Retrouvailles familiales

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Il y a un léger instant de flottement que je romps en récupérant ma clé USB qu'il a posée sur le bureau

- Merci de m'avoir couverte ce matin, dis-je en évitant de le regarder.

- De rien, glisse-t-il.

- Bon ben, bonne soirée répondé-je en me dirigeant vers la sortie.

- Madeline ?

- Oui.

- 1062, dit-il simplement.

- Pardon ?

- Le code pour la salle informatique, 1062.

Nous échangeons un sourire et je regagne ma voiture. De retour chez moi, je repense à notre échange mais je suis sûr qu'il n'y a rien eu de bizarre. Ce prof est juste sympa avec moi.

La fin de semaine se passe sans incident notable et je profite du weekend pour le passer chez ma mère. Lorsque j'arrive dans la maison familiale, je suis immédiatement accueillie par Gipsy et Luna. Luna est un magnifique berger allemand, noir et feu, à la carrure imposante tandis que Gipsy est un shi-tzu survolté qui a gardé sa taille de chiot, autant dire qu'il vaut mieux regarder où on met les pieds. Après leur avoir donné leur dose de câlin respectif, je sors mon sac de voyage du coffre et remonte l'allée de gravier.

Je trouve ma mère à quatre pattes dans la terre en train de planter des bulbes de fleurs. En me voyant, elle se redresse, m'embrasse, puis m'observe un peu plus attentivement.

- Tu n'aurais pas un peu grossit ? demande-t-elle sans aucun tact.

Ma mère a, pour ce genre de chose, un don. Si je veux savoir où j'en suis niveau poids, pas besoin de monter sur la balance, il me suffit de passer cinq minutes avec ma mère.

- C'est soit ça, soit tes vêtements te vont très mal. Dans tous les cas, ce n'est pas comme ça que tu attireras un garçon. Sans compter que tu es nulle en cuisine.

Arrivée depuis moins de cinq minutes et me voici habillée pour l'hiver. Je repense à Jess quand je lui ai dit que j'y allais passer le weekend :

- Mais tu es complètement folle ! Chaque fois que tu reviens de là-bas tu es complètement déprimée.

C'est vrai. J'adore ma mère, mais quoi que je fasse ce n'est jamais assez bien.

- Maddie ?

Je me retourne et elle est là. La raison pour laquelle, inexorablement, je reviens à chaque occasion. Elle court vers moi aussi vite que ses petites jambes le lui permettent, je l'attrape pour la faire voler et ses éclats de rire résonnent jusqu'aux tréfonds de mon cœur. Ma sœur, ma vie, ma Cassandre.

- Tu restes longtemps ? demande-t-elle quand je la repose sur le sol.

- Je reste deux dodos.

Elle fronce ses sourcils châtains avant de décider :

- C'est pas beaucoup.

- Oui mais je te promets qu'on va faire plein de choses ensemble.

Elle retrouve le sourire et m'entraîne dans sa chambre. Du haut de ses six ans, Cassie me présente ses nouveaux jouets. J'aimerai l'interrompre, l'attirer à moi et ne plus la lâcher mais elle est si fière de me montrer Ruphin, le cheval à paillette que je ne dis rien. Quitter la maison pour étudier a été la chose la plus difficile que j'ai eu à faire et même aujourd'hui chaque fois que je dois repartir mon cœur éclate en mille morceaux. Je l'ai nourri, baigné, j'ai joué avec elle, dormi avec elle, bref je l'ai quasiment élevée, elle fait partie de moi au même titre que mon bras ou ma jambe.

Je sais que ma mère a du mal à le reconnaître mais après la naissance de ma sœur, dès qu'elle a arrêté d'allaiter, elle a fait sa crise de la quarantaine. Elle sortait tous les soirs avec mon beau père, le père de Cassie, nous laissant seules ma sœur et moi.

Je passe une bonne heure à jouer avec ma sœur avant de rejoindre ma mère en train d'étendre du linge. Machinalement, je prends une paire de chaussettes que j'accroche sur le fil.

- Alors, cette formation ? me demande ma mère.

- Ça va. C'est assez complet et les matières sont axées sur la pratique.

- Et dans ton entreprise ?

J'hésite à lui raconter, mais elle le sent. Elle l'a toujours senti. Même si nous sommes souvent en conflit, elle a toujours été là pour moi, notre relation est fusionnelle.

- Qu'est ce qui ne va pas ?

Je me cache derrière la serviette éponge que j'étends et lui explique la situation. Elle fait le tour du fil pour me prendre dans ses bras :

- Ma chérie, tu as toujours été une solitaire, chaque fois que tu as voulu nouer des relations avec les autres ça c'est toujours mal terminé. C'est normal qu'aujourd'hui tu aies du mal à aller vers les gens.

- Pourtant avec les filles de ma classe ça va.

- Ça c'est normal, tu n'as rien à leur prouver alors qu'à ton ton travail tu dois montrer ce que tu sais faire. Mais ne t'inquiète pas, tu y arriveras.

Je la serre dans mes bras. Elle aussi elle me manque ma cinglée de mère.

- Moi aussi je veux faire un câlin, exige Cassandre en tirant sur mon jean.

Je la soulève du sol et ma mère nous enlace. Elle profite du weekend pour me faire faire un régime express. En gros, je me suis nourrie de salade verte, quinoa, tomate et jambon. J'ai tout de même profité de ce qu'elle fasse la sieste le samedi après-midi pour amener ma sœur manger une crêpe au Nutella en ville.

- Alors Cassie comment ça va ? lui demandé-je.

Depuis le décès de son père l'an dernier, maman m'a dit qu'elle s'était beaucoup renfermé c'est pour ça que j'essaie de revenir le plus souvent.

- Ça va, répond-elle.

Je prends une grande inspiration avant de lancer le sujet :

- Tu sais... si tu as envie qu'on parle de ton père, ça me va.

Elle joue avec la paille de son soda :

- Il est mort.

- Oui je sais, mais ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas en parler.

Elle ne répond rien et je prends l'initiative de lui raconter l'un de mes souvenirs avec son père.

- Un jour, ton père m'a offert une trottinette et pour me montrer qu'il savait en faire il a fait quelques mètres, avant de s'étaler comme une crêpe sur le sol. Il s'est même cassé une dent.

Je vois un sourire naître sur ses lèvres et lui raconte d'autres souvenirs. Entendre parler de son père lui fait du bien je pense. Je sais que ma mère évite le sujet, pour elle aussi c'est difficile mais à mon sens il doit continuer de faire partie de la vie de Cassandre. J'en ai la confirmation quand, avec le sourire jusqu'aux oreilles, elle me raconte qu'un jour il l'a amenée au zoo et qu'un lama lui avait craché dessus. On rigole toutes les deux et quand on rentre ma mère me prend à part pour me remercier.

- Tu sais, elle aussi est solitaire. Elle te ressemble beaucoup.

Je ne peux rien répondre à ça, seul le temps atténuera les blessures et pour ma part il aura fallu que je rencontre Jess pour reprendre confiance en l'amitié. J'espère juste que ma sœur trouvera sa Jess plus tôt que moi.

Note d'auteur: Chapitre intermédiaire avant de retrouver Thomas, Laury et toute l'équipe de MValu! Bisous bisous

Bien Trop Sérieuse?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant