Chapitre 31

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Mardi 17 septembre.

La rentrée a eu lieu il y a deux semaines, et Colin est satisfait. Durant ces quinze jours, il a travaillé dur pour instaurer une relation de confiance avec ses collègues, à leur faire comprendre qu'il n'était pas le petit jeune aux dents longues que quelques-uns redoutaient. Evidemment, ça a été plus simple avec certains, Patricia et Bernard restaient méfiants et assez distants, mais ils semblent s'apaiser. Quant à Anne Marie, Sandra et Stéphanie, elles ne paraissent pas mettre leur travail au centre de leurs préoccupations et même si elles ne rechignent pas, Colin sait qu'il sera difficile de leur demander de s'investir pleinement. Pourtant, il est loin de renoncer, et la réunion de ce midi sera l'occasion de leur soumettre une nouvelle idée.

Le seul vrai regret de Colin est de ne pas être plus présent en maternelle. Il connaît moins bien les petites classes, et la distance géographique, l'école étant dans un autre bâtiment, l'empêche de s'y investir autant qu'en élémentaire. Cela ne semble pas gêner les enseignants, en poste ensemble depuis plusieurs années, et qui, de par la spécificité des programmes davantage tournés vers la pédagogie de projet, ont plus l'habitude de travailler en équipe. L'an prochain, a dit Ana, la voix de la raison. Chaque chose en son temps. Colin ne sait pas ce qu'il ferait sans Ana.

Il lui a demandé de lui accorder une petite heure après la classe, une fois par semaine, pour ce qu'il appelle « leur séance de coordination », un temps pour faire le point ensemble. Ana a accepté volontiers, plus d'enfants à récupérer chez la nounou, elle n'est pas pressée de rentrer. Ils ont convenu du vendredi. La semaine dernière, il lui a exposé ce qu'il allait présenter lors de cette réunion, et l'instit, fidèle à son rôle de modératrice, a temporisé certaines annonces, distribué des conseils, mais s'est surtout enthousiasmée, et en la voyant lire les papiers où il a tout listé, en s'exclamant « C'est génial ! « « Super idée ! », ou encore « Waouh, j'adhère à cent pour cent ! », Colin s'est dit, une fois de plus, qu'il avait drôlement bien choisi son alliée.

Ce midi, jour de la seconde réunion, il est confiant. Le stress de la pré-rentrée, est bien loin. Il a appris à connaître l'équipe, chaque personnalité, il sait ce qu'on va lui répondre, et ses arguments sont prêts.

— Bon, on commence soft : alerte incendie. La première aura lieu au cours de la semaine prochaine, je ne vous dis pas quand évidemment. Point de ralliement au fond de la cour contre le but de foot, n'oubliez pas de fermer les fenêtres, et de prendre vos livrets d'appel. On sort en rang, sans panique et sans veste, le plus vite possible. On fera ensuite une alerte attentat « on se cache » en octobre, et une autre « confinement risque majeur » après les vacances de la Toussaint. C'est bon pour tout le monde ? Ok. On passe maintenant aux évaluations nationales CP et CE1, que vous avez commencées hier. Je vous propose de faire passer moi-même tous les tests de lectures individuels. Nous déciderons d'un emploi du temps en fin de réunion, pour libérer les collègues de cycle 3. Je vous rappelle que vous devez avoir terminé au plus tard vendredi prochain, le vingt-sept. Vous rentrerez ensuite les résultats sur le serveur dont je vous ai donné l'adresse, avant le sept octobre. L'inspectrice propose de déduire cinq heures des APC*, mais chronométrez-vous, si c'est plus long, vous soustrairez le delta à nos réunions, il n'y a pas de raison. La dernière semaine avant les vacances d'octobre, je vous imprimerai les résultats, avec des tableaux regroupant les élèves à besoins, et les élèves fragiles. Et la mauvaise nouvelle : Mme Barbaroux, notre chère inspectrice, nous demande de rencontrer tous les parents...

— Tous ? répète Milla, éberluée. Même ceux des bons élèves ?

— Oui, malheureusement, tous, Milla. Enfin, tous ceux qui souhaitent un entretien. Après vous vous organisez comme vous voulez, le matin, le midi, le soir, étalé sur deux mois, c'est vous qui voyez. Je ne viendrai pas surveiller, je ne suis pas flic.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant