« Je t'en prie, avec plaisir. Heureuse de voir que tu vas mieux, à jeudi. »
« De rien. En même temps tu ne m'as pas laissé le choix... »
« J'ai stressé toute la journée à cause de toi ! »
Plusieurs tentatives, et au final, Ana n'a rien répondu, parce qu'elle ne sait même pas ce qu'elle ressent. En revanche, le jeudi matin, elle avance son réveil d'un quart d'heure, pour arriver encore plus tôt à l'école et ainsi avoir le temps de le coincer avant l'arrivée des collègues. Le coincer. Elle lui en veut quand même. Ce refus de soin, c'est ridicule. S'il tient à mourir, pourquoi ne se jette-t-il pas sous un train, ou du haut de son immeuble ? Comment peut-il vivre ainsi ? Le suicide le plus long de l'histoire, pense Ana, amère. C'est dur de s'attacher à quelqu'un qui va mourir, et de ne pas savoir quand cela arrivera, ne pas être capable de se préparer à une échéance.
Il est sept heures vingt lorsqu'elle pousse la porte de l'école. La plupart des collègues n'arriveront pas avant une petite demi-heure, mais lui est déjà là. Incroyable, pense-t-elle.
Elle le trouve dans la salle des maîtres, occupé à ranger la bibliothèque pédagogique. Il a déjà préparé le café qui embaume l'air, le tableau est plein de nouvelles infos variées.
— Salut Ana, sourit-il en s'avançant pour l'embrasser sur les joues. Ça va ? Merci encore pour mardi. Alors, ça s'est bien passé ? Patricia n'a pas été trop... comment on dit déjà ? Pointilleuse ?
— Si un peu. Colin...
— Ça ne m'étonne pas, soupire-t-il. Bon, j'ai trouvé pas mal de bouquins sur le thème de la maltraitance, et...
— Je me suis vraiment inquiétée pour toi.
Surpris, il s'interrompt, et la regarde, les yeux grand ouverts.
— Pourquoi ?
— J'ai... j'ai cru que... j'ai eu peur que tu meures.
Il avale sa salive et la dévisage gravement pour une fois, sans répondre par une boutade.
— Ça va arriver Ana, tu ne dois pas t'en faire pour ça, parce que tu n'y peux rien. Mais ça va arriver.
A cet instant, elle pourrait le gifler, mais se contente de hocher la tête.
— Tu sais, j'ai ouvert ta fiche d'urgence. J'étais prête à débarquer chez toi.
— Je ne t'aurais pas laissée monter. Mon appartement est un cagibi horrible, j'aurais eu trop honte. Et, ajoute-t-il à voix basse, je ne veux pas que tu me voies dans cet état.
Ses yeux pers sont plongés dans ceux d'Ana, dont la rancœur s'essouffle. Elle n'arrive pas à lui en vouloir bien longtemps.
— Colin, murmure-t-elle. J'ai vu aussi... j'ai compris que ça va faire trois ans. Pour ta famille.
Il acquiesce lentement, va s'assoir sur le canapé près d'eux, et soupire profondément.
— Oui, samedi.
Elle le rejoint, et après une hésitation, s'empare de sa main. Ce n'est pas la première fois, mais ça lui fait comme une décharge électrique. Sa paume est douce et chaude. Colin ne se trouble pas, c'est comme s'il ne s'était même pas aperçu de ce contact inhabituel pour elle.
— Nat sera chez son père. Si tu veux, on peut passer un bout de la journée ensemble.
— C'est une bonne idée, répond-il sans réfléchir, avant de se souvenir qu'il a refusé la présence de sa sœur et celle de son meilleur ami. Pourquoi elle ? Il ne se l'explique pas.
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Colin Maillard et chat perché
Romance"C'est une folie de haïr toutes les roses parce qu'une épine vous a piqué, d'abandonner tous les rêves parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce qu'on a échoué. C'est une folie de condamner toutes les...