Bien Trop Sérieuse?

Joyeux Noel et Bonne Année

Comme chaque année pour les fêtes, ma mère, ma sœur et moi nous rendons dans notre famille côté sud est. Les retrouvailles sont électriques, car ma grand-mère a refusé pour l'occasion, que ma mère vienne accompagnée de son nouveau mec. Ma grand-mère est un peu vieux jeu et surtout à cheval sur les traditions. Ma mère ayant déjà divorcé trois fois elle n'avait pas envie de faire la connaissance de son flirt du moment.

Personnellement je trouve Luc sympas, il a le mérite de supporter ma mère, ce qui n'est pas évident, et prend soin de ma sœur ce qui est à mes yeux le plus important. Nous prenons tous place autour de l'immense table dressée dans le salon de ma marraine, la sœur de ma mère. Tout est très joliment décoré, des branches de houx tressées font office de centre de table, des billes de polystyrène disséminées rappellent les flocons de neige et les assiettes à bordure dorées assorties aux verres apportent une touche de brillant. Le repas se déroule dans la bonne humeur, mais je guette le visage de ma sœur. Cela ne fait pas longtemps que son père est décédé et je crains que le manque se fasse ressentir en cette période de fêtes. Elle discute avec Emma, notre cousine. Elles n'ont qu'un an d'écart et s'entendent à merveille.

- Et toi Maddie ? Comment se passe ta formation ? me demande ma grand-mère.

Je leur raconte l'alternance, mon travail chez MValu et les perspectives qui s'offrent à moi pour l'avenir au niveau professionnel.

- En tout cas, tu sembles avoir trouvé ce qui était fait pour toi, tu es rayonnante, me lance ma marraine.

Je la remercie d'un sourire. J'ai toujours pu compter sur elle pour me soutenir dans mes choix, même si ce ne sont pas forcément ceux que ma mère aurait voulu que je fasse.

- Oui c'est pas mal, mais enfin avocate aurait été mieux.

Je me tourne vers ma mère. Qu'est ce qu'il lui prend ? Je pensais qu'elle était contente pour moi, c'est elle-même qui me l'avait dit.

- Charlotte, laisse Maddie faire ses choix. Moi je la trouve épanouie et c'est le principal, tranche ma grand-mère. Je suis très fière de toi ma chérie, tu te débrouilles très bien et tu t'assumes entièrement.

Un bruit de verre brisé nous fait sursauter, ma mère a cassé sa flute de champagne. Jean, le mari de ma marraine, s'empresse de nettoyer tandis que j'observe la scène. Ma mère et ma grand-mère échange un regard lourd de sous-entendu, visiblement il y a des choses que j'ignore.

- Allez Allez, on passe au dessert claironne ma marraine pour détendre l'atmosphère.

Il faut savoir que chez nous, à Noël, il n'y a pas un dessert, ni même deux, non il y en a treize ! Vive la tradition provençale.

- Bien les filles, citez-moi les desserts, demande comme chaque année ma grand-mère.

- La pompe à l'huile, les noix et les amandes, commence Emma.

- Les figues, le nougat, les dattes, les fruits confits et les oreillettes, poursuit Léa, sa sœur.

- Pommes, poires, melon et vin cuit, complété-je.

Ma grand-mère fait le décompte sur ses doigts :

- Il en manque un. Alors, qui va trouver le dernier dessert?

- Moi je sais ! s'exclame ma sœur. C'est les calissons !

- Oui c'est bien Cassandra, mais on dit « ce sont les calissons » et pas « c'est les calissons », la reprend gentiment notre grand-mère.

- Bon ça va, on n'est pas là pour faire de la conjugaison, s'agace ma mère.

Plus personne n'ose parler de peur de contrarier ma mère, je me sens bouillir de l'intérieur. Chaque année c'est la même chose, on se réunit tous et ma mère plombe l'ambiance. Avec le temps j'ai fini par comprendre qu'elle est malheureuse. Elle est jalouse de sa sœur qui a si bien réussi dans la vie, un mariage heureux, solide, une situation professionnelle stable qui lui permet de vivre de manière très confortable et l'admiration de ma grand-mère.