Quand il est rentré du Burkina Fasso, Colin a vraiment été heureux de revoir son ami Hugo. Deux ans sans lui, il lui avait drôlement manqué. Les soirées à boire de la bière en écoutant du rock des années soixante-dix, les dîners à quatre, avec leur épouse, Sandrine et Isabelle, et les petits qui dormaient sur le canapé. Mais maintenant, tout est différent. Ils ont beau faire semblant de rien, le fait est que son monde a changé.
C'était une drôle d'idée de partir comme ça, du jour au lendemain, de se priver de la présence de ses proches, ses parents, ses amis, sa famille, alors que sa femme et sa fille lui manquaient déjà au-delà de l'imaginable. Mais justement, l'absence de ceux qui restent ne le bouleversait pas plus que cela, à côté de ses deux amours. De toute façon, il ne pouvait plus rester ici. Ces endroit où ils avaient vécu ensemble, où ils avaient été heureux. Et puis, c'était une manière de se punir de ce qu'il avait fait. Hugo et sa mère ont beau lui répéter que ce n'est pas de sa faute, Colin sait que c'est faux, ils ne disent cela que pour ne pas l'accabler.
Hugo ne s'est même pas fâché quand il est arrivé dix minutes après le début du film, et pourtant il déteste ça. Il y a trois ans, il aurait crié au manque de respect, aurait fait la gueule. Mais là, il a juste marmonné : « J'espère que tu as une bonne excuse, mec. », avant de rediriger ses yeux vers le grand écran.
Ils sont maintenant attablés en terrasse, devant une planche de charcuterie et de fromage. C'est une jolie place, pavée, entourée de restaurants et de bars qui ont ressorti tables et chaises avec les beaux jours. Le soleil se couche, mais il fait encore doux. Colin aime bien cette période de l'année, ce début de l'été où on sent renaître l'insouciance, l'envie d'étirer le temps, de prolonger les journées par une promenade, un verre au soleil couchant. Avant d'avoir Salomé, Sandrine et lui aimaient se retrouver en ville à cette période de l'année, où l'on veut profiter de chaque rayon du soleil qui nous donne un peu l'impression d'être en vacances. Il passait la chercher à l'hôpital, et ils s'arrêtaient boire l'apéritif dans un de ces bars. Il prenait une pression, et Sandrine un verre de blanc bien frais. Ensuite, enceinte, elle choisissait un jus de tomates. Malgré l'heure tardive, il y a encore quelques enfants qui jouent dehors pendant que leurs parents finissent de dîner. Quand même, il y a école, demain, se dit Colin. Il n'aurait jamais permis ça, lui. Enfin, il peut bien jouer au père modèle, vu comme ça s'est fini...
— Alors quoi de neuf ? s'enquiert Hugo, en buvant une gorgée de Merlot.
La voix du blond tire Colin de ses pensées. Il cligne des yeux, comme pour revenir dans le présent, et plonge son regard sérieux dans celui de son ami.
— Désolé pour tout à l'heure... s'excuse-t-il.
Fâche-toi, s'il te plaît, fâche-toi.
— Oh, c'est pas grave, tu m'as prévenu, je n'ai rien loupé et puis, il n'était pas terrible ce film de toute façon.
— C'est vrai, mais la semaine dernière, je t'ai posé un lapin, et là je suis arrivé très en retard, le provoque Colin. Quand même, j'exagère.
Mais Hugo hausse seulement les épaules.
— Aucune importance. Mais alors, qu'est-ce qui t'es arrivé ? Raconte-moi.
Colin considère son ami. Il aimerait tellement une réaction normale, ce qu'on ferait en face d'une personne lambda. Il sait qu'Hugo essaye de le protéger, mais il ne fait que le stigmatiser en agissant de la sorte. Et encore, il ne sait pas tout. Colin se dit qu'il n'est pas près d'avouer la vérité à son meilleur ami, pas plus qu'aux autres.
— Tu as des raisons d'être en colère, maintient Colin, ses yeux dans ceux de l'homme en face de lui, mais celui-ci refuse définitivement d'entrer dans son jeu. Il soutient son regard, et conclut simplement :
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Colin Maillard et chat perché
Romance"C'est une folie de haïr toutes les roses parce qu'une épine vous a piqué, d'abandonner tous les rêves parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce qu'on a échoué. C'est une folie de condamner toutes les...