Nicolas étreignait Marie de toutes ses forces. Ses lèvres procuraient la sensation d'un liquide en fusion sur les joues glacées de la jeune femme. Derrière le couple, Johann était toujours prostré, au milieu des casseroles et des plats à tarte. Il avait écouté Nicolas le remercier à plusieurs reprises avec une expression un peu hébétée au fond des yeux comme s'il avait du mal à comprendre les mots qu'il entendait. Il n'aspirait qu'à un seul désir : se barrer d'ici, coûte que coûte. Il avait aidé Kévin à rejoindre la maison mais il ne comptait pas s'éterniser encore très longtemps ici. On allait l'arrêter et l'envoyer en prison, cette fois-ci. Même s'il ne devait profiter que de quelques heures de liberté, il voulait en savourer chaque seconde loin de cette famille, loin du taureau. Il ferait de l'auto-stop, irait s'amuser à Paris et pour la suite...
Il eut une pensée pour Christophe qu'il avait vu traverser le pare-brise, au cours de l'accident, avant de disparaître au milieu des broussailles. Johann avait découvert son corps, un peu plus tard, après s'être difficilement extirpé lui-même de la carcasse de tôles. Christophe n'était plus qu'un pantin désarticulé et couvert de sang...
- Il est parti, c'est bien vrai ? demanda Sébastien en serrant son père contre lui.
- Oui, il est parti... Johann a eu une excellente initiative, répondit Nicolas tandis, qu'à leurs pieds, les torchons finissaient de se consumer.
- Mais il peut revenir, intervint Kate. Regardez dans quel état il a mis la maison ! Tout est ravagé !
- Nous allons dresser des barricades devant chaque ouverture avec tous les objets ou meubles qui peuvent encore nous être utiles et nous y mettrons le feu si le taureau attaque de nouveau, d'accord ?
Marie, Kate et Sébastien acquiescèrent d'un hochement de tête simultané.
- Et Kévin, s'enquit Nicolas. Comment va-t-il ?
Marie se tourna vers Sébastien et lui fit signe de répondre. Puis elle clopina jusqu'au divan pour s'y asseoir. Elle n'avait visiblement pas l'intention de revenir sur sa décision. Le sort des trois garçons la laissait de marbre pour des raisons que Nicolas comprenait parfaitement.
- Il a repris connaissance mais n'a pas dit un mot... Kate m'a aidé à l'allonger sur le sol de la salle de bains, pour le moment. Il est en piteux état...
- Qu'importe Kévin, Johann ou Christophe, bon sang ! gronda Marie d'une voix détimbrée. Comment tout cela a-t-il pu se produire ? Pourquoi « nous » ? J'ai... j'ai l'impression que je vais devenir folle...
La jeune femme se balançait d'avant en arrière en caressant mécaniquement les cheveux blonds de Julie qui venait de s'installer à ses côtés. Nicolas s'agenouilla devant son épouse et sa fille pour les embrasser une nouvelle fois et leur promettre qu'ils allaient tous s'en sortir.
- Nous allons nous recentrer sur ce que nous devons faire à présent et réfléchirons à tous ces évènements plus tard, à froid, quand nous serons reposés et tranquillement installés chez nous, à Rouen...
- A Rouen ? répéta Marie. Mais c'est le bout du monde... le bout du monde !
Sa voix mourut dans un soupir.
- Restez tous ici pour l'instant, ordonna Nicolas, désarmé par l'abattement extrême qui submergeait la jeune femme. Surveillez Johann... Je vais voir Kévin. On ne peut pas le laisser coucher par terre. Je vais essayer de le transporter jusqu'ici...
- Tu veux que je t'aide, papa ?
- Non, pas pour le moment... Reste auprès de ta mère.
Il tendit le manche d'un couteau en direction de son fils qui s'en empara prestement. Nicolas enjamba les débris des portes du salon, constatant les dégâts occasionnés par le taureau dans le vestibule. Les dalles du perron et l'entrée du couloir étaient recouverts de plusieurs centimètres de tuiles, de gravats, de livres et de tout un ensemble d'objets hétéroclites.
En se dirigeant vers la salle de bains, il découvrit sur sa droite la chambre dans laquelle il avait enfermé inutilement Scarlett. En se déposant sur le traversin et la couverture, une fine pellicule de poussière blanche avait transformé le lit en un véritable linceul immaculé. Quant à l'édredon, il gisait à présent sur le sol, crevé de toute part et plat comme une limande après avoir répandu à travers la pièce, ses entrailles de plumes et de duvets d'oie. Nicolas soupira puis ouvrit la porte de la salle de bains.
Là, devant lui, au milieu des briques, des morceaux de verre et des boites de médicaments, Kévin se tordait de douleur, en proie à une violente crise d'épilepsie...
A SUIVRE...

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WEEK-END
Mystery / ThrillerA l'occasion d'un week-end dans leur maison secondaire de Giverny, Nicolas Derruau, son épouse Marie et leurs deux enfants sont victimes d'une agression menée par trois jeunes délinquants, fraîchement échappés d'un centre du nord de la France. Un vé...