Chapitre 63

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C'est posé sur son bureau quand il en ouvre la porte, tôt ce lundi matin.

Une plante en pot, un ficus d'après l'étiquette, et une petite boîte. Dans la boîte, Colin a trouvé du café en grains, mélange italien arabica et robusta, son préféré, d'un grand torréfacteur en ligne, une boîte de chocolats, et quelques bricoles rigolotes. Une éponge en forme de hérisson, un petit plateau, juste pour une tasse, un casse-tête en bois, un cadre photo. Il sort chaque objet de la boîte, sourit, avant de les ranger. Une carte accompagne le tout.

Pas de champagne si j'ai bien compris,

Mais des chocolats pour fêter cette grande étape.

Je te souhaite d'être très heureux dans ton nouveau chez toi.

Ana

PS : Je sais que l'éponge est horrible, mais je n'ai pas pu résister.

Si tu t'en débarrasses, je comprendrais.

***

La journée avait bien commencé, Colin perd son sourire quand, peu avant huit heures, l'inspectrice l'appelle sur son portable, pour savoir s'il a eu des nouvelles d'Anne-Marie durant le week-end. Désemparé, il doit avouer que non et c'est sur lui que retombent les foudres de Madame Barbaroux, qui n'est visiblement pas de bonne humeur le lundi matin.

— C'est inadmissible Monsieur Le Guellec ! Une telle attitude n'est pas acceptable de la part d'un agent de l'état !

— J'en suis conscient, Madame, mais je suis malheureusement impuissant, je ne parviens pas à joindre Madame Chevalier...

— J'attends votre appel à 8h31. Si elle est là, vous pourrez lui signifier sa suspension de salaire pour les deux jours sans justificatif. Je la convoquerai ultérieurement pour que nous rediscutions de ce qu'implique le statut de fonctionnaire, et particulièrement le fait de travailler avec des enfants. Mais si elle n'est pas présente aujourd'hui, je lui laisse jusqu'à demain midi pour recevoir son arrêt de travail en bonne et due forme. Passé ce délai, je lance la procédure d'abandon de poste.

— Mme Barbaroux, argumente Colin, je comprends votre colère, mais je pense que Madame Chevalier est profondément démunie face à la situa...

— J'entends bien. Mais ce n'est pas une raison. Si Madame Chevalier a besoin de repos, de prendre du recul, un médecin doit lui prescrire un arrêt de travail. On fait les choses dans les règles, point. Rappelez-moi dès le début des cours.

Colin raccroche en soupirant. Il ne peut même pas blâmer l'inspectrice, même s'il l'a défendue, le comportement de sa collègue lui hérisse les poils.

Il l'appelle encore, une fois, puis deux, mais elle a dû le bloquer, ou son téléphone est éteint car il tombe directement sur sa messagerie. Il pourrait appeler depuis l'école, ou sur son poste fixe à elle, mais il n'en a pas envie. C'est inutile, son silence est suffisamment équivoque. Il espère quand même, sans trop y croire, qu'elle sera là ce matin.

Les collègues arrivent au compte-goutte. Chérif, Émilie, puis Ana. Il ne peut que lui adresser un sourire, articuler un « merci » silencieux. Il guette, anxieux, la porte d'entrée. Milla, Laurence et Patricia, Maryam. Les premiers élèves arrivent dans la cour. Jérôme, Stéphanie, Bernard. Pas d'Anne-Marie. La cloche sonne. Toujours pas d'Anne-Marie. Il sort dans la cour, va récupérer les élèves d'Anne-Marie qui se retrouvent sans enseignant pour le troisième jour d'affilé et répartit les enfants dans les autres classes en prenant soin de confier Beverly et son air boudeur à Stéphanie qui ne l'a pas volé.

Puis il se résout à retourner dans son bureau et à rappeler l'inspectrice qui maintient son ultimatum.

— Demain midi, Monsieur Le Guellec, répète-t-elle d'un ton glacial, avant de raccrocher.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant