Septembre - Chapitre 26

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Lundi 2 septembre : la rentrée

La musique s'enclenche à six heures trente. Ana était déjà réveillée depuis quelques minutes, malgré son endormissement tardif, comme à chaque veille de rentrée. Elle se lève, sort le beurre du réfrigérateur et allume la machine à café puis se dirige vers la salle de bains à pas de loup pour ne pas réveiller Natacha, sa rentrée n'aura lieu que l'après-midi, la matinée étant consacrée à l'accueil des sixièmes.

Le temps est clément. Il y a quelques nuages, la météo annonce vingt-sept degrés pour cette après-midi. Après sa douche, Ana s'autorise la jolie robe blanche qu'elle a acheté avec Léo cet été en Italie. Un maquillage léger, et un coup de brosse sur ses longs cheveux noirs, quelques bracelets, des boucles d'oreilles. Dans le miroir, Ana se sourit. Elle ne peut pas faire mieux.

Comme chaque jour, elle avale un grand bol de café au lait, depuis sa première grossesse, elle ne peut avaler que ça le matin. C'est très étrange d'ailleurs, parce qu'avant Nat, elle détestait ça, le café au lait, et d'ailleurs le reste de la journée, elle le boit noir. Mais pas le matin. Deux tartines de pain aux céréales, un yaourt nature. Ana met sa tasse et ses couverts au lave-vaisselle sans bruit, lave la table, laisse un petit mot pour sa fille à la place des miettes, posé à côté de la tasse où elle boira son chocolat chaud. Dans son sac isotherme, elle pose la boîte qui contient son repas de midi, reste de salade de riz, une pêche, une crème au chocolat, parce que quand même, faut bien se faire plaisir un jour pareil.

Elle retourne dans la salle de bains, se brosse les dents, met du rouge à lèvres.

Elle enfile une veste, des sandales à talons, puis attrape ses trois sacs : cartable, panier repas, sac à main. Xavier se moquait toujours gentiment quand il la voyait partir ainsi chargée : t'as oublié ta mule ? La première fois c'était marrant. Au bout de quatre ans, plus du tout.

Très délicatement, elle ferme la porte de son appartement. Il est sept heures dix-huit.

C'est parti...

***

C'est la première rentrée de Basile.

Émilie s'est longtemps demandé où elle devait le scolariser. C'est la pédiatre qui lui avait fait un trou dans la tête avec ça, alors qu'elle ne s'était pas posée la question. Il ne faut pas tout mélanger, laissez-le vivre sa vie, ce n'est jamais bon pour un enfant d'être dans l'école de sa mère, il finira par vous en vouloir, et blablabla. Forcément, ça l'avait ébranlée. Changer d'école, c'était pas très pratique. Elle habitait à deux pas de celle-ci, ils pouvaient même y aller à pied, il serait en classe avec les copains de la rue, elle connaissait les autres mamans, ce serait plus simple pour trouver une nounou. Alors qu'une autre école, il faudrait faire un détour, même prendre la voiture exprès pour l'emmener, se lever tous plus tôt le matin, rentrer plus tard... Elle en avait longuement parlé avec Pierre, son mari, les collègues, ses parents, des copines. Elle voulait prendre la meilleure décision pour l'équilibre de son fils.

C'est Jérôme, instit et papa décomplexé, qui lui avait apporté l'argument ultime, celui qu'elle attendait :

— Mais mets-le donc ici, qu'est-ce que tu te fais chier ! Et puis, comme ça, tu pourras l'accompagner pour sa première rentrée.

Pierre était d'accord avec cette solution –depuis le début, mais imposer ses idées, prendre des initiatives, c'était pas son truc- Basile avait donc été inscrit à l'école maternelle Jacques Prévert.

Et ce matin, c'est sa première rentrée.

Ses vêtements sont repassés, pliés, posés sur le meuble de la salle de bains, à côté de la tenue de rentrée d'Émilie. Elle se lève à l'aube, la table est déjà mise, sucre dans la tasse, thé anglais dosé dans la théière. Elle déjeune avec Pierre, ils se préparent, puis les jeunes parents vont réveiller leur fils. L'enfant se régale avec le quatre-quarts que sa maman a préparé la veille, un bol de lait, débarbouillage et il enfile le bermuda et la chemise neuve. Son petit cartable attend dans l'entrée, à côté des sandales de cuir toutes propres et du gilet à capuche. Émilie est prête aussi, pantalon fluide, top en soie et chignon, tout comme Pierre, dans son costume de commercial dans une concession automobile. Elle a déposé hier en fin d'après-midi toutes ses affaires à l'école pour ne pas être chargée ce matin, elle saisit son sac à main et en tire un mouchoir en papier avec lequel elle essuie délicatement la larme qui perle au bord des cils. Son bébé est un grand garçon.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant