onguents puis  vida finalement le contenu des deux tiroirs dans le lavabo... Elle était persuadée qu'une paire de ciseaux était rangée dans l'un d'entre eux, constata piteusement qu'elle s'était trompée et finit par douter que cette paire de ciseaux eût réellement existé.

- Alors ? C'est pas bientôt fini, là-dedans ?

Elle sursauta, le cœur au bord de l'explosion, faillit lâcher la bouteille d'eau de Cologne qu'elle replaçait dans le placard.

- Je ... J'ai mal au ventre... Je me dépêche !

Marie actionna la chasse d'eau pour la deuxième fois puis s'empressa de remettre chaque ustensile à sa place. La jeune femme glissa la lime à ongle dans la poche de son jean.

- Magnez-vous ! gronda le garçon, à travers la porte.

- Je me lave les mains et...

- Vous me la montrez ?

- Pardon ?

- T'es rasée ou pas ?

Un tutoiement soudain, presque obscène...

- Quoi ?

Un léger coup fit trembler la porte.

- Ta chatte, tu l'as rasée ? J'aimerais bien la voir.

Une voix charmante ; une voix d'enfant qui demandait gentiment une faveur ; une faveur terrifiante, déplacée, vulgaire, avec un ton désarmant de candeur comme si tout cela était normal, presque conventionnel... C'était ce ton qui était effroyable ! Marie eut un haut le cœur, palpa la ligne effilée de la lime à travers son jean.

- Laisse-moi tranquille, mon garçon, murmura-t-elle. Tu dois me laisser tranquille.

Elle l'écouta glousser puis réitérer sa demande. Marie ouvrit en grand le robinet d'eau froide, observa son reflet dans le miroir du placard. Elle fut impressionnée par son teint blafard et l'expression affolée qui emplissait son regard. La jeune femme glissa son visage sous le jet d'eau froide, songea soudain à sa sœur, perdue dans les brousses du Rwanda, et l'envia. Agnès était partie là-bas par conviction, malgré la rigueur du climat, les animaux sauvages, et les tensions entre ethnies qui débouchaient parfois sur des massacres imprévisibles. Agnès subsistait dans la précarité mais elle était vivante. Vivante... vivante ! Elle ne subissait pas le viol moral que subissait Marie en ce moment.

- Je peux vous forcer à me la montrer, vous savez ? menaça Christophe dans un souffle rauque.

« Agnès, pense à moi ! Je t'en prie, pense à moi ! »

Puis, elle ouvrit la porte pour affronter le monstre de douze ans...


A SUIVRE... 


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