A l'ombre de ta lumière

#70

Durant les semaines qui suivirent j'avais revu mon père deux fois. Je me rendais dans un restaurant près de chez moi où il m'attendait. Je déposai deux bises sur ses joues, puis m'installai en face de lui.

- Comment tu vas Alyssa ? me demanda-t-il avec bienveillance.

- Tout va bien, répondis-je en souriant. Avec Ken, on projette de s'acheter un appartement pour vivre ensemble.

- Je pensais que vous habitiez déjà ensemble.

- En fait, je vis chez lui, et on commence à être un peu à l'étroit.

- J'aimerais le rencontrer, me demanda-t-il.

Sa requête me surprit, mais après tout c'était normal de sa part.

- Je lui demanderai de m'accompagner la prochaine fois qu'on se verra. Et toi comment tu vas ?

- Oh, tu sais les affaires ne marchent pas fort en ce moment.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? m'inquiétai-je.

- J'ai fait un mauvais placement, j'ai perdu beaucoup d'argent...

- Mince, j'espère que ça ne va pas mettre ta société dans une situation compliquée.

Il me regarda en cherchant ses mots. Sa bouche s'ouvrit, puis se referma à plusieurs reprises.

- Ecoute Alyssa, je sais que je n'ai pas le droit de te demander ça, mais j'aimerais que tu me prêtes de l'argent. C'est juste le temps de me remettre en course, je te rembourserai dès que possible.

Je restais stupéfaite devant sa demande inattendue. Son visage honteux me regardait en attendant une réponse de ma part.

- De combien as-tu besoin ? le questionnai-je.

- Dix milles euros devraient suffire.

- Dix milles euros ? m'étonnai-je.

- C'est une grosse somme je sais, mais j'en ai vraiment besoin Alyssa.

Dix milles euros pour moi n'étaient pas grand-chose. J'étais tellement heureuse de le retrouver que je ne voulais pas mettre en péril notre relation en refusant de lui apporter mon aide. Je pris mon sac à main, et sans réfléchir, sortis mon carnet de chèque. J'en remplis un, puis le lui tendis.

- Merci ma chérie, je te rembourserai le plus rapidement possible.

- Je sais ce que c'est d'être en galère d'argent, ne t'inquiète pas.

Il mit le chèque dans la poche intérieure de sa veste, puis nous déjeunâmes en discutant.

- Tu pourrais venir passer quelques jours à Naples, proposa-t-il souriant.

- Tu veux dire chez toi ?

- Oui, tu pourras rencontrer ma femme.

- Tu t'es remariée ? demandai-je doucement.

- Oui, ça va faire vingt deux ans cette année qu'on est ensemble. Tatiana est restée avec moi alors que j'étais en prison.

- Oh, je vois...

Vingt deux ans ans... Mon père avait refait sa vie seulement un an après être parti, tandis que ma mère et moi continuions à l'attendre désespérément.

- Je te présenterai mes deux filles, me dit-il souriant. Elles te ressemblent beaucoup.

- Quel âge ont-elles ?

- Eléonore à vingt-et-un ans, et Anastasia en a dix-neuf.

Je venais de découvrir que j'avais deux demi-sœurs, mais la joie n'animait pas mon cœur. Je fis bonne figure pour ne pas le décevoir.