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Le nouvel abandon de mon père m'avait bouleversée, mais comment avais-je pu ne pas m'y attendre ? Ma mère m'avait pourtant mise en garde, cependant une partie de moi n'avait pas eu envie de la croire. J'avais préféré mettre ma confiance en lui, plutôt qu'en elle. Etrange comme raisonnement quand je pense que c'est elle qui s'est écorchée pour m'élever convenablement, quand lui refaisait sa vie et fondait une nouvelle famille.

Quelques jours plus tard, j'accueillais chez moi mes amis. Je n'avais pas demandé à Ken de venir, car je voulais passer un peu de temps avec les garçons sans qu'il ne soit présent. Nos soirées à quatre me manquaient terriblement, je les avais donc invités à passer la nuit chez moi.

Lorsqu'ils arrivèrent, ils me saluèrent chaleureusement. Nous nous installâmes dans le salon, Houss nous servit des verres, puis nous discutâmes en mangeant des mignardises que j'avais commandées chez un traiteur quelques heures plus tôt. Les garçons plaisantaient entre eux pendant que j'allumai une cigarette en réfléchissant à comment leur expliquer que mon père s'était de nouveau évaporé de ma vie. Sans le savoir, Houss me donna une occasion de me livrer.

- Quoi de neuf Aly ? me demanda-t-il. C'était pas ce weekend que tu devais aller à Naples ?

Un silence gênant s'installa entre nous. Mes amis me regardèrent sans comprendre mon mutisme. Je pris une longue taffe de nicotine pour me donner un peu de courage.

- Il ne veut plus me voir, lâchai-je.

Un nouveau silence s'empara de l'ambiance devenue gênante.

- Qu'est-ce qu'il c'est passé ? demanda doucement Naïm.

- Il voulait que je fasse une interview avec Ken pour raconter notre histoire. Il comptait toucher quinze mille euros pour ça. J'ai refusé, et il n'a pas vraiment apprécié. Il est rentré en Italie sans moi, en me demandant de ne pas le rejoindre.

- Le fils de pute ! rugit Sami. Désolé pour ta grand-mère, mais putain ce mec est une grosse merde !

J'aspirai de nouveau sur ma cigarette en regardant dans le vide.

- On est là nous, me rassura Houss en s'approchant de moi.

- Je sais, murmurai-je. Mais ça va aller, j'ai juste un peu de mal à accepter d'avoir un père vivant, et qu'il ne veuille pas que je fasse partie de sa vie.

Les garçons se turent ne sachant quoi répondre à ma tristesse.

- Tu vas t'en remettre, me sourit Naïm. Tu n'as pas besoin de lui. Tu as une mère incroyable, un mec qui t'aime, sans parler de tes potes exceptionnels.

Je ricanai en l'entendant s'auto-congratuler.

- Laissons notre virilité de côté les gars, et faisons un câlin collectif, proposa Sami.

- Même les meufs font pas ça, se moqua Houss.

- Ta gueule, et viens dans mes bras mon re-noi, ordonna Sami.

Nous nous esclaffâmes de rire, puis les garçons se jetèrent sur moi pour m'apporter leur tendresse. Les uns avachis contre les autres, je sentis leur affection réchauffer mon cœur. Une fois de plus, je m'estimais heureuse d'avoir des personnes si bienveillantes dans ma vie.

- Bon, c'est bon, dit Sami en se relevant. On va pas se peloter pendant trois heures non plus.

Je ris devant sa testostérone retrouvée.

- J'ai aussi quelque chose à vous dire, annonça Naïm.

Je me redressai en poussant Houss pour pouvoir écouter mon ami. Son regard était sérieux, un sourire timide s'afficha sur ses lèvres.

A l'ombre de ta lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant