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Par une sorte de convention tacite, leur conversation restait général et impersonnel. Livai ne lui parlait guère de lui et il ne lui ouvrait plus son coeur comme il l'avait fait cette fameuse nuit, dans le temple. Et pourtant, il attendait le soir avec impatience, une fois Dino rentré chez lui et Lottie baignée et endormie. Alors, Livai émergeait de son bureau et ils dînaient ensemble en buvant un vin frais et léger, tandis que l'obscurité se faisait autour d'eux.
S'il s'attardait dans son bureau, il venait frapper à sa porte, le cœur battant, pour lui annoncer que le dîner était servi. Quand il entrait, il était souvent au téléphone, ou si absorbé par son travail qu'il ne s'était pas rendu compte de l'heure. Il lui jetait alors un regard étonné et s'étirait dans sa chaise et il sentait les battements de cœur redoubler devant ce visage marqué par la fatigue et ces yeux cernés au regard triste. Pourtant, il ne mettait pas longtemps à se reprendre et redevenait l'homme qu'il connaissait, intéressant, incisif, drôle. Et qui refusait absolument de partager avec lui la douleur de sa solitude.
Ils avaient fini par devenir amis, songeait-il durant les nuits où il ne trouvait pas le sommeil. Il avait tant fait pour Lottie et pour lui qu'il ne pourrait jamais le remercier assez. Il l'avait aidé à panser son coeur brisé - ou plutôt, à comprendre qu'il n'était pas brisé du tout - et il aurait bien aimé pouvoir lui rendre la pareille. Toutefois, quand il contemplait l'obscurité velouté du ciel nocturne, quand il percevait les échos de la musique venue du bureau où il travaillait, quand il se retournait entre ses draps brûlants, le désir qu'il ressentait n'avait rien d'amical, loin de là.
Un soir qu'il redescendait après avoir couché Lottie, il entendit le téléphone sonner dans la cuisine. D'habitude, c'était Livai qui prenait les communications, mais en passant devant son bureau, il comprit qu'il était déjà en conversation sur une autre ligne. Il s'empressa donc de décrocher.

Appel

Chez Ackerman

Aussitôt, une voix masculine lui répondit, en anglais, mais avec un net accent italien :

-allô, qui est à l'appareil ?

-je suis Eren, l'employé de maison de M. Ackerman.

-bene. Je suis ravi de vous entendre, Eren, et de savoir que Livai a eu le bon sens d'engager quelqu'un pour s'occuper de la maison. Puis je lui parler ?

Les doigts d'Eren se crispèrent sur l'appareil. Il avait reconnu cette voix... Ce n'était pas tous les jours que l'on s'adressait à une légende vivant du grand écran.

-il est déjà au téléphone sur une autre ligne. Vous êtes le signor Gin Ackerman ? Je peux lui dire de vous rappeler plus...

Il s'arrêta net. Livai venait d'apparaître sur le seuil.

-oh ! Attendez une seconde, reprit-il sans remarquer à temps le signe négatif qu'il lui adressait. Il a terminé, je vous le passe.

Livai s'avança pour prendre le téléphone, tandis qu'il lui lançait un regard désolé.

-ciao, dit-il en tournant le dos à Eren, qui s'empressa de sortir dans le jardin.


Les journées étaient toujours aussi chaudes, mais elles commençaient à raccourcir et le crépuscule apportait une fraîcheur qui annonçait l'arrivée de l'automne. Août touchait à sa fin. Bientôt s'arracher à cette bienheureux torpeur et décider de l'avenir.

L'amant de Livai Ackerman Où les histoires vivent. Découvrez maintenant