« Se jeter dans la gueule du loup ». C'est exactement l'expression qui tourne en boucle dans la tête d'Ana.
Arrivée chez elle, elle a failli envoyer un message à Colin pour annuler, puis se l'est représenté tout seul chez lui, le soir de son anniversaire, déprimé, sans même un bon repas pour fêter ses trente-huit ans. Alors certes, ce n'est pas une bonne idée, mais elle n'est plus à ça près.
Devant le réfrigérateur, elle hésite un long moment, et opte finalement pour des cannelloni aux épinards et au chèvre. Pour deux, ça ira vite à préparer. Elle lave vite les épinards frais, tout en pensant que Colin va encore se moquer d'elle et de ses légumes bizarres. Pourvu qu'il aime ça... si ça se trouve, il a la phobie depuis la cantine de son enfance. Tant pis, pas le temps de préparer autre chose, et franchement, si c'est le cas, ça pourra peut-être le réconcilier, ou alors ils commanderont une pizza. Elle les cuit ensuite deux minutes à la vapeur, pas plus, et les mélange avec un peu de pancetta et du chèvre frais, avant d'en farcir les pâtes cylindriques. Un filet de crème légère, parmesan, et au four.
Ana profite de la cuisson pour se changer. Exit la mini-jupe, elle enfile un jean et un petit haut en dentelle écrue.
Elle se remaquille vite fait, un nuage de parfum, mais bon, c'est pas pour lui, c'est juste pour... se sentir bien.
Elle aurait peut-être dû faire un gâteau ? Peu importe, pas le temps et franchement, elle imagine mal Colin souffler ses bougies, alors tant pis.
Il est presque vingt heures quand elle reprend sa voiture, le plat de cannelloni sagement posé à côté d'elle.
Colin habite place du Pontiffroy, un des quartiers au Nord du centre-ville, presque à l'opposé de chez elle. La résidence comporte plusieurs immeubles, et Ana se gare sur la première place qu'elle trouve avant de prospecter à pied jusqu'à dénicher l'adresse exacte.
Au numéro trois, elle trouve le nom sur la sonnette. Elle passe l'index dessus, sur l'écriture ronde de Colin, hésite quelques secondes, et appuie.
Dans l'interphone, il semble presque surpris qu'elle soit venue. Mais c'est bien elle.
— C'est au quatrième, indique-t-il, alors elle prend l'ascenseur, elle a des talons et le plat de pâtes dans les mains.
En ouvrant la porte, il est un peu gêné.
— Ce n'est pas un palace, prévient-il, et je ne suis pas le roi de l'organisation, ni du ménage.
Il s'écarte, et Ana découvre un lieu bien plus chaleureux que ce qu'elle avait imaginé.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Il est très bien ton appartement. Tiens, dit-elle en lui tendant le plat tiède, enveloppé de papier aluminium.
— J'ai cru que tu n'allais pas venir, murmure Colin en la regardant. Elle soutient son regard, mais ne répond pas, alors il baisse les yeux vers le plat qu'il tient à présent dans ses mains. Qu'est-ce que c'est ? Ça sent super bon !
— Des cannelloni chèvre-épinards, j'espère que tu aimes...
— Tu plaisantes ? C'est génial, Ana. Tu as eu le temps de préparer ça en une heure à peine ?
— C'est rien du tout, mais il faudrait le remettre au four pour que ça finisse de cuire.
Colin file vers le coin cuisine pour obéir à Ana, et elle dépose sa veste et son sac dans l'entrée et en profite pour faire quelques pas dans le petit appartement.
— Tu veux boire quelque chose ? propose Colin. Je n'ai pas d'alcool, forcément, mais j'ai des jus de fruits, du soda et je suis passé à la supérette en bas en rentrant, j'ai pris de quoi nous faire des virgin mojitos. Ça ne te fait pas rêver, je sais, mais c'est peut-être mieux qu'un jus de pommes.
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Colin Maillard et chat perché
Romance"C'est une folie de haïr toutes les roses parce qu'une épine vous a piqué, d'abandonner tous les rêves parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce qu'on a échoué. C'est une folie de condamner toutes les...