Colin est perplexe.
Il est passé à l'école le dernier le vendredi des vacances, histoire de mettre un peu d'ordre dans son bureau avant la rentrée. Il avait vite quitté l'endroit après la fuite d'Ana, et n'était pas revenu, désireux, pour une fois, de faire une vraie coupure entre son travail et le reste de sa vie.
En arrivant ce jour-là, il y avait un message sur le répondeur du poste fixe, daté du soir des vacances vers dix-huit heures.
— Bonjour, Madame Genreaux, école Albert Camus de Vitry-le–François. Je vous appelle au sujet de la petite Beverly Leroux... La maman me dit qu'elle sera scolarisée chez vous à compter de janvier, mais je... j'ai un peu de mal à accorder de crédit à ses paroles. Pourriez-vous me rappeler, s'il vous plaît, afin de me confirmer l'inscription de la petite. Je vous enverrai également son dossier scolaire, et nous pourrons nous entretenir au sujet de l'enfant qui est... une élève à besoins particuliers. J'attends votre coup de fil à la rentrée, et si vous avez mon message avant, sur mon portable, au 06 79 88 45 02. Je vous remercie.
Colin a écouté le message trois fois, mais pas moyen de se tromper. Même entre deux euphémismes, il a bien saisi l'avertissement. C'est une gamine avec de gros problèmes, et la mère est une menteuse. Ça commence bien.
Il a directement cherché à joindre la directrice de l'école Camus, laquelle lui a confirmé ce qu'il avait déjà compris. Un portrait absolument déprimant. Enfant caractérielle, crises à répétition, grande violence verbale et physique, pas de papa, maman dépassée. Un bonheur.
— Je vous transmets le dossier par la poste, j'ai peur que la maman ne vole des pièces, a soupiré la directrice au téléphone, avant de s'avouer soulagée de quitter un cas pareil.
Tu m'étonnes, a pensé Colin.
— Il y avait un début de suivi au CMP*, a poursuivi Régine Genreaux, mais les centres ne communiquent pas entre eux, tout sera à refaire. J'en suis à me demander si ce n'est pas le but de la maman, de déménager brusquement comme ça. C'est pour cette raison que j'ai préféré vous parler directement.
— Je comprends, a assuré Colin. Merci de m'avoir prévenu.
— Je vous en prie. Bonne continuation, et surtout, bon courage à vous et à l'enseignant qui va récupérer cette gosse. Franchement, c'est invivable.
Colin a raccroché, passablement découragé. L'enfant doit aller chez Anne-Marie, qui passe déjà ses journées à faire la gueule. C'est pas prêt de s'arranger.
En ce lundi matin de rentrée, il se demande s'il doit mettre en garde sa collègue, au risque de l'inquiéter inutilement, ou la laisser découvrir elle-même sa nouvelle élève.
Il a rendez-vous à huit heures avec la maman pour l'inscription. La femme arrive en retard, traînant la petite derrière elle. Alors qu'elle s'installe face à Colin pour régler les formalités administratives, Beverly reste près de la porte fermée, bras croisés, sourcils froncés et menton rentré, dans une position tendue, crispée. C'est une petite puce de vingt kilos, tout au plus, brune avec les cheveux au carré. Elle ne semble pas du tout heureuse d'être là.
— Je sais que ce n'est pas tout à fait l'heure, mais je peux vous la laisser ? demande la mère, en regardant son portable, une fois l'inscription terminée. Je vais être en retard au travail.
Colin acquiesce, tout en pensant que prendre cinq minutes de plus pour accompagner sa fille lors de son premier jour dans sa nouvelle école, ce n'est pas la mer à boire, mais ça semble être le cadet de ses soucis.
— Bien sûr. Beverly, tu peux aller attendre près de la porte blanche. Les maîtres et maîtresses vont ouvrir la cour dans quelques minutes.
— Bonne journée, chérie. Et n'oublie pas que tu vas à la cantine. A ce soir.
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Colin Maillard et chat perché
Romance"C'est une folie de haïr toutes les roses parce qu'une épine vous a piqué, d'abandonner tous les rêves parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce qu'on a échoué. C'est une folie de condamner toutes les...