Après voir passée quarante-cinq minutes à expliquer aux agents de sécurité que je n'étais pas une voleuse et que j'avais simplement oublié d'enlever les bottes, j'ai pu passer en caisse et rentrer chez moi. Mon moral qui était au beau fixe ce matin, descend en flèche jusqu'à atteindre des abysses sans nom. Je coupe court à mes idées de shopping et prends la route de mon domicile. Comme pour faire écho à mes tristes pensées, de grosses gouttes de pluie viennent s'échoir sur mon pare-brise. Je conduis prudemment jusque chez moi et retrouve avec plaisir mon cocon. Je laisse mes paquets dans l'entrée, commençant déjà à regretter d'avoir dépensé mon argent dans des futilités pareilles. Je revois sa femme, douce, gentille avec beaucoup de classe et de charme. A côté, je me sens grosse, moche et ordinaire. Je ne comprends même pas comment il a pu me trouver attirante. Sans doute les néons dans son bureau. Je laisse couler quelques larmes et prise dans ma déprime je manque de louper les vibrations de mon téléphone. Reconnaissant le numéro je décroche. C'est l'agence d'intérim avec laquelle j'ai l'habitude de travailler. Ils ont eu un désistement pour un inventaire et me propose le poste. J'accepte avec empressement. Travailler ce soir va me permettre de penser à autre chose qu'aux longues jambes d'Hélène. Autre point positif, mes quelques heures de boulot me permettront de rentrer quatre sous et de me déculpabiliser de mes achats.
En prévision de ma courte nuit, je choisis de déjeuner rapidement avant de faire une sieste devant la télévision.
Lorsque je rentre chez moi il est plus de trois heures du matin. Je me traîne jusqu'à la salle de bain pour enlever la poussière et la transpiration. Le point positif c'est que demain c'est dimanche et que je vais pouvoir faire une grasse matinée. Je m'écroule sur le clic clac, prête à sombrer dans le sommeil, lorsque mon portable se met à vibrer. Je l'attrape en grognant prête à l'éteindre. Cependant, je repense à Jess avec son mystérieux Zorro et me ravise. Je clique sur l'icône. En voyant le nom affiché, je me redresse subitement. J'ouvre le message :
« Je suis désolé de t'avoir mise dans une situation embarrassante. J'espère ne pas avoir gâché ton weekend ».
J'hésite longuement avant de trouver la réponse adéquate. Finalement j'opte pour « Tu n'y es pour rien, ça fait partie des inconvénients de vivre dans une petite ville. Rassure toi mon weekend se déroule très bien. »
Sa réponse ne tarde pas : « Je vois ça. Encore debout à 3h du matin .... Tu dois bien t'amuser ».
Difficile de savoir s'il plaisante ou s'il est contrarié par conséquent je choisis de répondre en toute honnêteté sans me vexer « Si par t'amuser tu entends, passer ta soirée à réaliser un inventaire dans un entrepôt plein de poussière avec un gars qui hurle que tu ne vas pas assez vite, alors oui je me suis beaucoup amusée. » J'ajoute un smiley clin d'œil pour qu'il ne se sente pas agressé par ma réponse et le tour est joué.
« Je suis sûr que si tu avais mis tes jolies bottes, il aurait été plus sympa ».
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, ainsi il trouve mes bottes jolies. Raison suffisante pour ne plus regretter mon achat.
Nos échanges restent anodins mais ni lui ni moi n'arrivons à simplement nous souhaiter bonne nuit et nous quitter. Je finis par m'endormir, terrassée par la fatigue, mon portable encore à la main.
Quand des coups frappés à ma porte me tirent du sommeil, je constate qu'il est bien trop tôt et que je n'ai pas assez dormi. Je me lève tant bien que mal pour aller ouvrir.
— Coucou ! J'ai amené de quoi petit déjeuner, claironne Jess en pénétrant dans l'appartement.
Elle manque de tomber en se prenant les pieds dans mes sacs de shopping :
— Tu veux me tuer ou quoi ?
