Chapitre 61

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Les semaines suivantes s'enchaînent, rythmées par les crises de Beverly. Le lendemain du premier esclandre, Colin a enfin reçu le dossier scolaire, qui ne contenait pas grand-chose. Comme le lui avait expliqué la directrice de l'école de Vitry-le François, la maman avait déménagé au moment du début du suivi au CMP*, alors interrompu.

— Pas de lien entre les services... tout est refaire, a songé Colin en parcourant le maigre dossier. Le livret scolaire, un compte-rendu d'observation de la psychologue scolaire, c'est tout.

Il a directement envoyé un mail à l'inspectrice, et un autre au RASED*, le réseau d'aide, pour solliciter l'intervention des différents partenaires : maîtresse E pour les difficultés d'apprentissage, maître G, le rééducateur, et la psychologue. Il faudra bien une armée pareille, se dit Colin en repensant aux hurlements quotidiens. Hormis à de rares exceptions, quand elle est bien disposée ou que l'activité proposée lui convient, Beverly refuse toujours de travailler, et depuis la fin de sa première semaine, s'en prend régulièrement à ses camarades. Gifles, coups, insultes, crachats, capuches arrachées, cheveux tirés, c'est devenue la terreur de la récré, même les grands de CM1 et CM2 la craignent. La mère, convoquée à plusieurs reprise hausse les épaules : que voulez–vous que je fasse, à la maison c'est pareil. L'idée de priver l'enfant de récréation a été émise par l'ensemble des collègues, stupéfaits par une telle constance dans la violence mais Mme Barbaroux, l'inspectrice, leur a opposé un refus ferme et définitif : aux enseignants de surveillance de faire leur travail.

Plusieurs fois par semaine, Anne-Marie est obligée de demander l'aide de Colin qui vient chercher la gamine et la garde avec lui le temps qu'elle se calme. Devant la situation extrême, il a fait une demande exceptionnelle d'AESH*, personnel normalement réservé aux cas avérés de déficience ou de handicap physique. Mais appuyé par l'inspectrice venue elle-même observer l'enfant et par le rapport de la psychologue scolaire, le dossier est en bonne voie d'être accepté.

A la cantine, les choses ne se passent pas mieux. Beverly vide régulièrement son verre d'eau sur les camarades voisins, jette et brise ses assiettes, fait pleurer les jeunes animateurs inexpérimentés, incapable de la gérer en cas de crises.

En plus des protestations de l'équipe, des menaces d'Anne-Marie qui semble au bord du gouffre et des élèves traumatisés, Colin doit faire face aux parents d'élèves qui commencent à défiler dans son bureau pour se plaindre.

Les mauvais côtés de son boulot. Mais il reste positif. Ils sont dans une dynamique d'actions et même si pour le moment les crises de Beverly suivent une courbe de Gausse, il attend patiemment que ça redescende. Il ne peut pas en être autrement, avec tout ce qu'ils mettent en place. Après une journée particulièrement difficile où l'enfant a copieusement insulté sa maîtresse, Colin a convoqué une réunion extraordinaire en présence de la psychologue, pour qu'ils décident ensemble de comment bien cerner l'élève, et aider leur collègue au mieux. Ils ont ensemble instauré un emploi du temps pour décharger Anne-Marie, demandant aux autres enseignants de prendre Beverly en charge une heure par semaine en cas de crise. Ça ira mieux, ça ne peut qu'aller mieux. Ce n'est qu'une question de temps.

Pourtant, ce jeudi matin, son optimisme est mis à mal. Par quatre mots et un point. Un sms reçu sur son portable vers sept heures trente, au moment où il arrive à l'école.

De A-Marie Chevalier : Je suis en arrêt.

Tout de suite, il essaye de l'appeler, mais tombe directement sur sa messagerie. Elle refuse de lui parler. Elle n'a pas dit « je suis malade », elle a bien stipulé « en arrêt », comme un reproche. Pas besoin d'être très malin pour en comprendre la raison.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant