Bonus !

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2zer marchait en tenant Samira par la taille, le rappeur se jurait intérieurement de ne plus porter ces chaussures trop classes pour être confortable, son esprit vagabonda sur ses paires de baskets qui l'attendaient chez lui avant de revenir à la réalité et de serrer un plus fort son épouse contre lui, il admira le beau visage de la jeune femme, priant intérieurement pour que jamais soit la première à partir vers d'autres cieux, il savait très bien qu'il n'y aurait plus aucune raison de rester ici sans elle et sans son amour. Elle avait été la première, elle serait la dernière.

Ken : - Qu'est ce que je dois faire ?

Idriss regarda son ami et fixa le bitume en marchant silencieusement, persuadé que s'il ne faisait pas de bruits, sa présence serait oubliée et il n'aurait pas à répondre à une question dont il n'avait en aucun cas la réponse.

Mamadou : - L'accompagner.

Hakim : - Non. Lui laisser le temps. Ne pas la brusquer, tu risquerais de tirer la mauvaise ficelle et d'emmêler la pelote.

Ken passa une main dans ses cheveux et déboutonna le col de sa chemise qui l'étouffait.

Hakim : - J'ai parlé avec elle tout à l'heure...

Idriss regardait son frère d'un œil interrogateur, Ava n'avait pas adresser la parole à une personne âgée de plus de huit ans de toute la journée.

Ken : - Qu'est ce qu'elle t'a dit ?

Hakim : - Ce n'est pas ce qu'elle a dit qui compte, c'est tout le reste. Dans son regard, il y avait une vraie détresse, celle qui te fait sauter le cœur, elle est remplie d'une douleur qu'elle-même ne doit pas réussir à mesurer entièrement, c'est gravé dans ses yeux qu'elle en chie à mort et qu'elle sait qu'elle va encore en baver. Ça transparaît dans son sourire beaucoup trop forcé qu'elle affichait, sa façon de se tenir droite, comme si elle voulait se prouver à elle-même qu'elle tient encore debout et qu'au fond ce n'est pas un drame, qu'elle s'en sortira parce qu'elle est déjà passé par là. Elle veut garder la face, mais c'est trop douloureux.

2zer : - Comment tu peux remarquer tout ça toi ?

Le rappeur haussa les épaules avant de poser ses mains sur les épaules de Ken.

Samira : - Je dirais juste quelque chose... Le chagrin a le pouvoir de transformer les personnes en monstres de tristesse.

2zer leva un sourcil interloqué par les paroles prononcées par la jeune femme.

Hakim : - Nek, laisse lui du temps, laisse la digérer un peu tout ce qui vient d'arriver. C'est soudain, ce n'était pas prévu. C'est brutal. Je sais que tu veux l'aider parce que tu l'aimes, mais là elle doit faire ce travail seule.

Ken soupira, persuadé qu'il allait perdre une nouvelle foi la jeune femme, qu'elle allait se renfermer sur elle-même et qu'il n'arriverait pas à la retenir, doucement, il s'imagina une vie sans elle, se lever le matin, aller travailler, rentrer le soir, embrasser celle qui aurait prit sa place et se coucher à ses côtés, faire l'amour une foi par semaine sans réel désir et avec des gestes automatiques, toucher un autre corps, caresser d'autres seins, embrasser une autre bouche. Il savait pertinemment qu'il avait vécu avant elle, que la vie avait été belle, et qu'il apprendrait à vivre sans elle.

Mais il savait aussi que la vie n'aurait pas la même saveur. Plongé dans ses pensées, il s'était arrêté en plein milieu du passage piéton, la voiture qui venait de tourner au coin de la rue pila devant lui et le chauffeur passa la tête par l'habitacle ne manquant pas de l'insulter de plusieurs noms d'oiseaux. Nekfeu s'excusa d'un geste de la main et continua son chemin en trottinant. 2Zer lui frappa doucement l'arrière du crâne.

2zer : - Un mort ça ne te suffis pas ? Petit con ! La prochaine foi que tu te suicideras, ne le fait pas à côté de moi, moins je vois les keufs, mieux je me porte !

Hakim secoua la tête en soupirant.

Idriss : - Bon, je ne m'y connais pas trop en judaïsme, je ne connais pas trop de feujs à part Eliott, mais prévoyant que je suis, j'ai googliser deux trois trucs sur la mort dans le judaïsme, à ce qu'il paraît, il faut apporter de la bouffe à la famille du mec mort...

Idriss et Hakim roulaient les yeux vers Samira, alors que 2zer faisait un regard qui se voulait charmeur, mais qui s'apparentait présentement à un regard de psychopathe.

Samira : - Les gars, allez vous faire foutre ! Mais sérieusement, ce n'est pas parce que j'ai un utérus qu'il faut m'appeler Maïté.

Idriss : - Ail et fines herbes mon préféré...

Samira : - Tu finis cette phrase, je te noie dans le caniveau. Compris ?

Idriss se décala et pour la première foi Ken esquissa un timide sourire. Hakim pressa les épaules de son ami en souriant, heureux de le voir un peu moins triste.

Hakim : - Ça va aller, laisse le temps faire son œuvre, et je te promets qu'elle ne te laissera pas. Fais moi confiance, c'est une évidence entre vous. Depuis le premier jour.

Nekfeu esquissa un sourire en frottant son bouc et toute la troupe continua en direction de la bouche de métro, arrivé chez lui le rappeur se jeta dans son canapé et écrit l'un de ses plus beaux textes qu'il n'enregistrait jamais, une ode à l'amour. Une ode à la vie. Chaque ligne, chaque mot était dédiés à celle qu'il aimait. Après avoir froissé en boule les trois feuilles de papier, il s'étendit et pensa à voix haute.

Ken : - Je ne m'attendais pas à te voir partir aussi loin. Pas en distance, ça, j'ai pris l'habitude. Mais en mots. Je m'en fous des kilomètres qui peuvent nous séparer, de nos mondes qui ne sont pas fait pour se mélanger, de nos cultures, de nos religions qui diffèrent, et même nos opinions politiques. Ça m'importe peu tout ça. Ce qui me tue, c'est ton silence, ça, c'est le pire. Ça ça fait mal. C'est tout ce que tu étouffes qui me rend malheureux...

Et c'est ainsi qu'il s'endormit dans son canapé après avoir souri en voyant le snap envoyé par 2zer, le rappeur lui faisait un clin d'œil un pouce en l'air fière d'avoir pu négocier avec son épouse pour qu'elle prépare des keftas à apporter le lendemain à Ava et sa famille.

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