Je grommelle un truc avant de rejoindre en mode zombie mon lit. J'entends vaguement Jess ouvrir les placards mais quand je ferme mes yeux le sommeil m'envahit de nouveau. Quand je me réveille, Jess est toujours là, à regarder une émission de relooking. Elle s'est allongée dans l'autre sens, glissant ses pieds dans ma couette.
— Bien dormi ? me demande-t-elle.
— Inventaire hier soir, dis-je en guise d'explication.
Elle hoche la tête puis quitte le clic clac pour nous préparer du chocolat chaud. Je jette un œil à mon portable, il est plus de midi. Plus vraiment l'heure de petit déjeuner mais pas grave, on dira que c'est un brunch. Jess se rassied à mes côtés et ensemble nous dégustons les chouquettes et autres viennoiseries qu'elle a ramenées. Si ma mère nous voyait j'aurai droit à tout un sermon sur la diététique.
—Je pensais que tu passerais le weekend avec ton mec, lui dis-je.
Elle secoue sa jolie tête blonde :
— Je ne le connais que depuis à peine quelques jours, enfin physiquement je veux dire, c'est encore trop tôt pour que je passe un weekend complet avec lui. Si tu veux tout savoir, on s'est revus avant-hier soir, nous sommes allés au cinéma et nous nous sommes quittés sagement.
Je manque de m'étrangler :
— Il ne t'a même pas embrassé ?
Elle minaude.
— Siiii ! Il t'a embrassé ! m'exclamé-je. Alors, c'était comment ?
— Pas mal, consent-elle à dire.
Elle continue de couper de petits morceaux de pain au chocolat qu'elle porte ensuite à sa bouche. S'il était là, Joe l'aurait traité de princesse.
Voyant que Jess ne m'en dira pas plus sur son baiser avec Zorro, je change de sujet et lui indique le placard dans l'entrée.
— Je t'ai mis de côté des fringues made in ma marraine.
Elle bondit hors du canapé, secoue ses mains pleines de miettes et fonce en direction du placard. Avec autant d'enthousiasme qu'un gosse découvrant la grotte du Père Noël, elle sort les vêtements du sac en s'extasiant.
— Maddie c'est top ! Mais tu es sûre de ne pas vouloir les garder.
J'éclate de rire :
— Si je voulais rentrer dedans, je devrais arrêter de me nourrir.
Elle replie un pantalon :
— Je pensais plutôt aux sites de vente en ligne. La plupart de ces fringues sont quasi neuves, à croire que ta tante ne les a porté qu'une seule fois. Tu pourrais te faire un peu d'argent. Il existe des applications mobiles pour ça, en trois secondes c'est fait.
Je réfléchis quelques instants avant de secouer la tête :
— Non. Ces vêtements viennent de ma marraine et je n'ai pas envie que n'importe qui les porte.
Jess m'adresse un sourire chaleureux et s'empresse d'essayer un pantalon taille basse qu'on dirait taillé pour elle. Nous passons le reste de la journée à jouer aux mannequins. Je lui montre les tuniques que j'ai gardées ainsi que mes achats d'hier. Je passe sous silence ma rencontre inattendue avec Thomas et nous rions en nous maquillant et déambulant dans mon mini salon. Lorsque Joe frappe à la porte, il nous découvre en tenue de soirée, prête à sortir.
— On va où ? demande-t-il surpris.
Jess et moi partons dans un fou rire devant son air ahuri. Je lui tends le menu des pizzas :
— Ce soir c'est moi qui invite, annoncé-je.
Note d'auteur: quand on déprime heureusement qu'il y a les copines!
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Bien Trop Sérieuse?
Roman d'amourMadeline, vingt deux ans, a laissé tomber la fac de droit et galère à trouver du travail. Aussi, lorsqu'un éventuel employeur lui propose une formation en alternance elle n'a pas le choix si elle ne veut pas retourner vivre chez ses parents. Entre u...