A l'ombre de ta lumière

#19

Les semaines qui passèrent, je ne sortis pas de chez moi. J'avais été voir mon médecin pour lui expliquer ma détresse, il m'avait mise en arrêt maladie pour trois semaines.

Je ne mangeais presque plus, la nourriture n'avait aucun gout dans ma bouche. Je ne dormais plus, mes nuits étaient rythmées par des cauchemars me faisant revivre l'annonce de la mort de Mago. Je ne souriais plus, le bonheur avait déserté ma vie. Je ne parlais plus, la tristesse avait emporté ma voix. Je ne sortais plus, les gens heureux me dégoutaient.

Je regardais en boucle les photos de mon ami défunt. J'avais retrouvé quelques vidéos de lui sur mon téléphone, que j'observais sans cesse. Son sourire, sa bienveillance, sa légèreté. Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'au moment où nous nous filmions, nous étions à mille lieux de nous imaginer que quelques mois plus tard Mago ne serait plus des nôtres.

Ken m'appela presque tous les jours, mais je ne décrochais pas. Ses amis m'avaient tous envoyé des messages de condoléances. Aurel était passé me voir quelques jours pour me remonter le moral. Sa présence me fit reprendre le dessus. Sami, Naïm et Houss avaient été d'un soutient sans faille à mon égard, et j'essayais de prendre sur moi pour leur rendre la pareille.

Petit à petit, je m'ouvris de nouveau aux autres. Je retournais au travail, je mangeais normalement, mais mes nuits étaient toujours aussi effrayantes.

Il fallut attendre trois semaines pour pouvoir offrir à Mago un enterrement. Dans ce cas de mort, le corps est gardé pour qu'une autopsie et des analyses soient réalisées. Une enquête avait été ouverte, mais je savais que jamais ses assassins ne seraient arrêtés.

Une cérémonie avait eu lieu à la mosquée, puis le corps de mon ami descendit en terre au cimetière d'Orly. Tous nos amis étaient présents y compris Ken, 2zer, Doums, Mekra et Framal qui avaient revêtu de somptueux costumes sombres pour l'occasion.

Ma mère qui avait connu Mago dès son plus jeune âge, était elle aussi présente. Elle me soutenait tel un roc auquel je m'accrochais nerveusement. Nous avions toujours été présente l'une pour l'autre. Elle était la personne que j'aimais le plus au monde, et je m'appuyais sur elle pour retrouver le chemin vers une vie normale.

Après l'enterrement, les garçons me ramenèrent chez moi. Dans la voiture, je posai ma tête sur l'épaule de Ken en regardant le paysage défiler. Ses doigts caressaient mes joues rosies par les larmes qui avaient tant coulé en cette funeste journée.

*

Deux semaines étaient passées depuis la cérémonie, nous étions le jour de Noël. Je me trouvais dans un TGV avec ma mère nous menant à Caen. Aurel et Ahélya vinrent nous chercher à la gare. Grâce à leur soutient, et celui de mes amis, le deuil de Mago se faisait doucement.

- Prête pour une fête de famille ? me sourit Aurel en entrant chez lui.

- On est jamais vraiment prêt pour ça, souris-je.

Je m'installai dans la chambre d'ami, et rangeai mes vêtements dans l'armoire. Je revêtis une jolie robe rouge pour l'occasion qui descendait jusqu'à mes chevilles.

Lorsque nous arrivâmes chez les parents d'Aurel, toute notre famille était déjà présente. Je saluai chaleureusement, mon oncle, mes tantes, mes cousins, mes grands-parents et tout le reste du monde. Nous bûmes l'apéritif dans une atmosphère légère et chaleureuse.

Je remarquai qu'Aurel regardait nerveusement les membres de ma famille. Je devinai qu'il appréhendait le moment où quelqu'un lui parlerait de son morceau qui nous avait tous foutu la honte. A mon grand étonnement, et à son grand soulagement, personne ne lui en parla. Ils firent tous comme s'ils ne l'avaient jamais entendu, mais nous savions que c'était faux.