Maddie
Je retourne au boulot le lendemain avec la boule au ventre. Je salue rapidement les gars qui fument devant l'atelier avant de me mettre au chaud dans les bureaux. Cette fin septembre est vraiment chaotique niveau météo. Un jour il fait une chaleur à crever et le lendemain il faudrait presque sortir la doudoune.
Comme chaque matin, j'allume mon ordinateur et pendant qu'il se lance je vais faire un brin de causette avec Julien. Thomas arrive, serre la main de Julien puis, à ma grande surprise, il se plante devant moi.
- Bonjour.
Je rêve où il vient de me parler. Je me lève précipitamment de ma chaise, manquant de la renverser, et je m'avance ne sachant si je dois lui serrer la main ou lui faire la bise. Il semble hésiter lui-aussi avant de se pencher vers moi. Nos joues se frôlent et une décharge électrique nous traverse. Saleté d'électricité statique. Thomas ne s'attarde pas et part s'enfermer dans son bureau.
Un peu plus tard dans la matinée, il pénètre dans notre bureau pour donner une feuille à Laury sauf que cette dernière ne la prend pas. A la place elle me désigne de la tête tout en me lançant un regard appuyé. Je me replonge dans mon travail quand la feuille de Thomas se matérialise devant moi. Je l'entends prendre une inspiration, comme si ce qu'il s'apprêtait à dire lui coûtait énormément :
- Madeline, pourrais-tu taper ce courrier s'il te plait ?
- Euh... oui.... Oui, bien sûr, balbutié-je.
Il tourne les talons et une fois que je sûre qu'il ne peut pas m'entendre je demande à Laury :
- Il se passe quoi là ?
- Je crois que c'est sa façon à lui de te dire que tu peux rester.
La boule dans mon ventre se dénoue, je n'aurai pas à chercher une autre entreprise. Je recopie le courrier de Thomas en me relisant une bonne vingtaine de fois pour être sûre de ne pas avoir fait de fautes d'orthographe puis je lui apporte. Quand je rentre dans son bureau, il est absorbé par son ordinateur, je dépose le parapheur contenant sa lettre près de lui et, au moment de quitter la pièce, je me retourne :
- Merci, dis-je simplement.
Il ne se retourne pas mais son reflet dans la vitre séparant son bureau de l'atelier ne me quitte pas des yeux. Je ne bouge pas et m'accroche à ses yeux bleus dénaturés par la plaque vitrée. Je ne sais pas si c'est le fait que nous ne soyons pas en contact direct mais son regard est intense et je n'ai aucun mal à le soutenir. Je sens une étrange chaleur se diffuser dans mon ventre. Son portable sonne, il rompt le contact visuel et je m'empresse de retourner à mon bureau.
Le reste de la semaine se passe de la même façon, nous n'échangeons guère mais il ne prend plus ses jambes à son coup quand je suis présente dans une pièce ni ne fait comme si j'étais invisible.
Le mois d'octobre passe rapidement, trois jours en entreprise, deux jours à l'école et un weekend sur trois chez ma mère. Je trouve mon équilibre dans ce rythme régulier et ma première paie me donne un sentiment d'indépendance. Bien sûr, je ne suis pas totalement tirée d'affaires, c'est pourquoi aujourd'hui je passe un entretien d'embauche.
- Mademoiselle Saint Clair, nous recherchons quelqu'un de manière ponctuelle pour couvrir les activités culturelles de notre ville. Les articles paraîtront dans notre supplément du lundi.
- Je suis entièrement disponible les soirs et weekends.
- Nous n'avons pas de CDI à vous offrir et vous rémunèrerons à la pige, c'est-à-dire à l'article.
- D'accord, acquiescé-je, et pour les photos, vous allez me fournir un appareil ?
Le rédacteur en chef éclate de rire.
- Vous vous croyez chez « courrier international » ou quoi ? Ici c'est le journal local, peu de tirage, peu de moyens mais un lectorat fidèle dont la moyenne d'âge tourne autour de cinquante-six ans. Les photos, vous ne vous en occupez pas, nous avons un photographe professionnel qui s'en chargera.
- Très bien. Je devrais fournir combien d'articles ?
- On se calme jeune fille, dit-il en levant la main. Déjà, comme vos concurrents, vous allez couvrir l'exposition sur Toulouse Lautrec, celui qui me fournira l'article le plus intéressant, aura la chance de devenir notre pigiste. Si vous êtes sélectionnée, vous serez rémunérée cinquante euros l'article. Il y a des mois où cela sera intéressant comme par exemple en période de Noël, entre les marchés, la fête des lanternes, les illuminations du centre-ville et tout le reste vous pourrez vous faire facilement cinq cent euros. Par contre il y a des mois où si vous atteignez les deux cent euros ce sera le bout du monde.
Je n'ai pas vraiment écouté ce qu'il vient de dire, mon esprit étant resté bloqué à « concurrent ». Ainsi, je ne suis pas la seule en lices. Il me donne ensuite toutes les informations pour l'exposition, le nombre de mots qu'il attend... puis il me serre la main et me laisse repartir.
Je retrouve Sophie, Natalia et Julie autour d'un cocktail multicolore qui a au moins le mérite de me remonter le moral.
- Allez Maddie, t'en fais pas, je suis sûre que c'est toi qui fera le meilleur article, me rassure Sophie.
Je finis par rentrer chez moi pour me documenter sur le peintre que le musée a décidé de mettre à l'honneur, puis j'embraye sur mes devoirs d'école. Je ne sais pas combien de temps je vais passer au musée alors autant m'avancer au maximum.
J'appelle Jess et Joe pour leur proposer de se joindre à moi pour l'expo mais ils ont chacun un truc de prévu de leur côté. Par contre, ils proposent de venir squatter chez moi après l'exposition pour que je leur fasse un débriefing de mes exploits journalistiques.
Le samedi, vêtue d'un jean, d'un débardeur noir à larges bretelles, d'une paire de chaussures à talons et de mon sac en bandoulière, j'ai l'impression d'être Loïs Lane couvrant un évènement planétaire. Je déchante vite en me retrouvant coincée dans la file d'attente, entre une mamie qui me donne négligemment des coups de canne, surement se dit-elle que ça me fera avancer plus vite, et un gamin qui posent ses mains collantes sur mon jean. J'essaie de ne pas y faire attention, et lorsque j'atteins le guichet je retrouve mon engouement. Ceci dit, je ne suis pas sûre que Loïs aurait payé son billet d'entrée, elle... Je garde précieusement le ticket de carte bleu afin de me faire rembourser par le journal. Je me demande si plus tard, j'aurai droit à un badge ou une carte de presse.
Note d'auteur: Coucou, j'espère que vous avez passé un bon weekend. Voici un nouveau chapitre pour attaquer la semaine. Maddie s'apprête à couvrir l'évènement du siècle: L'exposition Toulouse Lautrec, mais quelque chose me dit que tout ne va pas se dérouler comme elle le voudrait.
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Bien Trop Sérieuse?
RomansaMadeline, vingt deux ans, a laissé tomber la fac de droit et galère à trouver du travail. Aussi, lorsqu'un éventuel employeur lui propose une formation en alternance elle n'a pas le choix si elle ne veut pas retourner vivre chez ses parents. Entre u...