C'est un nouveau rituel. Chaque mardi soir, Colin attend Ana en bas de chez elle après dîner, il l'accompagne rue du Grand Cerf, la cellule locale des alcooliques anonymes, l'attend dans un café, il est toujours là quand elle sort. Pas pour la fliquer, mais pour la soutenir.Il y a deux semaines, après la réunion, Colin avait dans la main la lettre qu'il venait de rédiger. Ana l'avait vue immédiatement, mais n'avait rien dit le long du trajet. Ils avaient discuté, de la soirée, de comment Ana vivait la situation, puis de choses et d'autres. Il lui avait tendu le papier en arrivant en bas de son immeuble, elle l'avait saisi sans un mot, avant de se précipiter dans sa chambre, le cœur battant, pour en découvrir davantage sur cet homme mystérieux. Elle n'avait finalement pas appris grand-chose, si ce n'est que Colin est un homme qui ne se livre pas facilement, qui a du mal à parler de lui, mais elle avait relu mille fois la dernière phrase, avant de poser la lettre, de la cacher entre deux livres de chevet.
Ils n'étaient plus revenus sur le sujet, le reste, ce serait à eux de le découvrir mutuellement plus tard. Ou pas.
Le docteur Davadant, le médecin de Colin lui avait prescrit une IRM et adressé à un de ses collègues neurologue. Le scanner datait de plus de trois ans et n'était pas assez précis pour que l'on puisse établir de quel type de tumeur Colin souffrait. Une IRM, bien plus fiable, devrait leur donner davantage de réponses. Les deux rendez-vous sont pris, il ne reste plus qu'à attendre.
Colin a hâte. Hâte de savoir maintenant, alors que chaque sourire, chaque geste, chaque regard le rapproche encore d'Ana.
Ce soir, c'est la quatrième réunion d'Ana. Colin sait qu'elle n'aime pas ça, il voit dans son regard, il entend dans sa voix l'appréhension avant chaque réunion. Mais elle serre les dents, et y va sans flancher. Pour Nat, pour elle, pour lui.
Elle tient bien le coup. Elle est fière d'elle, et ça lui fait plaisir, à lui, de voir cette étoile dans ses yeux, surtout que ça n'a pas dû être facile tous les jours, même si elle peut compter sur le soutien quotidien de sa fille, qui veille au grain. Ana n'a encore rien dit à ses meilleurs amis, comme si elle voulait être sûre d'y arriver, avant de leur annoncer quoique ce soit.
Et ce soir, justement, avant de quitter l'école, Ana passe le voir dans son bureau, comme chaque jour.
Le mardi, il n'est pas pressé, souvent il reste travailler tard, passe prendre un sandwich ou un plat à emporter quelque part et va directement attendre Ana, un peu avant vingt-et-une heures. Mais aujourd'hui, elle a quelque chose à lui proposer. Elle entre et comme toujours, pousse la porte derrière elle. Colin tape à l'ordinateur, il a le sourire, ça a été une bonne journée. Elle n'a pas très bien commencé pourtant, avec une énième crise de Beverly, mais Samuel a les nerfs solides et il ne se laisse pas impressionner par l'enfant, même lorsqu'elle lance ses affaires à travers la classe. Il l'a quand même fait sortir quand sa trousse a atteint la petite Amina à la tête, et l'a laissée à Colin, malgré ses hurlements.
Le directeur s'était trompé. Jusqu'ici, aucune amélioration. Au mieux, Beverly reste calme, apathique, mais les accès de colère demeurent fréquents. Pourtant, l'équipe ne perd pas espoir. Colin et Samuel sont pugnaces, et l'étau autour de la maman se resserre. La psychologue scolaire a convaincu la mère de Beverly de faire réaliser divers examens médicaux, puisqu'un problème physiologique pourrait être à l'origine des troubles du comportement. Grâce à Colin, l'EMAS, l'Equipe Mobile Aide à la Scolarisation interviendra tous les vendredis dans la classe. C'est déjà ça.
Le meilleur moment de la journée, c'était la réunion du midi.
Fascinée, Ana a observé l'aisance avec laquelle Colin s'adresse à ses collègues. Seuls Patricia et Bernard restent un peu bougons, mais Colin ne peut pas faire l'unanimité, et le temps où ils lui posaient systématiquement des bâtons dans les roues, presque par principe, est bien loin.
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Colin Maillard et chat perché
Romance"C'est une folie de haïr toutes les roses parce qu'une épine vous a piqué, d'abandonner tous les rêves parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce qu'on a échoué. C'est une folie de condamner toutes les...