Livre II- Chapitre 18

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Vendredi 3 février 2012 (4 mois plus tard)

- Tiens. Dis-je en lui tendant quelques billets.

- Merci et tiens. Dit-il en me tendant un petit sachet en échange.

Je m'empressais de le mettre dans la poche de ma veste.

- Emilie, je...

Je ne lui laissais pas le temps de me faire sa pseudo morale lui donnant bonne conscience et l'interrompis d'un geste de la main.

- Je dois y aller. A plus.

Je sortis rapidement de l'appartement pour regagner le mien situé de l'autre côté du pallier. Une fois seule chez moi, je m'empressais de retirer mes chaussures et ma veste. Je récupérais ma récente acquisition et ouvrit le sachet sans tarder.

Je me servis un petit verre de vodka et m'installais dans mon canapé. Je contemplais quelques secondes les deux petites pilules posées dans la paume de ma main avant de les déposais sur ma langue. Je portais le verre d'alcool à ma bouche et avalais le liquide qu'il contenait. En descendant dans ma gorge le liquide amena avec lui les deux cachets. Je soupirais d'aise et m'allongeais dans le canapé.

Une heure plus tard, je fixais le plafond, anxieuse. Comment en étais-je arrivée là? Comment en étais-je arrivée à me rendre chez mon voisin après les cours pour lui donner quelques billets en échange de cette drogue.

Je crois que ça avait commencé après la dispute avec mon père, il y a de ça quatre mois. Mon père avait appris par un de ses amis avocats qui enseignait à la fac, que je loupais de nombreux cours. Et cette information, l'avais mis en colère. Il m'avait reproché de ne pas prendre mes études au sérieux et de passer trop de temps à faire la fête. Je ne pouvais pas le contredire, il était loin d'avoir tord. Je passais plus de temps à faire la fête qu'à la fac et mes notes s'en faisaient ressentir. Alors pour ne pas décevoir mon père, j'avais redoublais d'ardeur et recommençais à travailler de façon assidue. Mais j'avais pris beaucoup de retard, ce qui me demandait beaucoup de travail et cela me stressait. Je crois que c'est la première raison pour laquelle j'en étais arrivée là: le stress.

Mais malgré la quantité de travaille que j'avais, il était hors de question que je réduise le temps passé avec mes amis. Je devais donc jongler entre mes cours, mon boulot pour rattraper mon retard, les cours que je donnais au conservatoire et les soirées. Tout ça me demandait beaucoup de temps, du coup je dormais peu. Je crois que ça c'était la seconde raison pour laquelle j'en étais arrivée là: me tenir éveillée malgré le manque de sommeil évident.

Et puis il y avait eu ce test de grossesse qui s'était révélé positif. Et une nouvelle fois je m'étais retrouvé seule face à cette information: j'étais enceinte de Ken. Lors de nos ébats durant l'automne dernier nous ne nous étions pas protégés. A ça s'ajoutait mon oubli régulier de prendre ma pilule. Résultat, je me retrouvais un mois après, assise sur la cuvette de mes toilettes avec un test de grossesse affichant deux petit bâtons sur l'écran digital. Que faire: en parler à Ken? Mais le peu de courage que j'avais eu pour lui en parler s'était évaporé quand je l'avais retrouvé le soir même au bras de sa nouvelle copine. On ne pouvait pas avoir un enfant, je ne pouvais pas avoir un enfant. J'en étais incapable. J'avais donc était chez le médecin seule et j'avais avorté sans que personne n'en sache rien. Certains vous diront que ce n'était qu'un amas de cellules, qu'il n'était pas encore formé, que ce n'était pas encore un foetus à part entière. Je n'avais cessé de répéter ses phrases dans ma tête mais je n'en croyais pas un mot.

C'était la troisième raison pour laquelle j'en étais arrivée là : j'avais tué mon bébé.

Et puis une plaie béante s'était ouverte dans mon corps, un vide que je n'arrivais pas à combler. Et finalement mes vieux démons avaient refais surface. Depuis le collège je les avais enfermé à double tour dans une prison bien enfuit en moi mais ils avaient refais surface sans prévenir.Je n'avais plus confiance en moi, je ne me croyais plus capable de rien. Et je me sentais terriblement seule. Mais comment pouvais-je me sentir aussi seule alors que j'avais tous mes amis. Je ne sais pas, je ne comprenais pas moi même. Je me sentais juste seule.

Oui je crois que c'était la dernière raison pour laquelle j'en étais arrivée là: la solitude.

Alors j'avais sombré petit à petit sans que personne ne s'en rendre compte. J'étais toujours la même en apparence, j'étais juste brisée de l'intérieur et ces pilules me permettait de tenir et de ne pas m'écrouler.

Mais encore combien de temps?

Je soupirais et me levais du canapé. Je devais rejoindre les garçons pour une énième soirée. Après une douche rapide et un "ravalement de façade " comme dirait Hakim. J'étais prête à affronter une nouvelle nuit blanche. Je prenais quelques affaires dans mon sac car je savais très bien que mon futur état ne me permettrait pas de rentrer chez moi cette nuit.

Je délaissais mes pilules bien cachés dans le tiroir de mon bureau et fermais la clé de mon appartement en y laissant mes doutes et mes problèmes.

EtincelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant