Week-end suite 34

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Après un déjeuner frugal composé de quelques gâteaux secs, de fruits et de yaourts, Nicolas proposa d'organiser une partie de cartes afin de détendre l'atmosphère. Au bout d'une heure de jeu, Julie s'assoupit sur le divan en serrant Scarlett contre elle. Marie profita de ce moment d'accalmie pour se faufiler discrètement jusqu'à la salle de bains et se doucher.

- Et maintenant ? demanda Sébastien en palpant son front recouvert d'un immense pansement de gaze. On va rester là encore longtemps à attendre ?

- J'en sais rien, mon garçon... J'ai besoin de réfléchir. On ne peut pas envisager de faire n'importe quoi. On va imiter ta mère et prendre une bonne douche pour commencer puis j'aviserai...

- On pourrait essayer de regagner le village à pied, en passant par la forêt...

- Tu oublies qu'il y a un animal dangereux dans les parages. Et d'après... d'après ce que nous a dit cette jeune femme - Nicolas venait de désigner du menton Kate Silcox qui s'activait un peu plus loin dans la cuisine - le taureau a provoqué la mort d'au moins une personne dans la clairière.

Sébastien dévisagea son père pendant d'interminables secondes et Nicolas eut la sensation désagréable d'avoir été percé à jour. La culpabilité le rendait mal à l'aise et forcément suspect. Pour mettre fin à ce supplice, Nicolas marcha jusqu'à l'unique fenêtre de la pièce dont les volets n'étaient pas fermés afin de faire mine de surveiller les alentours de la maison.

- Il faut récupérer un téléphone portable... insista Sébastien, dans son dos.

- J'y ai pensé... Il ne reste que celui de ... de Kate que nous pouvons espérer retrouver dans son sac à dos, resté dans la clairière. Et encore ? Est-ce qu'il s'y trouve vraiment et, si c'est le cas, sera-t-il en état de fonctionner ? Il faut que je parle de cette éventualité avec ta mère. Si on décide de récupérer le mobile, c'est moi qui irai le chercher...

- Tu crois que maman va accepter que tu prennes un tel risque ?

- Il le faudra bien, Seb... C'est la seule possibilité que nous ayons d'alerter les secours puisque le chargeur de Marie se trouve dans ma voiture et qu'elle nous a été volée... Merde, le revoilà !

Sébastien se rua devant la fenêtre, le cœur battant la chamade. Le taureau venait de crever le rideau de broussailles et il déambulait de part et d'autre du sentier. A tout moment, il pouvait entrer dans la cour, gravir les marches qui accédaient à l'esplanade et atteindre la maison.

- Mais pourquoi nous persécute-t-il ? remarqua l'adolescent. On lui a rien fait de mal, nous !

- Ces trois abrutis l'ont rendu enragé... Il sait que nous sommes ici et, contrairement à ce que je pensais il y a encore une heure, j'ai l'impression qu'il ne s'éloignera plus de la maison. C'est comme s'il attendait que nous commettions une erreur... C'est à peine croyable... Jamais je n'aurais imaginé qu'un animal pouvait avoir une telle capacité d'anticipation !

- C'est plus qu'un simple animal, commenta Kate, les faisant se retourner tous les deux. Je vous l'avais bien dit...

- Si seulement la grille était fermée, murmura Sébastien en frissonnant.

- La grille n'a aucune importance pour lui, répondit la jeune fille.

- J'ai simplement besoin d'être un peu rassuré et savoir la grille fermée me rassurerait un peu... un tout petit peu.

L'adolescent dévisagea l'étudiante avec une acuité identique à celle qu'il avait administrée à son père quelques minutes auparavant puis décida d'aller informer sa mère du retour du taureau. A présent seuls, Nicolas et Kate se faisaient face tandis qu'une muraille invisible de silence et de honte s'élevait entre eux.

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