L'après-midi, je ne fais rien d'autres qu'observer. Assise à côté de Laury, je la regarde saisir des factures, rapprocher des bons de livraison des bons de commandes, faire le suivi de la trésorerie, faire la saisie des relevés d'heures des salariés et des intérimaires... A chaque étape, elle prend le temps de m'expliquer ce qu'elle fait et pourquoi.
- La semaine prochaine, je veux que ce soit toi qui saisisses les heures des salariés et des intérimaires. Méfie-toi, ça à l'air simple dit comme ça, mais ça ne l'est pas. Si tu regardes un relevé d'heures, tu constates que sur une même journée un salarié a pu travailler sur deux chantiers différents. Il a très bien pu monter un garde-corps pour un chantier et ensuite aider un autre salarié sur un escalier pour un autre chantier. La répartition doit être la plus juste possible, car ces heures de mains d'œuvre sont comprises dans le devis qu'a signé le client. Nous devons donc savoir en permanence où nous en sommes.
Je hoche la tête et suis d'autant plus attentive lorsque Laury rentre les informations dans le tableau Excel. Lorsqu'elle a terminé, des formules calculent automatiquement le nombre d'heures par chantier et ce sont ces données qu'elle rentre ensuite sur le logiciel de gestion Batifacile.
- Lundi prochain tu ne saisiras que dans le tableau Excel et lorsque tes saisies seront parfaites tu pourras les intégrer dans Batifacile.
Les heures passent et je suis abreuvée d'informations diverses et variées. J'essaie de tout retenir mais tout est nouveau et je n'ai aucune connaissance de base où raccrocher ce que j'apprends aujourd'hui. Soudain, la porte s'ouvre violemment, ce qui me fait faire un bond, et Thomas entre dans la pièce. Il tend un papier à Laury sans même m'adresser un regard :
- Tu peux me taper ça s'il te plait ? lui demande-t-il un peu stressé.
- Oui pas de problème, lui répond-elle.
Il semble soulagé et tourne les talons.
- Oui, ici je suis un peu l'assistante de tout le monde, c'est pour ça que j'ai besoin de renfort, me dit Laury.
Je roule vers mon bureau et profite de la demi-heure qu'il me reste avant la fin de la journée pour noter tout ce que j'ai appris aujourd'hui. Je me remémore les explications de Max concernant la création de son entreprise, cela me sera utile pour mon dossier de présentation d'entreprise que je dois rendre en cours de management, je note également toutes les tâches qu'effectuent Laury et fais une petite étoile devant celles qu'elle a prévues de me déléguer à court ou à long terme. Il est un peu plus de dix-huit heures lorsque je quitte l'entreprise, je suis épuisée, bien que j'ai pourtant passé toute ma journée assise sur une chaise. La nuit les numéros de chantiers dansent devant mes yeux et quand le réveil sonne j'ai l'impression d'avoir à peine fermé les yeux dix secondes.
Ce matin, je suis plus confiante. En arrivant, je croise quelques ouvriers en train de fumer une cigarette et je m'arrête pour les saluer. Ils semblent étonnés par mon attitude et je comprends pourquoi quand Perceval, le plus jeune de la bande m'explique :
- Celle d'avant elle nous calculait pas. A peine un bonjour le matin, elle serrait son sac à main contre elle comme si on allait l'agresser et toujours en tailleurs de marque. On l'appelait la duchesse.
- Je te rassure, je suis loin d'être comme ça.
J'aimerai discuter plus longuement avec eux mais Perceval fixe un point derrière moi et annonce :
- Les gars, va falloir y retourner.
Les autres n'ont pas le temps de réagir que Thomas arrive à notre niveau. Je lui souris amicalement, m'apprête à lui dire bonjour, mais je n'ai pas le temps de parler qu'il lance :
- Oh les gars, la pause est fini, retournez bosser un peu.
Je mime un « désolé » avec mes lèvres à l'attention des garçons et Perceval me répond avec un clin d'œil complice. Il doit à voir à peine dix-huit ans et sans savoir pourquoi il me rappelle mon jeune frère qui s'est exilé à l'autre bout de la France et dont je n'ai, malheureusement, pas souvent de nouvelles. Thomas est à mes côtés mais il agit comme si je n'étais pas là. Une fois qu'il s'est assuré que les gars ont bien reprise leurs postes il retourne vers les bureaux. Je le suis mais il m'ignore toujours, je sens que travailler avec lui sera un vrai bonheur.
