- Oui, ça y est ! s'exclama Julie. Le monsieur, il a réussi ! La voiture nous suit de nouveau ...
- Bravo, c'est un as ! Le chemin est devenu impraticable à cause de ce déluge ! Nous aurons de la chance si leur automobile ne s'embourbe pas encore une fois.
Kate Silcox décida d'ignorer le commentaire pessimiste de Philippe Leroux et se concentra sur l'avant de la Citroën qui se rapprochait du tracteur.
Une silhouette massive, presque lumineuse dans la grisaille ambiante, apparut dans le faisceau des phares pour disparaître presque immédiatement dans la forêt. L'agriculteur scruta le chemin des yeux mais il n'y avait plus rien d'autre que des débris de branches que l'eau emportait avec elle.
- Je crois que je viens de le voir... murmura-t-il.
- Quoi ? Qu'est-ce que vous dites ?
- Le taureau, c'était lui au milieu du chemin... Il nous précède.
Kate Silcox eut un haut-le-cœur. Elle s'était trompée. Le cauchemar était loin d'être terminé...
Elle somnolait depuis un bon moment quand un bruit sourd la réveilla tout à fait. Quelque chose – une branche morte ou une tuile, peut-être – semblait avoir heurté la façade de la maison, près de la porte d'entrée. Enfin, près de l'amoncellement de débris qui bouchait ce qui restait de la porte d'entrée.
Elle ramassa le tisonnier à ses pieds avant de se lever. La pluie tombait plus lentement et le vent s'était calmé. Quelque chose semblait se déplacer lentement de fenêtre en fenêtre. Marie s'agenouilla au moment où il lui sembla apercevoir une ombre se profiler contre une partie de la vitre. Quelqu'un était en train de regarder à l'intérieur du salon. Qui ? Qui était-ce ? Un animal ou un être humain ? Elle frémit en imaginant que le taureau était revenu puis n'y tenant plus, se redressa.
Derrière la fenêtre, il n'y avait rien à voir ; rien excepté la pluie serrée qui traçait des lignes grises sur les carreaux et la masse sombre de la forêt au second plan. Je perds la boule, ma parole ! Nicolas, par pitié, dépêche-toi ! Je n'en peux plus...
- Que se passe-t-il ? Tout va bien ? s'enquit Kévin en la découvrant plantée devant la fenêtre, toute frissonnante. Le taureau ?
- Désolée si je vous ai réveillé mais il m'avait semblé entendre un bruit... J'ai même cru qu'on nous observait à notre insu. C'est stupide, il n'y a rien dehors... rien du tout. Je vais aller me préparer une tasse de thé. Vous en voulez ? Avec cet air glacial qui pénètre par tous les interstices, j'ai du mal à me réchauffer...
Il fit non d'un signe de la tête.
- Je ne peux plus rien avaler, murmura-t-il dans un souffle. J'ai... j'ai comme une lourdeur au creux de l'estomac ; une lourdeur qui m'étouffe... Je respire de plus en plus difficilement.
- Il faut être patient... Nous n'avons pas le choix de toute façon.
Marie clopina jusqu'à la cuisine pour mettre la bouilloire en route, déposant le tisonnier en travers de la table. Au milieu du plan de travail encombré de vaisselle brisée, elle parvint à dénicher une tasse miraculeusement épargnée par l'attaque du taureau. L'eau frémissait dans la bouilloire tandis qu'un nuage de vapeur s'échappait du bec en sifflant. Songeuse, Marie versa l'eau chaude sur le sachet de thé puis sortit de la pièce pour rejoindre Kévin dans le salon.
- C'est un miracle ! Non seulement, j'ai trouvé une tasse encore intacte mais également un sachet de thé au milieu de... de tout ce désordre que vos acolytes et le taureau ont fichu dans la maison... Kévin, vous dormez ?
En entendant un sinistre gargouillis derrière elle, elle se détourna de la fenêtre et chercha des yeux le blessé sur son canapé. Elle ne comprit pas immédiatement ce qu'elle voyait car la scène lui semblait surréaliste et totalement incongrue.
Légèrement redressé, Kévin remuait faiblement. Son bras droit était levé vers sa gorge. Sa main cherchait désespérément à retirer quelque chose ; une sorte de bonnet bleuâtre qui dissimulait son visage en totalité. Il suffoquait, gémissait, s'acharnait sur le bonnet.
Marie posa précipitamment sa tasse sur le sol carrelé, courut malgré sa propre blessure jusqu'à lui. Avec horreur, elle constata sa méprise. Il ne s'agissait pas d'un bonnet mais d'un des sacs en plastique du supermarché dans lequel ils avaient fait quelques courses vendredi soir.
- Bon sang, mais vous êtes fou ! Pourquoi voulez-vous vous suicider ? Pourquoi maintenant ?
Elle tira sur le sac mais ne parvint pas à le retirer. Les yeux démesurément ouverts de Kévin la fixaient derrière le plastique en partie transparent. De la salive à laquelle se mêlait de la morve avaient taché le sac. Marie constata alors que les anses de celui-ci étaient nouées autour du cou cramoisi de Kévin. Le blessé perdit connaissance au moment où la jeune femme crevait le sac de ses ongles avant de le déchirer avec frénésie . Elle releva le visage du garçon, glissa ses doigts dans la bouche entrouverte pour l'obliger à inspirer de l'air.
- Allez ! Respire... Respire !
- C'est inutile ! gloussa une voix d'enfant quelque part derrière elle. Il va mourir de toute façon...
Marie vacilla en ayant l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds. Le visage de Kévin retomba en avant, dessinant un angle bizarre avec son torse. Marie se retourna lentement.
Le visage ensanglanté, les vêtements déchirés, Christophe l'observait, assis avec nonchalance dans un fauteuil, les jambes largement écartées. Il était comme sorti d'une des bouches de l'Enfer...
A SUIVRE...
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WEEK-END
Mystery / ThrillerA l'occasion d'un week-end dans leur maison secondaire de Giverny, Nicolas Derruau, son épouse Marie et leurs deux enfants sont victimes d'une agression menée par trois jeunes délinquants, fraîchement échappés d'un centre du nord de la France. Un vé...