Week-end suite 54

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Dimanche 26 Octobre, 8h15, La Forestière.


Le froid le réveilla au milieu d'un rêve magnifique. Dans ce rêve, il était redevenu le petit garçon d'autrefois qui aimait tant jouer et courir sur les galets de la plage de Dieppe. Ses parents avaient déployé la nappe pour y dresser le pique-nique. Le soleil brillait de tous ses feux et faisait miroiter la surface opalescente de la mer alors qu'au loin un car-ferry s'éloignait en direction de l'Angleterre...

Autour de lui, la lumière grise du jour commençait à peine à envahir le salon. Sébastien ronflait doucement à ses côtés et Nicolas se souvint de Marie rejoignant Julie sur le matelas, au cours de la nuit, tandis que Seb était venu s'asseoir auprès de lui.

La bouche pâteuse, les cheveux hirsutes, des croûtes de sang séché barrant ses joues et son front, les yeux creusés par les épreuves ; Nicolas n'avait plus rien du sémillant professeur d'histoire ancienne qui – vendredi après-midi encore - riait et plaisantait avec ses étudiants. Il s'étira puis jeta un coup d'œil sur Kévin qui venait de se retourner sur le canapé.

- Christophe, Johann, Kévin... on leur aurait donné le bon dieu sans confession, marmonna l'enseignant en récupérant le couteau, posé à ses pieds. Comment ont-ils pu en arriver là ?

Il s'attarda un instant sur la frêle jeune fille, assoupie dans un fauteuil. Elle remuait dans son sommeil. Ses cheveux épars dessinaient une auréole sombre autour de son visage, accentuant la lividité de celui-ci. Kate avait cauchemardé plusieurs fois au cours de la nuit. Nicolas l'avait entendu sangloter et gémir. Il se sentait responsable d'elle comme si elle était un membre de sa famille car la malheureuse s'était retrouvée prise au piège un peu – beaucoup - par sa faute. Il ferait tout pour la ramener saine et sauve chez ses parents.

- Je vais aller faire du café bien fort, murmura-t-il aux dormeurs. Et du chocolat chaud pour vous, mes enfants...

- Avez-vous prévu les croissants ? fit une voix.

Nicolas plissa les yeux et distingua la silhouette de Kévin qui se redressait sur le divan. Le garçon devait l'observer depuis un bon moment.

- Tu sembles aller beaucoup mieux ou je me trompe ?

Le garçon ne répondit pas. Nicolas crut percevoir un rictus de souffrance sur son visage.

- Vous n'avez pas été chercher les secours, n'est-ce pas ? reprit Kévin. Sinon, je serais déjà à l'hôpital ou en taule...

- Johann m'a piégé avant de disparaître dans l'obscurité. Il m'a bien conduit jusqu'à la voiture mais le téléphone de Marie était fichu et je n'ai trouvé ni la carabine ni le corps de Christophe... Vous m'aviez pourtant affirmé, Johann et toi, qu'il avait été projeté à travers le pare-brise et tué dans l'accident.

- Je n'ai jamais rien dit de tel, m'sieur... C'est Johann qui a dit que Christophe était mort. Pourquoi aurait-il menti ? Lui et Christophe étaient comme les deux doigts de la main... La nuit n'a pas dû favoriser vos recherches. Johann s'est foutu de vous. Je suis certain que Christophe et la carabine se trouvent là-bas, dissimulés sous les buissons.

- Je n'ai pas voulu prendre le risque et c'est la raison pour laquelle je suis revenu passer la nuit auprès des miens. Nous allons essayer de quitter La Forestière, tous ensemble.

- Vous plaisantez, m'sieur... Jamais je ne parviendrai à marcher.

- Eh bien dans ce cas, tu attendras ici qu'on vienne te chercher...

- J'ai de plus en plus mal au ventre... Je ne veux pas mourir...

Nicolas s'approcha du canapé, posa une main amicale sur l'épaule du jeune homme.

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