Giverny, rue Claude Monet, 12h45.
Clara sonna une troisième fois mais personne ne sortit de la maison. La jeune femme eut un temps d'hésitation. Habituellement, à cette heure-ci, sa tante était installée devant son poste de télévision pour regarder son émission de variété. C'était devenu comme un rite et jamais elle n'aurait manqué ce rendez-vous quotidien avec ses chanteurs préférés.
- Tante Bérengère, appela-t-elle, gagnée par l'inquiétude.
Et si sa tante avait été victime d'un malaise ? Clara connaissait la longue et sinistre énumération des effets secondaires que la chimiothérapie pouvait occasionner. Elle savait Bérengère très affaiblie et sujette à de violentes migraines ces derniers temps.
- C'est toi, Clara ? fit une voix à travers la haie d'aubépines.
La jeune femme poussa le portillon de la cour et marcha jusqu'à celui du voisin. Edmond Dufour avait soixante-seize ans. Clara avait toujours connu ce petit homme discret. Quand elle était enfant et qu'elle séjournait pendant l'été chez sa tante, elle rendait souvent visite à Edmond ainsi qu'à son épouse. Le couple la gâtait de friandises, jouait avec elle au Cluedo ou au Scrabble. Au fil des années, Edmond s'était voûté, avait blanchi et il avait dû se procurer une canne en bois de châtaignier pour l'aider à supporter son pauvre corps vieillissant mais il avait gardé le même éclat malicieux au fond des yeux et une joie de vivre indéfectible.
- Bonjour ma belle, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
- Bonjour Edmond, j'ai essayé de joindre Bérengère hier soir au téléphone mais sa ligne était occupée en permanence. J'ai rappelé ce matin mais cette fois-ci personne ne répond alors j'ai décidé de passer...
- Tu t'es déplacée pour rien, ma p'tite ! Bérengère a passé une partie de la soirée chez moi où nous avons soupé ensemble. Elle m'a quitté vers vingt-et-une heures, à peu près. Les Rouennais viennent passer le week-end là-haut...
Le vieil homme oscilla de la tête pour indiquer les collines dorées par le soleil qui semblaient enflammer le ciel derrière la maison puis ajouta :
- Elle a dû monter jusqu'à La Forestière pour allumer le chauffage, hier après-midi...
- Mais j'ai pourtant essayé de lui téléphoner après vingt-et-une heures... Si elle était chez elle, pourquoi ne m'a-t-elle pas répondue ?
- Tu n'as pas eu de chance, ma belle, c'est tout ! Ce matin, Bérengère m'a dit qu'elle avait échoué dans ses multiples tentatives pour contacter Marie Derruau, la veille au soir. Apparemment, celle-ci devait l'informer qu'ils étaient bien arrivés. Bérengère tombait sans arrêt sur la messagerie de son téléphone portable. Elle craignait d'avoir ouvert les volets et actionné les convecteurs pour rien... Quand tu as téléphoné, elle devait être occupée à appeler son amie, c'est probable. Et le téléphone de Rouen ne répondait pas non plus. Donc, avant d'aller faire quelques courses ce matin à Vernon, elle a pris la décision de repasser à La Forestière pour vérifier que tout allait bien...
- Pourtant son vélomoteur est là, appuyé contre la façade...
- C'est tout simple, ma belle ! répondit Edmond en souriant. Pierrot... Pierre Barrière, l'amoureux de ta tante... Ce vieux dragueur s'est proposé pour l'accompagner.
Clara sourit à son tour.
- Pierre... j'aurais dû y penser. Je comprends mieux pourquoi Bérengère ne répond pas à mes appels... J'ignorais que Pierre connaissait les Derruau. Et ils sont partis vers quelle heure ?
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WEEK-END
Mystery / ThrillerA l'occasion d'un week-end dans leur maison secondaire de Giverny, Nicolas Derruau, son épouse Marie et leurs deux enfants sont victimes d'une agression menée par trois jeunes délinquants, fraîchement échappés d'un centre du nord de la France. Un vé...