Chapitre 53

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Depuis la fenêtre de son salon, Colin voit les lumières de la grande roue installée pour les fêtes au pied de la cathédrale, il devine celles du marché de Noël. Ce sont les seules décorations qu'il s'autorise. Pas question de mettre un sapin, ou une couronne sur sa porte. Quel intérêt, sans cadeaux à déposer dessous, sans grands yeux d'enfants émerveillés ? Les fêtes l'ennuient, cela ne fait que lui rappeler combien il est seul, combien sa famille lui manque. Et puis, ça ne cadrerait pas dans son appartement sordide. Il ne supporte plus ces murs tristes, le balatum minable. C'est comme s'il ouvrait les yeux, ce que Camille qualifie avec enthousiasme de « retour à la vie ». La pauvre, si elle savait. Mais il y a une part de vérité quand même. Parfois, Colin a l'impression qu'il sort un peu du brouillard. Et ce qui le laissait indifférent jusqu'ici le gêne à présent. Il ne veut plus vivre dans ce clapier, il a envie d'un petit appartement cosy, avec des meubles, des tableaux aux murs et peut-être même un tapis sur lequel il marcherait pied nus, même si ça ne dure pas longtemps. Et puis, Estelle, la voisine, s'est trouvée un mec. Il les entend s'envoyer en l'air plusieurs fois par semaine, et quand ils se croisent dans les couloirs, la rancunière lui jette un regard de triomphe teinté de mépris. Son copain, une sorte d'Homme de Neandertal court sur pattes ne tourne même pas la tête vers lui, seule l'enfant, la petite Clara-Lila lui adresse un signe de la main, assorti d'un sourire.

Quoiqu'il en soit, Camille a sauté sur l'occasion et à la première remarque négative que Colin s'est autorisé sur son propre appartement, elle s'est mise en tête de lui trouver un nouveau logis avant qu'il ne change d'avis, et écume les annonces de locations, appelle agences et particuliers.

— Regarde celui-ci, la pièce à vivre est super, très lumineuse. Mais c'est au troisième sans ascenseur, ça t'embête ?

— Non, c'est pas grave.

— Sinon celui-là, proche de la gare. Il y a un parking, tu seras sur l'autoroute en moins de trois minutes.

— Oui.

— Tu crois que ça pourrait être bruyant, ce secteur ?

— Je ne sais pas.

— Là, en hyper centre, une seule chambre, mais assez grande pour y mettre un bureau. Et ce sera toujours mieux qu'ici.

— D'accord.

— Ce T3 est top, regarde ! Une cuisine équipée, fenêtre dans la salle de bains, parquet en bois. Mais c'est à vendre...

— Non, pas à vendre.

— Pourquoi ?

— Parce que je n'ai pas envie d'acheter.

— Enfin Colin, s'impatiente Camille, je ne te comprends pas ! Tu vas repartir ? Je croyais que tu adorais ton boulot, ton école, tes collègues...

— Non.

— Non quoi ?

— Non, je ne vais pas repartir, mais je ne veux pas acheter.

Camille ouvre la bouche, mais son frère l'interrompt.

— Non, Cams, ne le dis pas.

— Tu ne sais pas ce que j'allais dire.

— Si. Que la vie continue. Je le sais. Mais je ne veux pas m'engager.

Les yeux de Camille s'embuent, Colin la prend par les épaules. Comment lui expliquer ? Impossible.

—Allez, Camomille... Il y a trois ans, j'avais l'impression que ma vie était finie, maintenant, je... j'entrevois l'avenir. Mais laisse-moi avancer à mon rythme... ment le grand frère.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant