Chapitre 77

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Loi de Murphy.

Déjà, ça a mal commencé. Animation pédagogique, la résolution de problèmes au CE2. En plus d'être loin de la passionner, la conférence la prive de son programme traditionnel du mercredi matin.

Une zone de travaux, des bouchons, Sandra arrive à l'école La Fontaine, lieu de la réunion, avec près de dix minutes de retard. A cette heure-ci, plus de places sur le parking, forcément, elle doit faire trois fois le tour du pâté de maisons pour trouver un endroit où stationner. Un créneau serré, et elle court jusqu'au hall où est affichée la liste des différents groupes. C'est là qu'elle constate avec humeur que la masse d'instits a été scindée en deux, comme par hasard juste au-dessus du nom de Samuel, ils ne seront pas ensemble, et bien évidemment, la seule personne qu'elle connaît dans son groupe est une vieille chouette dénommée Chantal qui passe son temps à poser des questions en fin d'exposé, empêchant tout le monde de partir.

Sandra note mentalement le numéro de la salle, monte les escaliers quatre à quatre, se trompe de couloir et quand elle arrive enfin à destination, le conseiller pédagogique qui anime la réunion a déjà commencé. Tous les regards se tournent vers elle, et elle les évite en cherchant une place au fond. Peine perdue il ne reste de libre que le premier rang.

Après trois heures assommantes, à apprendre la différence entre manipulation, représentation et modélisation, concepts qui lui passent complètement par-dessus la tête, avec en bonus les questions de cette chère Chantal, Sandra peut enfin quitter l'école à toute vitesse. Empressement inutile puisqu'en arrivant à sa voiture, elle découvre son pneu avant droit complètement dégonflé, probablement abîmé par le frottement contre le trottoir dans son créneau bâclé. Un court instant, le découragement la submerge, mais elle se morigène elle-même.

Pas de panique, tu as une bombe anti-crevaison. Tu es une femme forte, tu sais te débrouiller seule.

Il est près de treize heures et malgré la faim qui la tenaille, elle décide de passer tout de suite à l'hôpital Claude Bernard, pour consulter son dossier, comme chaque semaine. La journée a mal commencé, certes, mais elle a un bon pressentiment. Cette semaine, il y aura quelque chose.

Dans la voiture, elle se remaquille, passe un coup de brosse dans ses cheveux longs. Lisse sa jupe et son chemisier. Canon.

Mais la loi de l'emmerdement maximum domine aujourd'hui, et le dossier du service de maternité est le même que d'habitude. Sa lettre, sa photo.

Sandra a comme un goût de fer dans la bouche. La déception la frappe encore plus durement que d'habitude, peut-être parce que la journée a si mal commencé, peut-être parce qu'aujourd'hui, elle y croyait vraiment.

Les yeux frôlant le sol, elle quitte le service, en murmurant à peine un « au revoir » aux sages-femmes à qui elle redépose le dossier.

La pluie recommence à tomber quand elle sort de l'hôpital, en gouttes fines et serrées, qui ne laissent aucune chance à son brushing. Heureusement qu'elle sait courir en talons.

Quand elle rejoint sa voiture, la lacération du pneu avant droit la nargue. Il est complètement à plat. Impossible de conduire ainsi. Elle déglutit lentement devant le spectacle. S'installe derrière le volant, et éclate en sanglots.

Elle pleure, dix, ou quinze minutes peut-être. Elle a faim, elle a froid, et elle a le choix entre changer son pneu seule, appeler une dépanneuse qui va lui couter un rein, ou abandonner sa voiture ici et rentrer en bus.

Allez Sandra, tu es une pro de la débrouille, tu vas le changer ce pneu. Dans une heure t'es chez toi, tu prends un bain et tu te mets en pyjama pour le reste de la journée.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant