Je me retourne et il est là, accélérant le pas pour me rattraper.
- Tu t'en vas déjà ? me demande-t-il.
- Oui Thomas. J'ai cours cette après-midi et on doit nous donner les consignes pour préparer les oraux blancs de janvier.
Ce mensonge m'est venu naturellement, je sais qu'avec ça aucune chance qu'on me retienne.
- C'est dommage, on s'amusait bien.
- Non. Personnellement je ne m'amusais pas, avoué-je.
Il me fixe sans comprendre. C'est bien un mec.
- Je suis désolée mais entendre des blagues salaces sur mon décolleté, excuse-moi mais je ne trouve pas ça amusant, persiflé-je.
- Voyons Madeline, ils plaisantent, aucun d'eux ne pensent à mal.
- Tu en es absolument sûr ? Tu sais combien de litre de vin chaud ils ont ingurgité ?
Il ne dit rien et je poursuis.
- Pour toi et les autres c'est surement habituel, ces beuveries mais ce n'est pas mon délire. Tu ne peux pas savoir ce que c'est qu'être la seule fille au milieu d'un groupe de mec totalement ivres.
- Tu exagères, il y a Laury aussi, me coupe-t-il.
- Oui, il y a Laury, mais elle ils la respectent, elle est là depuis suffisamment longtemps et n'a pas à prouver que sa place est ici. Tu vois, même toi, la façon que tu as de venir me voir pour les défendre ou les excuser prouve bien que tu n'as aucune idée de ce que je peux ressentir. Et puis, il n'y a pas que ça.
- Parle-moi, qu'est ce qu'il y a ?
- J'ai besoin de partir avant de me sentir coupable.
- Coupable ? Coupable de quoi ?
J'essuie une larme sur ma joue, dû au vent cinglant qui s'est levé avant de plonger dans son regard :
- Comment ils, enfin je veux dire vous tous allez rentrer ?
Il fronce les sourcils ne voyant pas où je veux en venir.
- En voiture. Chacun des mecs présents va prendre sa voiture et rentrer chez lui alors qu'ils sont complètement bourrés.
- Madeline, tu exagères, ils n'ont pris que quelques verres et pour la plupart ils habitent tout près.
- Ah oui ? Tu laisserais ta fille monter en voiture avec l'un d'eux ?
- Et bien...
Il hésite et je poursuis :
- Tu n'imagines pas comment je me sens de savoir qu'il y a là potentiellement quinze personnes qui vont prendre leur véhicule et manquer de causer des accidents. Tu penses aux élèves qui vont sortir de leurs écoles, tous contents d'être en congés, tu penses à cette maman qui se dépêche de faire les derniers achats de Noël et qui traverse un peu vite. Peux-tu me garantir que tous autant qu'ils sont, ils auraient le réflexe de freiner ?
- Madeline je...
- Laisse tomber Thomas, c'est une histoire entre ma conscience et moi, tu ne peux rien y faire. Cette idée de repas d'entreprise était une chouette idée mais à l'avenir je ne pense pas que vous me compterez parmi vous, pas si cela doit se terminer en beuverie et que je me retrouve coincée aux toilettes par deux personnes cherchant à savoir si je porte un string ou une culotte.
Son visage change instantanément de couleur.
- Qui ? demande-t-il.
Je ne réponds pas, je ne veux attirer d'ennuis à personne et puis, il ne s'est rien passé alors n'en parlons plus. Le ronronnement d'une moto se fait entendre, Joe est arrivé, je vais pouvoir rentrer.
Voyant que je garde le silence, sa main se referme sur mon bras :
- Madeline, qui a osé te faire ça ?
Un bruit de casque tombant sur le sol retentit:
- Bordel, Lâche là tout de suite.
Je ne sais pas si c'est la frayeur sur mon visage ou si c'est la voix de Joe, toujours est-il que Thomas retire sa main aussi rapidement que s'il c'était brûlé. J'entends les pas précipités de Joe, si je n'interviens pas, il va lui casser la figure. Je m'interpose juste à temps :
- Joe, c'est Thomas. Il ne m'a rien fait je te jure.
Les épaules de mon ami se relâchent mais il reste sur le qui-vive. Je me tourne ensuite vers Thomas :
- Je te souhaite de bonnes vacances Thomas et une bonne année.
- Bonne année à toi aussi, murmure-t-il sans me lâcher des yeux.
Je suis Joe jusqu'à la moto. Il ramasse son casque avant d'en sortir un autre pour moi et de m'aider à le mettre. Je grimpe derrière lui, m'agrippant à sa taille. Il ne me ramène pas à l'école mais chez moi. Il m'escorte jusqu'à ma porte et quand je m'apprête à lui dire au revoir, il pénètre chez moi. Il se dirige droit vers la cuisine, sort une casserole, du lait et du chocolat. En moins de cinq minutes, nous voici assis, côte à côte sur mon clic clac à déguster nos chocolats chaud.
- L'un d'entre eux t'a touché ? demande-t-il les mains crispées autour de son mug à fleurs.
- Non, le rassuré-je. Ils ne m'ont rien fait, j'ai juste paniquée.
Il n'y a pas besoin d'en dire plus, il sait.
Il y a trois ans, j'assistais à ma première soirée étudiante. Je pensais qu'il s'agissait juste de sortir dans un bar, de boire quelques verres et de s'amuser, malheureusement ma conception de l'amusement était légèrement différente de celle de mes camarades. A peine entrée dans la boîte de nuit, mes sois disant copines se sont éclipsées en quête d'alcool et de mecs me laissant seule. L'un de garçons de ma promotion avec qui j'avais sympathisé m'a proposé de me joindre à lui et à son groupe de potes. Les connaissant tous plus ou moins de vue, je ne me suis pas méfiée. La soirée avait bien commencé, nous discutions des cours, des profs en dégustant des margaritas. Puis, voyant l'heure tourné j'ai décidé de rentrer chez moi. En parfait gentlemen les garçons ont proposé de me raccompagner chez moi car les rues ne sont pas sûres à deux heures du matin pour une fille seule. Nous sommes donc sorties tous les cinq et c'est là que ça a dégénéré. Pour faire court disons que Joe a fait irruption dans la ruelle au moment où l'un des mecs essayait de soulever mon tee shirt pour vérifier la couleur de mon soutien-gorge. Ce jour-là je n'ai pas empêché Joe de donner quelques coups de poings. Il m'a conduit au commissariat pour m'obliger à dire ce qu'il s'était passé, puis il m'a raccompagné chez moi. Quand je me suis levée le lendemain matin pour retourner en cours, j'ai eu la surprise de le trouver allongé devant la porte de mon studio. Depuis ce jour, Joe Velasquez veille sur moi, au grand dam de Jess.
Note d'auteur: Vous connaissez maintenant le lien qui unit Joe et Maddie, une amitié que rien ne pourra briser. Bisous bisous
VOUS LISEZ
Bien Trop Sérieuse?
RomanceMadeline, vingt deux ans, a laissé tomber la fac de droit et galère à trouver du travail. Aussi, lorsqu'un éventuel employeur lui propose une formation en alternance elle n'a pas le choix si elle ne veut pas retourner vivre chez ses parents. Entre u...