Camille attend Colin dans sa voiture, en double file, en bas de son immeuble. Elle a ses lunettes de soleil sur le nez, mais Colin est sûr que ça n'a rien à voir avec la luminosité. Il monte à côté d'elle, et serre sa cuisse. Elle étouffe un sanglot quand elle découvre son crâne nu, alors Colin pose sa main sur la sienne, qui n'a pas quitté le levier de vitesse, la presse, et la jeune femme redémarre sans un mot.
Il est directement admis dans le service de chirurgie neurologique. Une chambre simple, neutre, qui ne lui rappelle pas de bons souvenirs. La dernière fois qu'il a dormi à l'hôpital, il venait de perdre sa famille. Une infirmière vient lui rappeler le déroulement de la journée du lendemain, lui expliquer le protocole, et l'engueule en passant, il est beaucoup trop maigre, pas de réserve, pas de force, c'est fini les bêtises monsieur, maintenant, il va falloir vous reprendre. Et puis il ne fallait pas vous raser la tête, trop de risque de coupure, rholala les gens font n'importe quoi, on n'est pas à la télé, en plus ce n'était pas forcément nécessaire, regardez-vous, vous avez l'air d'un oiseau tombé du nid. Colin avale le sermon sans mot dire, avec la tête du gamin qui enchaîne les sottises. L'infirmière n'est pas vraiment fâchée, juste un peu bourrue et Camille hoche la tête en rythme avec la salve de reproches, bien d'accord avec la soignante. Il soupçonne l'infirmière d'être au courant pour les trois ans de politique de l'autruche, mais heureusement, elle ne rien dit devant Camille, le secret médical a du bon.
Il reçoit les consignes habituelles, pas de nourriture ou de cigarette après minuit, pas d'eau après cinq heures du matin, pas de lentilles, prothèses dentaires ou bijoux, douche à la Bétadine le matin, enfilez la blouse, on viendra vous chercher vers sept heures. Reposez-vous, monsieur Le Guellec, les prochains jours vont être éprouvants, il faut essayer de bien dormir.
Camille reste un peu, puis, quand le plateau repas arrive, à dix-huit heures trente, elle l'embrasse et l'étreint un long moment avant de partir en reniflant.
Colin se retrouve seul. Sur le plateau, une soupe de brocoli, du gratin de coquillettes au jambon, une vache qui rit, une pomme verte. Il n'aime pas tellement les granny smith. Ce n'est pas un repas qui lui donne l'eau à la bouche et s'il ne s'était pas fait gronder une heure plus tôt, il n'aurait peut-être même pas touché à son dîner. Assis devant la petite table de la chambre, il goûte à la soupe insipide, gobe le fromage, grignote quelques pâtes. Il s'installe ensuite dans le fauteuil et lit un peu. Une aide-soignante passe lui apporter le matériel nécessaire pour le lendemain : blouse, Bétadine.
Colin essaie de se coucher tôt, de toute façon il n'a rien à faire, mais le sommeil peine à venir. Il est tenté d'envoyer quelques messages à Ana, discuter avec elle l'apaiserait, il le sait, mais il espère que de son côté, elle se change les idées et il s'en voudrait de ne pas respecter cela.
Mais c'est Ana. C'est elle qui engage la conversation, pour prendre de ses nouvelles déjà, pour qu'il ne se sente pas seul dans sa chambre d'hôpital. Pour être présente, malgré tout. Ils échangent des sms jusque très tard dans la soirée. C'est la première fois qu'ils font cela, Colin a l'impression d'être un adolescent, et ça le fait sourire.
Dans le couloir, il entend le bruit des pas du personnel hospitalier, des éclats de voix, puis de moins en moins. L'hôpital s'endort, et lui aussi, bien plus tard, téléphone à la main et sourire aux lèvres.
Camille revient le lendemain matin, à l'aube, pour accompagner son frère au bloc. Elle est pâle, tendue, comme lui. Il lui avait répété que c'était inutile, qu'elle serait mieux chez elle, mais elle s'est entêtée. Elle veut être sur place, être avec lui, quoiqu'il arrive, comme si sa présence pouvait conjurer le mauvais sort. Elle l'embrasse sur la joue, serre sa main, et écrase une larme quand son lit disparaît derrière les portes battantes.
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Colin Maillard et chat perché
Romance"C'est une folie de haïr toutes les roses parce qu'une épine vous a piqué, d'abandonner tous les rêves parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce qu'on a échoué. C'est une folie de condamner toutes les...