A mon grand désespoir, nos deux semaines de vacances étaient passées comme un battement de cil. Nous ne nous étions pas disputés une seule fois, chose incroyable pour nos deux caractères enflammés.
Nous entrâmes dans le petit appartement de Ken, et nous laissâmes tomber sur son canapé, éreintés par les douze heures d'avion.
- Il faut que je rentre chez moi, dis-je en me blottissant contre lui.
- Pourquoi ? s'étonna-t-il.
- J'ai une tonne de lessive à faire, et puis il faut que j'arrose mes plantes.
- Quand est-ce que tu vas vivre ici définitivement ?
Depuis mon agression, nous dormions presque toutes les nuits chez Ken. Il m'avait laissé une petite place dans son dressing pour que je puisse y ranger quelques vêtements, mais j'avais du mal à laisser mon appartement. J'adorais cet endroit, c'était mon nid, mon repère. Il était rempli de bons souvenirs.
- Je n'ai pas assez de place pour installer toutes mes affaires, prétextai-je.
- Ok, ce mois-ci, on se cherche un nouveau logement. Comme ça, tu n'auras plus d'excuse pour quitter ton appart'. J'aime pas savoir que tu vis à deux rues de l'autre malade. Imagine qu'il débarque un soir où je suis pas là...
- Ca sert à rien de me faire peur, bougonnai-je.
Un silence pesant s'installa entre nous. Ken se redressa pour se mettre face à moi.
- Aly, est-ce que tu as vraiment envie de vivre avec moi ? Si t'es pas prête, je peux comprendre. Enfin, j'essaierai...
Sa question me désarçonna, voila qu'il se mettait à douter de lui.
- On vit déjà ensemble Ken, on passe toutes nos nuits tous les deux. Alors d'accord, cherchons un appartement plus grand.
Je vis ses lèvres esquisser un sourire radieux. Il se leva, et me prit la main. Il ouvrit la porte donnant sur son dressing, la petite pièce était déjà pleine à craquer de vêtements et de chaussures. Ken prit une grosse pile de sweets et les déposa sur une autre étagère en tassant le tout pour que ça rentre. Il me montra du doigt l'emplacement désormais vide.
- Bon, c'est pas énorme, concéda-t-il, mais ça te fait deux espaces maintenant pour ranger tes fringues en attendant qu'on trouve quelque chose de plus grand.
- Et pour mes chaussures ? le taquinai-je.
- Tu n'auras qu'à les mettre par-dessus les miennes.
- Tu as la solution à tout, souris-je.
- J'ai simplement envie de construire quelque chose avec toi.
- Tant que tu ne me demandes pas de te faire un gosse, ris-je.
- Tu ne veux pas d'enfant ? s'étonna-t-il.
- Si, bien sûr, mais pas maintenant.
- Evidemment, rit-il, tu nous vois avec un gosse maintenant ? On se disputerait à s'en casser la voix juste pour choisir le prénom.
Nous rîmes ensemble en nous imaginant dans cette situation. Notre couple n'était pas encore assez mature pour nous lancer dans cette nouvelle aventure. Vivre ensemble sans s'étriper était déjà un exploit pour nous, nous avions besoin de prendre notre temps, de ne pas précipiter les choses.
Nous retournâmes au salon, mon téléphone indiquait que je venais de recevoir un message. Une bulle Messenger s'était installée sur mon fond d'écran m'indiquant que quelqu'un dont je ne connaissais pas la photo Facebook était entré en contact avec moi.
Lorsque j'ouvris le message, mon cœur implosa, mes mains se mirent à trembler tandis que mes oreilles entendaient au loin Ken me parler. Je ne l'écoutais pas, je lisais le texte affiché sur mon téléphone qui me donna la chair de poule.
- Aly ? insista Ken en s'approchant de moi.
Son regard passa de mes yeux effarés à mon téléphone. Il me le prit des mains pour connaitre l'objet de mon bouleversement. Lorsqu'il eu fini de lire, ses yeux se levèrent vers moi, affichant un regard d'incompréhension. Il ne savait visiblement pas comment réagir. Je lus une nouvelle fois de le message pour être sûre de ne pas rêver.
Bonjour Alyssa. J'espère que toi et ta mère allez bien. Je sais que cela fait des décennies que je ne vous ai pas donné de nouvelles, je n'ai d'ailleurs aucune excuse... Mais quand j'ai vu les affiches de film placardées dans tout Naples, affichant le visage d'une belle femme aux yeux d'un bleu profond que seule la famille Sania possède, j'ai su que c'était toi. Je t'ai immédiatement reconnue. Ton visage a fait remonter en moi une douce chaleur qui a enivré mon cœur.
Tu dois sans doute te poser une multitude de questions, et c'est bien normal. Je suis sur Paris cette semaine, peut-être pourrions-nous nous voir pour discuter ?
Papa- Qu'est-ce que tu vas faire ? me demanda doucement Ken.
- Je vais supprimer ce message, et faire comme si je ne l'avais jamais reçu. On mange quoi ce soir ?
- Aly... souffla-t-il.
J'étais en train d'appuyer sur le message pour le supprimer, quand Ken m'arracha mon téléphone des mains.
- Tu ne peux pas faire ça, dit-il.
- Si, je peux le faire, le contredis-je. Rends-moi mon téléphone.
- Ok, écoute-moi cinq minutes avant de faire n'importe quoi.
Il se tue quelques secondes en réfléchissant à ce qu'il pouvait dire.
- Ton père t'a abandonnée quand tu étais gamine, mais là il essaie de reprendre contact avec toi. C'est vrai, vingt ans c'est long...
- Vint-trois, le coupai-je.
- Vingt-trois ans c'est long, reprit-il. Je sens que tu en souffres encore. Aujourd'hui, c'est à toi de décider si tu veux qu'il réapparaisse dans ta vie. Mais si tu ne vas pas le voir et que tu n'écoutes pas ce qu'il a dire, tu le regretteras toute ta vie.
Je soufflai, puis partis m'assoir dans le canapé dans le salon. Je posai mes coudes sur mes genoux et mes mains accueillirent mon visage. Je sentis les doigts de Ken caresser mon dos me montrant qu'il était présent à mes côtés.
Ce message m'avait bouleversée. Adolescente, j'avais souvent prié pour le recevoir. Les années ayant défilé, j'avais tiré un trait sur cet espoir. Mon cœur se serrait à chaque fois que mon géniteur était évoqué dans des discussions. Ken avait raison, je souffrais d'un mal que je n'avais pas encore réussi à vaincre.
- Avant de faire quoi que ce soit, il faut que j'aille voir ma mère, annonçai-je. J'aimerais que tu viennes avec moi.
Ma mère... Comment allait-elle prendre cette nouvelle ? Elle qui avait tout mis en œuvre pour pallier cette absence déchirante. Elle s'était endettée pour pouvoir m'éduquer correctement, le réfrigérateur était quasiment toujours rempli, j'avais toujours eu du linge propre et repassé. Je n'avais jamais eu les derniers vêtements à la mode, je ne mangeais que des produits de sous-marque Lidl, nous ne partions que très rarement en vacances, mais sa présence avait suffi à me rendre heureuse. Je n'avais jamais eu besoin de choses futiles. Et puis, dans le quartier où j'avais grandi, nous étions tous pauvres... Nous ne pouvions pas nous moquer des uns et des autres sur ce sujet, car toutes nos familles vivaient dans le surendettement, et le manque de moyen.
- Je t'accompagnerai, me répondit Ken.
J'envoyai un message à ma mère pour la prévenir que je viendrai diner avec Ken dans quelques heures. Elle me répondit immédiatement, heureuse que je lui présente officiellement mon petit-ami autour d'un repas. Mon cœur se serra en sachant pertinemment que ce soir allait être une épreuve pour elle.
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A l'ombre de ta lumière
FanfictionAlyssa, jeune femme de vingt-cinq ans, vit sa vie comme elle l'entend. Tout son monde va basculer lorsqu'un soir, elle rejoint son cousin Orelsan au studio pendant qu'il enregistre un titre avec le rappeur Nekfeu. La jeune femme le connait seulement...