Je salue Julien, Max et Laury avant de m'installer à mon bureau. Laury me donne de nouveau des papiers à trier et classer, puis elle me donne des tickets de carte bleue à saisir dans des tableaux Excel. Elle m'explique qu'il y a des salariés sédentaires (ceux de l'atelier) et des salariés itinérants (les équipes de pose). Ces derniers disposent de cartes bancaires au nom de l'entreprise et peuvent s'en servir pour manger, mettre de l'essence dans les camions entreprise et pour se loger. Au même titre que les heures, ces frais doivent être répartis sur les chantiers. Ma mission est donc d'identifier sur quel chantier était le salarié en fonction du planning, et ensuite de répartir les montants hors taxe et la TVA selon s'il s'agit de nourriture, de frais d'hôtel, d'outillages... Comme la veille, je ne prends pas de pause, je n'aime pas m'arrêter au milieu d'une tâche et je n'ai pas envie de décevoir Laury en lui rendant un tableau mal rempli. Ce travail m'occupe un bon moment, je saisis les tickets par chantier sans prêter attention à la date, j'espère qu'il n'y a pas ça à faire toutes les semaines.
- Ne t'inquiète pas, là il y a ceux de tous le mois dernier que je n'ai pas le temps de saisir. Normalement, tu en auras quelques-uns par semaine et ce sera à toi de les saisir au fur et à mesure.
- Mais comment savoir s'il en manque ? demandé-je.
- Ahh ! J'ai cru que jamais tu ne poserais la question !
Elle fait glisser devant moi une pochette contenant plusieurs relevés bancaires.
- Tu dois contrôler les relevés avec tous les petits tickets de carte bancaire et s'il en manque tu dois les noter pour demander au titulaire de la carte de faire le nécessaire pour te le ramener.
- Alors ça veut dire que...
- Que tu dois reprendre tous tes tickets un par un et vérifier qu'il n'en manque pas, conclut-elle avec un grand sourire.
OK donc en fait, comme j'ai trié les tickets par chantier, il va falloir recommencer en triant cette fois-ci par salarié et par ordre chronologique, tout en faisant la distinction par chantier. Je me demande pourquoi Laury ne me l'a pas dit avant, cela m'aurait évité de perdre du temps.
- Il n'y a rien de mieux que de s'apercevoir sois même de ses erreurs, dit-elle semblant lire dans mes pensées, Dorénavant, je suis persuadée que chaque fois que tu recevras un ticket de CB tu le classeras dans la pochette du bon salarié car tu auras fait l'expérience de la perte de temps dû à un mauvais rangement.
Lorsque Thomas pénètre pour la troisième fois de la journée dans le bureau, je suis toujours en train de me prendre la tête avec mes tickets, il doit vraiment penser que je suis une incapable. Comme les fois précédentes il ne me calcule pas et j'ai vraiment l'impression d'être transparente.
Le lendemain même chose mais cette fois-ci avec d'autres papiers, je me demande depuis quand Laury n'a pas eu le temps de faire du tri, mais quand je vois le nombre de fois où elle est interrompue dans son travail, je comprends que j'ai intérêt à devenir plus efficace si je veux pouvoir la seconder. En fin de journée, je m'apprête à rentrer chez moi mais Max m'interpelle :
- Madeline, j'aimerai te voir dans mon bureau s'il te plait.
Je jette un coup d'œil inquiet à Laury mais elle est au téléphone et n'a pas entendu l'appel du patron.
Note d'auteur: Thomas a vraiment décidé d'ignorer Madeline, Laury est une farceuse et le grand patron convoque Madeline dans son bureau, à votre avis pour quelle raison? bisous bisous
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Bien Trop Sérieuse?
Roman d'amourMadeline, vingt deux ans, a laissé tomber la fac de droit et galère à trouver du travail. Aussi, lorsqu'un éventuel employeur lui propose une formation en alternance elle n'a pas le choix si elle ne veut pas retourner vivre chez ses parents. Entre u...