Chapitre 89

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Ana n'est pas croyante, pourtant, en rentrant chez elle, ce soir-là, elle a remercié Dieu, le ciel, ou n'importe quelle entité supérieure que Nat soit là et qu'elle n'ait plus aucune bouteille d'alcool dans son appartement. Les séances avec son psychologue du centre Edison ne commenceront que le lundi suivant, et Ana se rend bien compte à quel point c'est nécessaire. Il y a quelques temps, ça aurait été un soir où elle aurait fini complètement ivre, pour oublier sa peine, tromper son chagrin. Mais ça, c'était avant, et maintenant, elle va devoir gérer ça sans béquille ni vodka.

— Tu rentres super tard ! s'étonne Nat en rejoignant sa mère qui se laisse tomber dans le canapé.

— J'ai été retenue à l'école, grogne Ana, tête renversée en arrière, yeux fermés. Il est quelle heure ?

— Presque dix-neuf heures...

Ana pousse un soupir à fendre l'âme.

— Pffff, et on a rien à manger... t'as faim ?

— Je meurs de faim... c'était dégueu la cantine à midi, une espèce de rôti tout gras et des flageolets, une poire dure comme la table en dessert. J'ai mangé que mon pain et un yaourt nature.

— Pizza ?

— Oh yes !

— Tu appelles pour commander ? J'ai des trucs à régler en vitesse. Une reine pour moi. Non, une quatre saisons. Ou celle avec de la roquette, là... Tu prends quoi, toi ?

— Quatre fromages, comme d'hab.

— Ah oui. Bon, prends-moi ce que tu veux, choisis pour moi.

Nat lève les yeux au ciel et secoue la tête en se dirigeant vers la cuisine où se trouve le menu de la « pizzeria à l'ancienne », et Ana sort son téléphone.

De Ana : Je suis vraiment confuse pour ce que tu as vu tout à l'heure. Je sais que les apparences sont contre nous, mais je t'assure que ce n'est pas si simple. Laisse-moi t'expliquer.

La réponse met plus de temps à arriver que la pizza, et Ana se demande si Emilie n'a pas vu son message, met du temps à rédiger une réponse, ou a juste envie de la torturer. Le sms arrive alors qu'elle est à table et Ana oublie les règles qu'elle impose à sa fille, se saisit de son mobile.

De Émilie : Peu importe Ana. Je ne vais pas te dire que je cautionne, mais vous êtes adultes et cela ne me concerne pas. Je n'en parlerai à personne, rassurez-vous. Bonne soirée.

Nat l'observe, comprenant instinctivement qu'il est inutile de faire une réflexion à sa mère concernant l'usage du téléphone durant les repas.

— Ça va Mams, ? T'as l'air contrariée. Elle est pas bonne, ta pizza ? J'ai mal choisi ?

— Si, si, elle est bonne, élude Ana en reposant son portable.

— Et donc, la tête que tu fais... ?

— Je me suis un peu accrochée avec une collègue, et elle m'en veut...

— Chiotte. Grave ?

— J'en sais rien.

De Ana : Est-ce que je peux t'appeler pour en parler ?

Cette fois, la réponse arrive sans tarder.

De Émilie : Inutile, Ana. A jeudi.

Natacha pose sa part de pizza à peine mordue dans son carton, et observe attentivement sa mère.

— Qu'est-ce qui s'est passé au juste ?

— C'est compliqué... ma collègue, Émilie, elle a cru que je faisais un truc pas cool, et c'est vrai que je le faisais, mais déjà c'était pas de ma faute, hein, et puis, en fait c'était pas si grave, mais elle ne le sait pas, et elle refuse que je le lui explique.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant