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Le soir venu, nous partîmes dîner dans un restaurant typiquement japonais. Les mets préparer par le chef étaient délicieux, impossible de retrouver cette gourmandise en France. Ken avait retrouvé sa bonne humeur, et riait de bon cœur avec ses amis retrouvés. Je ne pus m'empêcher de l'observer, ses lèvres formant un sourire qui faisait accélérer mon rythme cardiaque, son regard malicieux, les petites rides au coin de ses yeux qui montraient qu'il avait souvent ri dans sa vie.

Ses yeux se posèrent sur les miens créant entre nous un échange silencieux, je le surpris à me détailler de la même manière que je le faisais quelques secondes plus tôt. Je souris malgré moi en détournant le regard, mais lorsque je me tournai à nouveau vers lui, ses yeux m'observaient encore.

Après le repas, nous partîmes dans une boite de nuit branchée de la ville. La musique électro japonaise résonnait dans les enceintes. Nous étions sur des canapés en train de discuter, et de boire des verres d'un alcool que nous ne connaissions pas.

- Je suis content que tu sois venue, me dit discrètement Ken à l'oreille.

Pour seule réponse, je lui fis mon plus beau sourire qu'il me rendit généreusement.

- On va danser ? lui demandai-je.

Il me prit la main, et nous nous faufilâmes entre les fêtards. Nous dansâmes l'un contre l'autre abandonnant tous nos amis, laissant de côté le reste du monde. Je savourais ces instants de légèreté entre nous. Ne voulant profiter seulement de l'un de l'autre, nous nous assîmes au bar, et commandâmes des bières japonaises.

- Tu as l'air heureux ici, lui dis-je.

- Dès que je suis hors de France, je revis, avoua-t-il.

- Si tu ne supportes pas la célébrité, alors pourquoi tu n'arrêtes pas ton métier ? m'enquis-je.

- C'est un package, m'expliqua-t-il. La musique c'est toute ma vie. Il y les bons côtés, comme les concerts, les gens qui se reconnaissent dans mes textes, et puis il y a les mauvais côtés... La célébrité, la vie privée mise à nue...

- Ne pas pouvoir marcher dans la rue sans qu'on te reconnaisse, ajoutai-je dans un sourire.

- Oui voilà... J'espère que ça ne t'effraie pas trop. Je vais devoir beaucoup travailler pour mon prochain album, je serai moins disponible pour toi.

- Je pense que sortir avec un rappeur superstar est un package aussi. Je ne peux pas accepter qu'une partie de toi. Nekfeu est un trait de ta personnalité, mais moi je n'ai d'yeux que pour Ken Samaras.

Après mes paroles qui le rassurèrent, il m'embrassa tendrement pendant un long instant. Nous profitâmes du reste de la soirée pour nous retrouver. Aux alentours de quatre heures du matin, nous rentrâmes nous coucher.

*

Les jours suivants, Ken passa toutes ses journées à écrire, et à enregistrer des morceaux. Avec les garçons, nous en profitions pour faire du tourisme. Nous retrouvions le rappeur le soir autour d'un repas. Voulant passer du temps avec nous, il suivait notre rythme en se couchant tard, et se levait tôt le lendemain pour travailler.

Pour notre dernière journée, Ken prit un peu de repos pour pouvoir profiter de nous. Nous visitâmes un temple magnifique. Lors de notre dernière soirée, alors que nous fêtions notre départ, Naïm vint à ma rencontre pendant que la soirée bâtait son plein. Il affichait un air bouleversé, ses yeux étaient rougis. L'inquiétude me gagna immédiatement. Sans rien dire, je le suivis dans la petite salle de bain de l'appartement.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? lui demandai-je doucement.

- Ma mère vient de m'appeler, mon père est mort, lâcha-t-il.

- Putain Naïm, je suis vraiment désolée...

Je le pris dans mes bras, et mon ami laissa échapper des sanglots qu'il avait certainement dû contenir depuis l'appel de sa mère. Des larmes roulaient également sur mes joues. Je connaissais le père de Naïm depuis toujours, c'était un homme admirable et empli d'amour pour ses enfants.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? C'est son diabète ?

- Ouais, il a fait un arrêt cardiaque pendant sa dernière dialyse, dit-il entre deux reniflements.

La porte de la salle de bain s'ouvrit sur Sami.

- Hey les gars, qu'est-ce que vous...

Le sourire de notre ami s'évapora brutalement en voyant nos joues mouillées. Naïm n'arrivant pas à cracher le morceau, je laissai mon ami dans la salle de bain quelques secondes en prenant Sami par le bras.

- Son père vient de mourir, expliquai-je.

- Putain... se contenta-t-il de répondre en fixant immédiatement ses pieds.

- Est-ce que tu peux prévenir les autres s'il te plaît ? lui demandai-je. Je vais rester avec lui pour l'instant.

Sami acquiesça tristement, puis je rejoignis Naïm qui n'avait pas bougé. Il était assis sur le rebord de la baignoire, le regard vide. Je me posai à ses côtés et laissai choir ma tête sur son épaule.

- Ca va aller, on est là pour toi, lui dis-je doucement. Demain on rentre, et tu vas rejoindre ta famille. Tu as besoin d'eux, et ils ont besoin de toi.

- Ouais, répondit-il. Je vais aller me coucher, je veux pas gâcher votre dernière soirée ici.

- Tu ne gâches rien du tout.

- J'ai envie d'être un peu seul, dit-il tristement.

Je le laissai regagner sa chambre, puis partis rejoindre les autres dans le salon. Sami les avait visiblement prévenus, puisqu'ils affichaient tous des têtes de dix pieds de long. Je m'assis à côté de Ken qui passa son bras sur mes épaules.

- Comment c'est arrivé ? demanda 2zer.

- Son père était déjà malade, il a fait un arrêt cardiaque, répondis-je.

- C'est tellement brutal ces trucs là... dit doucement Framal.

- Heureusement on rentre demain, me dit Houss.

- Ouais, il va falloir qu'on soit vraiment là pour lui, répondis-je.

Sami fixait le sol avec une insistance que je compris immédiatement. Lorsque ses yeux se relevèrent vers les miens, il comprit que j'avais remarqué son trouble, mais ce n'était, ni le lieu, ni le moment d'en discuter. Il me fit signe que tout allait bien, puis partit dans sa chambre qu'il partageait avec Naïm et Houss.

Je l'imitai et partis me coucher sans plus attendre.

Le lendemain, les garçons nous déposèrent à l'aéroport. Ken m'embrassa pudiquement, puis nous nous envolâmes de nouveau pour la France.

A l'ombre de ta lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant