A l'ombre de ta lumière

#49

Je n'avais pas eu de nouvelles de Ken depuis notre dernière dispute deux mois plus tôt. Au début, son absence était devenue une présence étouffante. Je n'avais pas cessé de me demander pourquoi il avait agit ainsi avec moi. Il n'avait pas de temps à m'accorder, on se disputait sans cesse quand notre relation devenait sérieuse, certes, c'était une réalité. Cependant, j'avais senti chez lui une envie d'être à mes côtés, alors que ces mots m'avaient explicitement crié le contraire. J'avais mis des semaines, à arrêter de me torturer l'esprit avec toutes ces questions.

Hugo ayant eu vent de notre rupture via des magazines people m'avait rappelée. Nous nous étions revus, et le peu de sentiment que j'avais eus pour lui étaient remontés à la surface. Il m'avait finalement accordé une nouvelle place dans sa vie. Je m'étais accrochée à lui comme à une bouée de sauvetage. En premier lieu pour me sortir Ken de la tête, puis parce que finalement, je m'avouais à moi-même que je l'aimais bien. C'était le mot bien le problème. Je n'arrivais pas à mettre un autre adjectif que celui-ci derrière le verbe aimer quand je pensais à lui. Malgré tout, je continuai notre relation qui apaisait doucement mon cœur, le laissant se remettre lentement de ses blessures encore ouvertes.

Un soir, alors que j'étais avec Hugo, nous avions croisé Ken. Il l'avait violemment interpellé, les deux hommes avaient même failli en venir aux mains. Heureusement Doums, Framal et Mekra avaient tempéré les choses. J'avais eu du mal à expliquer à Hugo la raison de cette violence, car je ne la comprenais pas moi-même.

Ce soir-là, j'étais tellement furieuse contre Ken, qu'après qu'Hugo m'ait déposée chez moi, j'avais été à deux doigts de débarquer chez lui en furie. Heureusement, j'avais eu l'idée d'appeler Sami avant pour lui raconter ce qu'il c'était passé, il m'avait vivement déconseillé de le faire. Mon ami avait eu raison. A quoi bon ?

Même si Ken ne faisait plus partie de ma vie, il me faisait toujours souffrir. Parce que même si j'étais accro et que ça faisait mal, ça me faisait encore plus mal de décrocher de lui.

Ce matin là, je prenais un café avec mes collègues. Je participais à leur discussion stérile sur les produits bio dans les grandes surfaces.

- Au fait Alyssa, m'apostropha Tom. Tu as écouté le nouvel album de Nekfeu ?

Sa question me surprit, je ne savais pas que Ken avait enfin dévoilé sa musique. Je l'avais supprimé de mon compte Instagram, et évitait tout ce qui parlait de lui.

- Non, admis-je.

- Il est sortit il y a plus de deux semaines déjà, s'étonna mon collègue de mon ignorance.

- Et alors ? Il est bien ? demandai-je en me fichant éperdument de sa réponse.

Samira et lui se regardèrent en affichant un air gêné.

- Ecoute-le ce soir en rentrant, tu jugeras par toi-même, me sourit-elle avec bienveillance.

Pourquoi est-ce qu'elle me disait ça ? Je mis ça sur le compte qu'elle savait que je n'étais plus en couple avec lui. Je retournai travailler, et passai ma journée à me demander pourquoi ils avaient eu l'air autant gênés. D'accord, je ne sortais plus avec Ken, mais ils avaient le droit d'apprécier sa musique. Je n'étais pas un dictateur qui interdisait d'aimer quelque chose qui me déplaisait.

Dans le métro, je branchai mes écouteurs à mon téléphone, et allais directement sur Deezer. Je tapai Nekfeu dans la barre de recherche, et les premières musiques qui apparurent étaient celles de son nouvel opus. Je mis la première, et je crus que mon cœur allait s'arrêter de battre en découvrant les paroles de ce morceau.

Absorbé par un docu' sur l'univers
L'insomnie est son fléau
Les yeux sur un écran jusqu'à voir fluo
J'regarde par la fenêtre la Lune est verte
Plongé au confluent des époques
J'ai jamais voulu m'y faire, elle pleut
Tu m'fais défier les lois du sommeil
Me retourner la nuit au point d'enlever les lattes du sommier
Le bruit des feuilles mortes qui rayent le trottoir
Mon reflet dans cette flaque
Mais j'peux plus m'voir, ça m'rappelle trop toi