Color day marron.
La barbe.
La veille au soir, Ana est restée plantée un long moment devant son armoire. Pas trop le choix, en fait, cette robe, jolie quoique démodée, ou ce pull avec un jean. Elle hésite, opte finalement pour la robe, même si elle est un peu trop élégante pour la classe.
A l'école, c'est le bal des horreurs, tout le monde semble avoir fait les fonds de tiroirs. Jérôme porte une espèce d'immonde chemise en soie des années 80, retrouvée dans son placard, Milla a revêtu une jolie combinaison sans manche qui ne ressemble plus à rien avec son gros gilet, Maryam une robe Desigual qui brûle la rétine. Colin, quant à lui, a emprunté en catastrophe un pull à Hugo, pull dans lequel il nage, et Chérif a trouvé sur le net un maillot de foot d'occasion, de l'équipe de St Pauli. Emilie s'est contentée d'accessoires, boucles d'oreilles et foulard. Seules Patricia et Sandra brillent, la première avec un tailleur chocolat sur une chemise marron glacé, et l'autre avec une robe près du corps, achetée pour l'occasion, qui met en valeur sa crinière rousse.
Mais au moins, ça met une bonne ambiance pour le matin de rentrée, chacun racontant ses déboires devant l'armoire ou se moquant de la tenue du voisin, et en prenant la traditionnelle photo de ses élèves en monochrome, Ana oublie combien elle a râlé pour s'habiller. C'est chouette quand même, cette idée de color-day.
Ils se sont souris en arrivant ce matin. Il l'a complimentée sur sa robe, elle s'est moquée de son pull trop large, Chérif était déjà là, impossible d'en dire plus devant lui, et de toute façon, l'un comme l'autre aiment différer leurs discussions, comme la récompense de la journée.
Dès la fin de la classe, Ana attend que la plupart des collègues soient partis, puis le rejoint dans son bureau avant que lui aussi ne parte pour la MJC où il anime un des ateliers d'aide aux devoirs. Elle se faufile discrètement, et ferme la porte derrière elle. Colin est en train de ranger son bureau, mais il s'interrompt.
— Alors, tes vacances ? demande Ana sur le ton de la plaisanterie, et il éclate de rire.
— La première semaine, nickel, mais la suivante n'a pas été de tout repos !
— Méchant.
Il rit à nouveau, et contourne le meuble pour finir bien trop près d'Ana.
— Tu sais bien que je ne le pense pas...
Elle ne répond pas, se contente de sourire, un peu gênée, avant de reprendre :
— Ça s'est bien passé chez tes parents, hier ?
— Disons que ça s'est passé. Camille n'a rien dit finalement, je ne sais pas pourquoi. Elle n'est peut-être pas prête. Et au fait, je... j'ai appelé mon médecin traitant. J'ai rendez-vous mercredi matin. Je lui demanderai de me prescrire les examens, ou de m'orienter vers un spécialiste, oncologue ou neurologue... enfin, c'est lui qui saura quoi faire.
— D'accord. Merci.
— Ne me remercie pas, c'est normal. Peut-être qu'au fond, moi aussi j'ai besoin de savoir au lieu d'attendre bêtement quelque chose qui ne viendra peut-être pas. Mais... Ana, ne te fais pas trop d'illusions.
— Ne recommence pas, s'il te plaît, murmure-t-elle.
Ils restent silencieux un instant, puis elle lui tend une enveloppe qu'elle gardait dans sa main, sans un mot, et tourne les talons.
— Qu'est-ce que c'est ? demande Colin, surpris, alors qu'elle s'apprête à franchir le seuil.
Elle se retourne, lève un sourcil.
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Colin Maillard et chat perché
Romance"C'est une folie de haïr toutes les roses parce qu'une épine vous a piqué, d'abandonner tous les rêves parce que l'un d'entre eux ne s'est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce qu'on a échoué. C'est une folie de condamner toutes les...