WEEK-END

Week-end suite 22

Julie ne grandirait pas, Sébastien n'obtiendrait pas son baccalauréat, ne deviendrait pas vétérinaire. Nicolas ne vieillirait pas... Tout comme elle. Tandis que Christophe et Johann s'approchaient, Marie se répétait mentalement ces mots, comme pour se persuader de leur exactitude car leur fin à tous était programmée dans un délai plus ou moins court ; sans doute très court d'ailleurs... Pourtant ce que sa famille vivait en ce moment semblait tellement irréel ! Marie avait presque l'impression qu'elle était l'actrice improbable d'un épouvantable cauchemar ou d'une mauvaise série B. Mais non, tout ce qu'ils avaient vécu depuis hier soir était bien arrivé. A présent, trois jeunes dont un gamin de douze ans envisageaient de la violer. Elle contourna le fauteuil dans lequel Julie s'était recroquevillée et supplia les deux garçons de ne pas lui faire de mal. Christophe ricana, ajouta qu'ils allaient au contraire lui faire beaucoup de bien avec un sourire entendu puis loucha en direction de Nicolas qui récupérait à peine des coups que l'adolescent venait de lui administrer. Johann intima l'ordre à Sébastien de rester près du piano puis s'adressa à Marie.

- Vous allez gentiment vous diriger vers une des chambres, madame... Vous ne tenez quand même pas à ce que nous fassions cela ici, devant tout le monde ?

Kévin traversa la pièce, bouscula le fauteuil, délogeant Julie, puis attrapa Marie par le bras. Il poussa la jeune femme derrière lui avant d'affronter ses deux acolytes.

- Elle n'ira nulle part, pauvres cons ! hurla-t-il, visiblement furieux. Vous comprenez vraiment rien, alors ? On se casse et vite, putain !

- Tu fais chier, Kévin, rétorqua Christophe. J'ai envie de la baiser et de m'amuser avec elle, merde à la fin !

La violence des termes, leur crudité dans la bouche de cet individu tellement jeune fit frémir Marie. Elle eut honte, alors qu'elle n'avait aucune raison d'avoir honte. Julie la dévisageait, le dos collé à la cloison, les joues barbouillées de larmes.

- Mais arrête un peu tes conneries ! Tu n'en as pas fait assez depuis hier ?

- Ta gueule ! Tu commences sérieusement à me péter les couilles ! Me pousse pas à bout ! Et puis...

- Et puis rien du tout, espèce de crevard...On s'en va et on laisse ces gens en paix, ok ? Tu cherches quoi ? A finir tes jours en taule, c'est ça ? Rassure-toi, va car tu risques bien de t'y retrouver et plus vite que tu ne le penses ... Johann et moi avec par la même occasion. Je ne serai pas complice d'un viol, alors ça, sûrement pas ! T'as fait joujou avec le chien, tu l'as raté et alors ? On se barre ! On avait un projet précis en partant du centre, tu l'as oublié ? Pour l'instant, tu nous as foutu dans une sacrée merde, putain ! J'aurais jamais dû vous suivre, vous m'avez bien eu tous les deux avec vos histoires à la noix !

- On te retient pas, répliqua Johann. Retourne chez la vieille, si ça te dit ! Nous, on continue... On peut très bien s'amuser sans toi, tu sais !

Kévin ne répondit rien. Il tenait encore l'Opinel entre ses doigts. Toujours positionnée derrière lui, Marie lui exprima sa reconnaissance car il l'avait protégée contre ces deux fous mais il lui fit signe de se taire et elle s'exécuta. Un revirement était encore possible. Après tout, Kévin avait bien laissé Christophe tirer sur Scarlett. Dans une minute, qui sait s'il ne déciderait pas de la violer lui-même ?

- Retournez dans la chambre avec votre mari, ordonna Kévin sans la regarder.

- Partez, murmura la jeune femme en rejoignant Nicolas. Laissez-nous tranquilles...  Allez-vous en !

- C'est ce qu'on va faire, m' dame... promit Kévin en passant près d'elle.

Nicolas était courbé et soutenait son ventre endolori. Alors qu'il s'apprêtait avec Marie à pénétrer dans la chambre, il se redressa soudain, fit volte-face et marcha résolument vers Julie et Sébastien.