Chapitre 98

184 36 59
                                    

Ça y est, il a compris. Colin a enfin repris une attitude normale. Ça fait une dizaine de jours, depuis l'anniversaire de Nat, quand ils se sont croisés par hasard dans la rue. Est-ce que c'est de les avoir vus tous les trois ? Ou parce qu'elle l'a présenté simplement comme son directeur ? C'est ce qu'il est pourtant, mais elle a bien vu qu'il avait été un peu vexé, ou blessé. Ou alors, il s'est juste fait à l'idée, et il respecte son choix. Il a compris qu'elle ne cèderait pas, qu'elle ne cèderait plus.

Quoi qu'il en soit, et quelles qu'en soient les raisons, le fait est que ça y est, c'est redevenu « normal » entre eux, ils sont comme avant, comme il y a trois mois, même six, avant leur baiser avorté aux vacances de Noël.

Alors bien sûr, ça pique un peu, de ne plus sentir sa main dans le bas du dos, ses petits sous-entendus qui faisaient papillonner son ventre, ses regards tendres. Mais c'est mieux comme ça. Et ça lui a permis de prendre une grande décision. Elle va suivre le conseil de Julie, et quitter l'école. Elle aura encore le temps de changer d'avis, la prochaine session de mutation aura lieu dans neuf mois, mais ça aussi, ce sera mieux comme ça. Ana craint de ne pouvoir avancer, de ne pouvoir passer à autre chose si elle continue à travailler avec lui. C'est un personnage tellement enrichissant, tellement inspirant, mais tellement vampirisant aussi.

Elle en a discuté avec Milla, toujours oreille attentive et de bons conseils. Et contrairement à Julie et Léo, elle, elle connaît bien Colin. La maligne, elle a un peu attendu, et elle a fini par remettre sur le tapis son voisin dentiste. Elle a négocié un dîner avec quelques amis pour faire discret, promis, elle ne dira rien, elle attend de voir si Christian plaît à Ana. Et si moi, je ne lui plais pas ? s'est inquiétée Ana. Ne dis pas de bêtises, a répliqué Milla, comme si c'était évident. C'est juste une bonne amie, mais ça fait du bien à l'égo, et Ana a accepté. Juste un dîner, pas de piège, pas d'allusions. Milla a promis, trop contente.

Ce jeudi midi, c'est jour de réunion. Comme souvent, Colin se joint à eux pour la pause, mais sans déjeuner. Ana le trouve pâle, tendu. Pendant que chacun bavarde en mangeant, il trie les listes d'élèves par classe, surligne les enfants à séparer pour préparer la suite, la répartition. C'est toujours un moment assez stressant, d'autant qu'il y a plusieurs inconnus pour l'an prochain. Anne-Marie ne donne encore aucune nouvelle, il ne sait pas si elle reviendra une fois que Beverly sera dans une autre classe. Beverly, justement, il va falloir la placer aussi, et ça ne sera pas simple. Enfin, Maryam, nommée ici à titre provisoire, changera d'école à la rentrée, il faudra jeter un œil sur la liste pour éviter que la classe du nouvel arrivant ne soit une « classe poubelle ».

La réunion se passe néanmoins sans encombre. Chérif conserve le CM1 / CM2 et accepte de prendre Beverly, au grand soulagement des deux tôlières du CM1, Patricia et Laurence. Si Colin n'est pas enchanté de la voir aller en cours double, il approuve le choix de Chérif, ça ne s'est pas trop mal passé avec Samuel, il a bon espoir qu'il en soit de même avec Chérif. Trop heureuses d'avoir échappé au monstre en jupon, Laurence et Patricia cèdent pas mal de bons élèves, et la classe est finalement assez équilibrée.

Pourtant, Colin ne paraît pas se détendre. Plusieurs fois, Ana tente de capter son regard, d'essayer de comprendre ce qui l'angoisse, mais il ne semble même pas la voir.

Quand chaque élève a retrouvé un enseignant et que les futures listes sont prêtes, le directeur s'éclaircit la voix, et se lève.

— Alors... lors du conseil des maîtres suivant, dans deux semaines, nous ferons le point sur les progressions et programmations de cycle pour l'an prochain, et les derniers ajustements pour la fête des talents. D'ici là, il me faudrait une liste du matériel dont vous aurez besoin : tapis d'acrosport, micros, costumes, etc. Et... et à ce propos, j'ai quelque chose à vous dire. Deux choses en fait.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant