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- Tu as fait quoi ? me demanda Clarisse sur un ton de reproche.

- Il m'a cherché aussi, me défendis-je. Il pensait que je ne bâterais pas contre lui sans mes potes. Il a vite compris que je n'avais besoin de personne pour avoir le dessus sur lui.

Ma sœur me donna une petite claque à l'arrière du crâne.

- Tu n'es qu'un idiot Ken. Tu as jeté Aly dans les bras d'Hugo. Maintenant il va pouvoir lui retourner le cerveau en te faisant passer pour son agresseur, alors que c'est lui qui est à l'origine de son état.

- Elle ne se laissera pas berner, la contredis-je.

- Il faut que tu saches que souvent les femmes sont du côté du mec qui souffre, pas de celui qui s'en sort indemne.

- Elle n'a pas de côté à choisir, c'est son mec, moi je suis rien pour elle.

Clarisse souffla une nouvelle fois avant de s'asseoir à mes côtés sur son lit.

- Bon sang Ken, je me répète, mais qu'est-ce que cette fille t'a fait ? Je te reconnais plus.

- Comment ça ?

- Tu te bagarres, alors que tu essaies toujours au maximum de calmer les choses. Tu te disputes avec tes amis parce qu'ils l'invitent à une soirée. Tu as l'esprit morose en pensant qu'elle est avec son copain. Réveille-toi un peu !

- Je comprends pas ce que tu veux dire, insistai-je. J'ai toujours été comme ça.

- C'est faux ! Jamais tu ne te serais battu pour une simple provocation. Tu te rends malade à cause d'elle. Il faut que tu réagisses dès maintenant.

- Pour commencer, je ne me rends pas malade. Et ensuite, que veux-tu que je fasse ? Elle avait le choix entre lui et moi à plusieurs reprises, et elle ne m'a jamais choisi.

Elle me lança un regard empli de pitié avant que je ne détourne les yeux, presque honteux de me retrouver dans cette situation.

- Demande-lui des nouvelles de son mec, me conseilla-t-elle.

- Je me fous de savoir comment il va.

- Ca te fera remonter dans le rôle du gentil garçon.

Je soufflai en me levant de son lit.

- Je ne veux pas jouer de rôle avec elle. Je n'ai pas envie de me faire passer pour un mec que je suis pas. Si elle ne veut pas de moi, je ne veux pas d'elle non plus. Fin de l'histoire.

Je claquai la porte de la chambre de ma sœur, puis partis dire au revoir à mes parents. Sur le chemin me ramenant à mon appartement, je me repassai ma conversation avec Clarisse.

Ca faisait une semaine que je n'avais pas eu de nouvelles d'Aly. Son silence résonnait comme un cri. Je ne savais pas dans quel état d'esprit la jeune femme se trouvait, mais j'avais peur de le découvrir. Clarisse avait raison au moins sur un point, je n'étais plus vraiment moi-même depuis quelques mois. Tout avait commencé avec ce foutue pari. Depuis ce maudit soir, je ne pensais qu'à une chose, mettre Aly dans mon lit. Elle avait les cartes en main depuis le début, nous jouions à un jeu dans lequel j'étais totalement dépourvu d'atouts. A chaque manche, elle me laissait croire que je pouvais gagner, pour mieux me battre à plate couture.

Il fallait une nouvelle donne à notre relation, que je contrôle la situation de A à Z, et cette fois-ci ne pas lui laisser le choix.

Lorsque j'arrivai devant ma porte d'entrée, je vis Aly, assise sur les marches qui me regardait. Le silence entre nous transperçait nos tympans, nos yeux se plaisaient à se contempler. Je m'assis à ses côtés sans prononcer un mot attendant de connaitre la raison de sa présence.

- Je voulais savoir comment tu allais... commença-t-elle.

- J'ai quelques bleus au ventre, avouai-je, mais les égratignures sur mes mains sont déjà presque cicatrisées.

Elle prit ma main droite dans la sienne, et effleura de son pouce ma peau abimée. Son regard était perdu dans cette contemplation que je ne comprenais pas. Un voile de tristesse balaya son visage ce qui me fit un pincement au cœur.

- Viens avec moi, lui ordonnai-je avec douceur.

Je lui pris la main en prenant soin d'enlacer ses doigts au mien, puis nous nous levâmes pour entrer dans mon appartement. Nous nous installâmes sur mon canapé, Aly ne me regardait plus, son regard était fixé dans le vide.

- Dis-moi ce qu'il se passe Aly.

Elle passa sa main dans ses longs cheveux blonds, puis ses yeux rencontrèrent les miens.

- Hugo ne veut plus que je te voie, lâcha-t-elle.

- Oui, je sais, tu me l'as dit la dernière fois.

- Tu ne comprends pas...

- Alors explique-moi.

- Si il apprend qu'on se parle, ou encore pire, que je suis ici, il me quittera.

A cet instant, je saisis pourquoi elle avait l'air si triste. Elle prenait cette menace au sérieux, ce qui me désarçonna.

- Un mec ne devrait pas t'interdire de voir tes amis.

- Ce n'est pas mes amis qu'il m'interdit de voir, ricana-t-elle, seulement toi.

- Et qu'est-ce que tu lui as dit ? m'inquiétai-je.

Elle garda le silence quelques secondes faisant durer le suspense.

- J'ai répondu que j'étais d'accord.

Sa réponse me fit l'effet d'une bombe. Comment pouvait-elle accepter ça ? La colère s'empara de mon esprit.

- Alors qu'est-ce que tu fous ici ? sifflai-je.

- J'y arrive pas Ken, murmura-t-elle.

Cette discussion allait me causer un arrêt cardiaque. A chacune de ses paroles, l'espoir, mais aussi la fatalité s'emparaient de moi. Ses yeux au bord des larmes me regardaient fixement, comme s'ils cherchaient à lire en moi.

- Je n'arrive pas à me dire que je ne t'aurais plus dans ma vie, continua-t-elle. On ne se connait que depuis quelques mois, mais j'ai vraiment du mal à me séparer de toi. J'ai essayé, cependant toutes mes tentatives ont été vaines.

- Alors ne pars pas, répondis-je à voix basse. Reste avec moi.

- J'y arrive pas non plus ! s'exclama-t-elle en se levant. J'ai l'impression que je ne suis qu'un jouet pour toi, que tu jetteras dès que tu l'auras en ta possession.

- Tu dis vraiment n'importe quoi, rallai-je en me levant à mon tour.

- Ecoute, j'ai pas les idées claires ce soir. Je ne sais même pas ce que je fais ici... Je ferais mieux de partir.

Elle prit son sac à main, et s'apprêta à passer la porte de mon appartement quand je jouais ma dernière carte.

- Tu fuies encore Aly, et le pire dans tout ça, c'est que tu choisis la facilité.

La jeune femme arrêta son geste pour me regarder une dernière fois de ses yeux brillants avant de quitter mon appartement pour me laisser une fois de plus.

A l'ombre de ta lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant