Novembre - Chapitre 41

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C'est toujours assez étrange, la manière dont le temps défile durant les vacances. Les journées s'égrainent lentement, et en même temps, ça passe si vite.

Ana a bien profité de la première semaine pour travailler. Elle s'est plongée dans la lecture des ouvrages pédagogiques prêtés par Colin, au début, c'était surtout pour lui faire plaisir, il faut bien l'avouer, mais au fur et à mesure, par envie réelle. Elle en a acheté d'autres autour des mêmes thèmes, s'est documentée, est passée de blogs en sites spécialisés, retenant à grand peine son envie de partager ses récentes découvertes avec son directeur. Il travaille bien assez, c'est les vacances pour lui aussi, laisse-le tranquille.

Nat est rentrée de bonne humeur, toute dorée grâce au soleil italien, après une semaine passée en Sardaigne avec son père et Clara. Maligne, l'ado a répondu sobrement aux questions de sa mère, sans s'épancher sur le luxe du club, ou ses relations avec la jeune femme. Ana sait pourtant qu'elles s'entendent très bien, que c'est trop cool qu'elle n'ait que vingt-cinq ans, limite, c'est une grande sœur, elle m'a maquillée, j'étais trop belle, parce quand Natacha l'a dit à sa copine Dalila, la porte de sa chambre n'était pas complètement fermée. Ça pique un peu au cœur, mais finalement, Ana se dit qu'il vaut mieux ça que la caricature d'une marâtre qui en aurait après sa fille.

La deuxième semaine de vacances a été bien remplie aussi. Amalia et Jean-Paul ont fait une surprise à leur fille et ont débarqué le mercredi en début d'après-midi, jour de son anniversaire, pour passer le reste de la semaine avec elles. Ils font ça une ou deux fois par an, pour voir Ana et Natacha bien sûr, et visiter les amis qu'ils ont conservés dans la région.

Dans son lit, le soir du 30 octobre, après le dîner dans le grand restaurant offert par ses parents, Ana a passé un long moment à rédiger un message à l'intention de Colin, comme si elle venait d'ouvrir son cadeau. Des dizaines de messages, en fait, qui sonnaient faux, parce qu'elle mentait, parce qu'elle craignait de trop se dévoiler, parce qu'à force d'avoir peur d'en dire trop, ils étaient froids et distants, sans âme. Finalement, elle n'a tapé que cinq lettres. Un mot simple, mais qui, seul, pouvait prendre le sens qu'on voulait lui donner.

Merci.

Ses parents sont repartis le dimanche matin, et comme toujours, Ana était à la fois triste, et soulagée, illustration parfaite de l'ambivalence perpétuelle qui la caractérise. Comme la fin des vacances : nostalgique des moments de liberté, et à la fois impatiente de tester ses connaissances nouvelles et, surtout, de retrouver son directeur. Elle lui en veut pourtant un peu. Colin n'a pas répondu à son sms. Certes, ça n'appelait pas particulièrement de réponse, mais quand même, c'est vexant. Elle l'imagine regarder vaguement son portable, entouré de sa femme et de sa fille.

— C'est qui, chéri ?

— Oh, juste une collègue à qui j'ai offert un bouquin pour son anniversaire qui me remercie.

Puis, il verrouille son téléphone, l'empoche, et ne se préoccupe plus d'elle du reste des vacances, trop occupé à profiter de sa famille. C'est normal bien sûr, mais en même temps ça la vexe. Quand ils sont ensemble à l'école, elle a l'impression d'être au centre de son attention, mais une fois en vacances, elle n'existe plus pour lui. Julie a raison, et ça, ça la contrarie encore plus.

Le matin de la rentrée est morne à souhait. Ana a mal dormi, elle arrive à l'école fatiguée, de mauvaise humeur. Elle a dû mettre un haut rouge pour le color-day, elle qui déteste porter cette couleur trop voyante, elle n'assume pas. Et pour conclure, elle est de surveillance sous la tempête aujourd'hui. La totale.

Les autres instits font plus ou moins la tête aussi. Maryam est rentrée la veille au soir, c'est limite si elle ne porte pas encore ses sandales, Patricia dit à peine bonjour et monte s'enfermer dans sa classe. Emilie arrive avec un gros rhume et les cernes assortis, les autres se plaignent que ça passe trop vite, qu'ils n'ont pas envie d'être là, et puis sérieux, c'est quoi ce temps pourri ? Seul Chérif est souriant, comme toujours d'humeur égale, et Milla, sur un petit nuage après son séjour idyllique. Colin était là avant tout le monde, déposant sur la table de la salle des maîtres la tarte aux pommes préparée par sa mère. Il semble reposé, en pleine forme, et accueille toute l'équipe avec son enthousiasme habituel.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant