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(L) je crois que je me laisserai convaincre... Cependant, j'ai moi aussi quelque chose à vous demander.

(Voilà, se dit-il, la gorge serrée, je vais devoir faire mes valises avant la fin de la semaine.)

(E) bien sûr, mais si cela ne vous ennui pas, je préférerais que nous rentrions. J'ai beau savoir Lottie endormie, je n'aime pas la laisser seule dans la maison. Si elle se réveillait...

Et puis, au cas où il ne pourrait retenir ses larmes, cela lui permettrait de partir en trouvant une excuse : préparer à dîner ou aller chercher un pull léger. Et le temple resterait le lieu où il avait joui durant quelques instants d'un paix parfait. Un souvenir qu'il voulait tenir intact.
Oui, songea-t-il en traversant la pelouse à côté de Livai, cet homme était bien l'unique personne au monde auprès de laquelle il s'autorisait à le fragilité. Avec sa petite taille et sa solide carrure, il était de taille à le protéger, lui semblait-il.
A la lumière du couchant, le palazzo semblait surgi d'une fresque ancienne, immuable depuis 500 ans, l'image même du paradis. Comme pour lui rappeler tout ce qu'il allait perdre.

-Lottie a bien raison de dire que c'est le plus bel endroit au monde.

En arrivant dans la cour, Livai posa les verres sur la table et Eren monta voir sa fille dormait bien. Avant de redescendre, il entra dans sa propre chambre et se regarda dans le miroir, mais sans céder au désir de se recoiffé. A quoi bon ? Quand il redescendit, Livai, assis sur le banc de la cour, contemplait le jardin.

(L) tout va bien ?

(E) oui. Elle dort à poings fermés.

Un dialogue banal pour n'importe quel couple, songea-t-il avec une étrange sensation au creux du ventre.

(L) bene. Et maintenant, j'ai quelque chose à vous demander, mais je veux que vous me promettiez de dire non si vous préférez refuser.

Eren fronça les sourcils devant cette étrange entré en matière. Allait-il vraiment lui laisser le choix ?

-c'était Erd au téléphone, commença-t-il en faisant tourner son verre entre ses doigts.

(E) je sais.

(L) il m'a téléphoné pour me rappeler Venise. Je n'avais pas oublié, mais j'évitais d'y penser. J'ai horreur de ce genre de choses.

-quelles choses ? s'enquit le jeune homme sans comprendre.

(L) le festival de cinéma, la Mostra. Autour du soleil doit y être présenté et il veut être sûr que j'assisterai à son triomphe.

(E) a son triomphe... ?

(L) a tout ce cirque médiatique, précisa-t-il avec un soupir. Les projecteurs seront braqués sur le couple qu'il forme avec Rhodes et tout le monde n'aura qu'une question en tête : comment vais je réagir en les voyant ensemble ? A la limite, le film lui même n'a plus aucune importance.

(E) ils sont toujours ensemble ?

(L) oui. Évidemment, je ne peux pas forcer les gens à s'intéresser à mon film plutôt qu'à ce drame domestique, déclara-t-il sur un ton sarcastique, mais si je ne vais pas seul à Venise, l'histoire perdra déjà un peu de piquant. Vous devinez peut être où je veux en venir ?

Eren baissa la tête. Ainsi, ce n'était pas du tout ce qu'il avait imaginé. Venise, ce ne serait pas pour lui un séjour en amoureux destiné à renouer des liens, mais une corvée liée à son métier. Le jeune homme n'osait croire à sa chance.

(E) vous voulez que je vous accompagne, c'est ça ? demanda-t-il.

(L) si. Je sais que vous ne devez guère en avoir envie et je m'efforcerai d'écourter votre séjour au maximum et de le rendre le moins pénible possible...

(E) pas du tout. Je serai ravi de vous accompagner, répondit-il trop vite, incapable de dissimuler son soulagement.

(L) merci. Vous me facilitez grandement les choses.

(E) vous savez, avoue-t-il après avoir avalé une bonne gorgée de vin, vous n'êtes pas le seul à avoir des comptes à régler avec votre ex. Je ne déteste pas l'idée que Erwin me voit fouler le tapis rouge au bras du metteur en scène le plus... le plus célèbre d'Italie.

Un pur mensonge qui le fit rougir, une fois de plus. Erwin n'était pour rien dans l'enthousiasme qu'il ressentait et il avait bien failli dire ( séduisant ). Le metteur en scène le plus séduisant d'Italie...

-il doit m'imaginer en train de dévorer des paquets de gâteaux en pleurant sur mon canapé, à Londres.

(L) eh bien, cela lui fera une petite surprise, parce qu'en fait, il ne risque pas de vous rater. Les journalistes sont des vautours, il faudra vous y préparer. Alors c'est oui, vous êtes sûr ? Vous ne voulez pas prendre le temps de réfléchir ?

Il frémit en imaginant la meute des photographes, pointant sur lui leurs appareils.

(E) non, inutile. Mais vous ? Vous savez, je ne suis pas très aguerris pour fouler le tapis rouge.

Il vit le regard masculin se promener sur son visage, puis descendre sur son cou, comme s'il l'évaluait, et il eut envie de disparaitre sous terre.

(L) ne vous en faites pas pour ça, dit-il enfin.

(E) bon, fit-il avec un petit rire nerveux. Je suppose que dès l'ouverture du festival, tous les journaux de mode vont proclamer qu'il n'y a rien de plus branché qu'une tenue d'employé de maison et une coiffure ( saut du lit ).

(L) c'est possible, répondit-il en riant lui aussi, tandis que son regard, lui, trahissait un certain préoccupation.

Regrettait-il déjà sa proposition ? se demanda le jeune homme.

L'amant de Livai Ackerman Où les histoires vivent. Découvrez maintenant